Gravés dans la pierre : les monuments aux morts étretatais

La loi du 25 octobre 1919 prévoyait que les noms des combattants ayant servi sous le drapeau français et morts pour la France au cours de la guerre de 1914-1918 seraient inscrits sur des registres déposés au Panthéon et que l’Etat remettrait « à chaque commune un livre d’or sur lequel seront inscrits les noms des combattants des armées de terre et de mer morts pour la France, nés ou résidant dans la commune. Ce livre d’or sera déposé dans une des salles de la mairie et tenu à la disposition des habitants de la commune. » Etait également prévue l’érection, à Paris ou aux environs, d’un monument national commémoratif des héros de la grande guerre tombés au champ d’honneur. En outre, des subventions aux communes étaient décidées afin de les aider à la glorification des morts (Loi n°15135 du 25 octobre 1919 relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la grande guerre, promulguée au Journal officiel du 26 octobre 1919) (http://www.cndp.fr/crdp-reims/enseigner14-18/carte/ac5/fic1.pdf). Des monuments commémoratifs ont alors fleuri sur tout le territoire français, comme nous l’ont rappelé le livre de Pierre Lemaitre « Au-revoir là-haut » et le film qu’en a tiré Albert Dupontel en 2017. Dans le cadre du centenaire de la Première Guerre Mondiale, l’Université de Lille a lancé le 11 novembre 2013 un inventaire national collaboratif de ces monuments aux morts, sous forme d’une base de données librement accessible sur Internet.

Le monument de la place Monseigneur Lemonnier

Le monument commémorant les victimes étretataises de la guerre de 1914-1918 a été érigé sur la place de l’église (place Mgr Lemonnier), en vis-à-vis du calvaire. Par la suite, les deux ouvrages ont été inversés. Le monument aux morts se présente sous la forme d’un obélisque, surmonté de la statue d’un poilu casqué, arme au pied, le pied droit en avant, dans une attitude emplie de détermination voire de défi. Le piédestal porte l’inscription : Etretat à ses enfants morts pour la patrie 1914-1918 sur la partie frontale et sur les faces latérales les noms de 69 morts de la Première Guerre, classés par année de décès : 9 en 1914, 28 en 1915, plus un rajouté sur la face opposée, 14 en 1916, 6 en 1917, 7 en 1918 et 4 en 1919. Les noms des 10 victimes de la Seconde Guerre Mondiale ont été rajoutés ultérieurement sur deux faces de la première assise : 4 décès en 1940, 3 en 1943, 3 en 1944-1945, ainsi que le nom d’un mort de la Guerre d’Algérie tombé en 1960 et le nom d’une victime de la Guerre d’Indochine tué en 1949.

Les noms des frères Homont, bien qu’ils fussent reconnus morts pour la France dès 1945, n’ont été inscrits sur le monument aux morts d’Etretat qu’en mai 2010 (Le Courrier Cauchois, 14 mai 2010, Le bulletin d’Etretat, n° 10, juin 2010).

Quelques erreurs ou omissions peuvent être relevées : ainsi Henri Couchaux est mort en 1914 et non en 1915.

Le sculpteur à qui nous devons ce monument étretatais est Louis-Henri Nicot, un breton qui réalisa plusieurs monuments du genre, dont celui de Paramé près de Saint-Maloet, celui de Pleurtuit et celui de Camors qui reproduisent le même poilu que le monument étretatais ; la réalisation incomba à l’entreprise Veuve Cauvin de Fécamp.

La face droite du monument ; les frères Homont n’avaient pas encore été inscrits
La face gauche du monument
Nom Date de décès indiquée Date réelle Lieu du décès Sépulture
Georges Bainey 1916 19/05/1916 Esnes-en-Argonne (Meuse)  
Emile Beaufils 1915 15/01/1915 Le Havre (hôpital militaire) Etretat
Emile Bellet 1915 06/07/1915 La Harazée (Marne)  
Henri Bellet 1919 15/03/1919 Etretat Etretat
Raoul Bénard 1917 07/05/1917 Vauxaillon (Aisne) Etretat
Séraphin (Paul) Bénard 1915 20/02/1915 Carnoy (Somme) Albert (Somme)
Léon Cauvin 1916 04/07/1916 Estrées (Somme) Etretat
René Cauvin 1919 30/09/1919 Evreux (hospice) Etretat
Alphonse Chambrelan 1915 17/04/1915 Carnoy (Somme)  
Léon Chambrelan 1915 09/06/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) La Targette (Pas-de-Calais)
André Chambrelan 1916 08/01/1916 Beauséjour (Marne) Pont-de-Marson (Marne)
Louis Coquin 1915 16/04/1915 Maroeuil (Pas-de-Calais) Etretat
Léon Coquin 1915 02/04/1915 Cherbourg (hôpital militaire)  
Paul Cordier 1915 25/09/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)  
Henri Couchaux 1915 (erreur) 21/10/1914 Paris (hôpital)  
Louis Coussot 1918 22/05/1918 Berny (Somme)  
Charles Dallet 1915 25/09/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) La Targette (Pas-de-Calais)
Michel Darricarrère 1915 23/09/1915 Perthes-lès-Hurlus (Marne) Etretat
Robert (Eugène) Deck 1915 13/10/1915 Tahure (Marne)  
René Déhais 1917 06/06/1917 Verneuil-Courtonne (Aisne) Etretat
Joseph Déhais 1917 (erreur) 20/10/1918 Koritza (Albanie) Etretat
Gaston Déhais 1918 25/07/1918 La Poterne (Marne) Etretat
Maurice Delamare 1918 30/10/1918 Herpy (Ardennes) Rethel (Ardennes)
Georges Dumont 1915 25/09/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) Etretat
Ernest Fontaine 1915 25/09/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)  
Henri Fréval 1915 08/11/1915 Bourges (hôpital militaire) Etretat
L éon Guéry 1919 27/02/1919 Villers-Cotterets (hôpital) Villers-Cotterets
Louis Harel 1914 25/11/1914 Bois de la Gruerie (Marne)  
Henri Harel 1916 27/09/1916 Bouchavesnes (Somme)  
Jules Hautot 1915 19/11/1915 Amiens (hôpital temporaire 10bis) Etretat
Jean Hautot 1917 14/02/1917 Etretat Etretat
Alphonse Hauville 1915 13/10/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) La Targette (Pas-de-Calais)
François Hauville 1915 29/09/1915 Tahure (Marne) Etretat
Achille Hébert 1914 22/08/1914 Roselies (Belgique)  
Charles Hébert 1915 08/10/1915 Souain (Marne)  
Maxime Hermel 1915 25/09/1915 Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) Acq (Pas-de-Calais)
Eugène (Emile) Hoisey 1916 07/10/1916 Bouchavesnes (Somme)  
Pierre Houlbrèque 1915 18/09/1915 Fay (Somme) Dompierre-Becquincourt (Somme)
Pierre Javal 1914 14/10/1914 Riaville (Meuse) Paris (Montmartre)
François Jeanne 1914 14/09/1914 Sapigneul (Marne)  
Gaston Jeanne 1916 09/04/1916 Vaux-Etang (Meuse)  
Robert Jeanne 1916 10/06/1916 Verdun (Meuse)  
Louis (Paul) Lair 1915 14/10/1915 Paris (hôpital Necker)  
Alexandre Lamotte 1916 01/11/1916 Dugny Meuse) Dugny-sur-Meuse
Henri (René) Lebaillif 1915 29/09/1915 Tahure (Marne) Suippes (Marne)
Julien Lebas 1915 28/03/1915 Commercy (Meuse) Etretat
François Lebourgeois 1918 07/10/1918 Etretat Etretat
Louis Lecanu 1916 09/04/1916 Vaux (Meuse) Douaumont (Meuse)
Henri Lenormand 1918 14/10/1918 Roulers (Belgique)  
Henri Lozé 1915 22/01/1915 La Harazée (Marne)  
André Marais 1919 25/06/1919 Constantinople (hôpital militaire)  
François Martin 1918 16/10/1918 Marseille (hôpital Saint Sébastien) Etretat
Edmond Maubert 1918 13/06/1918 Combats de l’Oise  
Charles Miquignon 1916 16/09/1916 Redigny (Meuse) (hôpital temporaire) Etretat
Pierre Morin 1915 03/03/1915 Vaux-Varenne (Meuse) Etretat
Alphonse Omont 1914 29/09/1914 Thil (Marne)  
Emmanuel Paté 1914 10/11/1914 Pipegaël (Belgique)  
Etienne Paumelle 1914 08/12/1914 Juvisy (Seine-et-Oise) (hôpital militaire) Juvisy-sur-Orge (Essonne)
Léon Petit 1916 23/06/1916 Douaumont (Meuse)  
Francis Pihan 1916 01/11/1916 Proyart (Somme) Albert (Somme)
René Prat 1914 29/09/1914 Esternay (Marne)  
Albert Recher 1915 18/09/1915 Fay (Somme) Dompierre-Becquincourt (Somme)
Charles Salmon 1914 22/09/1914 Chepy (Marne)  
Raphaël Serviat 1917 18/09/1917 Le Havre (hôpital) Etretat
Georges Simonnet 1916 01/04/1916 Baccarat (Meuse) (hôpital)  
Joseph Vallin 1916 03/11/1916 Sailly-Saillisel (Somme)  
Henri Vatinel 1915 25/09/1915 Massiges (Marne) Pont-de-Marson (Marne)
Léopold Vatinel 1915 28/09/1915 Saint-Hilaire/Sommepy (Marne)  
E. Vatinel 1917 25/12/1914 ? Le Havre (hôpital) ?  

Ci-dessus : liste des morts militaires de la Première Guerre Mondiale

Nom Date de décès âge Lieu du décès Sépulture
André Basille 6/03/1944 19 ans Camp de Dora (Allemagne)  
Charles Decaux 30/05/1940 22 ans Warfusée (Somme)  
René Dublé 16/05/1940 25 ans Malines (Belgique) Etretat
Raymond Hauville 5/06/1943 30 ans Kornwestheim (Allemagne)  
Maurice Guillard 15/04/1945 49 ans Cam de Flöha (Allemagne)  
Louis Homont 2/04/1943   Cap d’Alboran (Espagne)  
Raymond Homont 2/04/1943   Cap d’Alboran (Espagne)  
Robert Mallet 7/11/1944 36 ans Gusen (Autriche)  
Maurice Nouet 12/06/1940 31 ans Epreville Etretat
Ernest Richaud 19/06/1940 52 ans Amboise (Indre-et-Loire)  

Ci-dessus : Liste des morts (militaires et déportés) de la Seconde Guerre Mondiale

Nom Date de décès âge Lieu du décès Sépulture
Jean Brulin 1960 22 ans Souk Ahras (Algérie) Etretat

Ci-dessus : Mort militaire en Afrique Française du Nord

NomDate de décèsâgeLieu du décèsSépulture
Jean Jacques André Lesieur21/4/194931 ansTan Chau (Cochinchine)

Ci-dessus : Mort militaire en Indochine, dans la destruction du dragueur « la Glycine »

Le monument dans l’église

Contre le mur gouttereau du bas-côté droit de l’église, une statue de Pietà est posée sur un socle portant une plaque dédiée « à la mémoire des marins et soldats enfants d’Etretat morts pour la Patrie et des soldats de l’armée britannique inhumés dans le cimetière ». Cette plaque est entourée de deux autres plaques noires portant, en lettres dorées, les noms de 67 soldats de 1914-1918 énumérés par année de décès mais des différences existent avec les listes du monument extérieur. On dénombre ici 10 victimes en 1914 au lieu de 9 (Paul Bénard, Jean Renié et Jacques Mouchet sont en surplus mais il manque Pierre Javal et René Prat, ce dernier étant mentionné en 1915), 28 morts en 1915 au lieu de 29 (il manque Séraphin Bénard –inscrit en 1914 sous le nom de Paul Bénard- et Henri Couchaux), 12 au lieu de 14 en 1916 (il manque Francis Pihan et Louis Lecanu et le nom de Bainey est orthographié Baynet), 6 en 1917 (mais le nom de E. Vatinel est remplacé par celui de Louis Coussot), 8 en 1918 au lieu de 7 (il manque Coussot, mentionné en 1917 mais Pierre et Jacques de Champfeu  sont rajoutés) et 3 en 1919 (il manque René Cauvin). Il y a aussi des erreurs sur les prénoms ; par exemple, Ernest Paté se prénommait en réalité Emmanuel. Quatre noms supplémentaires sont donc portés, ceux de Jean Renié, Jacques Mouchet, Pierre de Champfeu et l’écrivain Jacques de Champfeu, tandis que six sont oubliés : Pierre Javal, Henri Couchaux, Francis Pihan, Louis Lecanu, E. Vatinel, René Cauvin.

Nom Date de décès indiquée Date réelle Lieu du décès Sépulture
Jacques de Champfeu 1918 27/03/1918 Dancourt (Somme)  
Pierre de Champfeu 1918 13/12/1917 Paris (hôpital Michel Ange)  
Jacques Mouchet 1914 28/12/1814 Langemark (Belgique)  
Jean Renié 1914 20/08/1914 Dieuze (Moselle) Riche (Moselle)

Ci-dessus : liste supplémentaire des morts militaires de la Première Guerre Mondiale

Comme sur le monument extérieur, les morts pour la patrie de la Seconde Guerre Mondiale sont énumérés au pied du monument : ils sont ici au nombre de 8 (il manque L. Homont et R. Homont).

Les victimes étretataises de 1914-1918

Si on cumule les noms portés sur les deux monuments (extérieur et intérieur), on arrive au chiffre de 73 hommes pour la Première Guerre Mondiale. Un doute subsiste sur l’identité de trois d’entre eux : M. Delamare, Ch. Salmon et E. Vatinel, qui n’apparaissent pas dans les décès de l’état-civil étretatais. Aucune personne correspondant à ces trois identités n’est reliée explicitement à Etretat parmi les individus catalogués dans la base Mémoire des Hommes recensant les morts pour la France. Le premier pourrait être Maurice Delamare, né au Havre et tué en 1918, le second pourrait être Charles Salmon, né à Paris (XIVe arrondissement) et tué en 1914 ; le troisième est plus problématique : un Emile Henri Vatinel est né à Gonfreville-l’Orcher près du Havre mais il est mort en 1914 et non en 1917.

Sur les 70 autres personnes, 52 sont nées à Etretat. Les dix-huit autres y résidaient vraisemblablement -car leur décès est retranscrit dans les registres étretatais- sauf peut-être Raoul Bénard, Louis Coussot, Henri Lozé, René Prat, les deux frères de Champfeu, Jacques Mouchet et Jean Renié. La famille de Champfeu est apparentée aux de Larosière qui ont fourni nombre de hauts fonctionnaires français.

Localisation des monuments aux morts d’Etretat ; 1: monument de L.-H. Nicot, 2 : monument dans l’église, 3: monument de la guerre de 1870 ; en bleu, les tombes de poilus dans le cimetière. DAO ©Les carnets de Polycarpe

L’âge moyen des morts de 14-18 est de 27 ans et demi (médiane : 26 ans). Le plus jeune, Henri Louis Fréval, avait à peine 19 ans ; le plus vieux, Henri Louis Jean Renié, était un chef de bataillon âgé de 46 ans, commandant du 27e bataillon de chasseurs alpins. Huit des soldats avaient plus de 35 ans ; plusieurs appartenaient à une formation territoriale, comme le 43e régiment d’infanterie territoriale, le 239e régiment d’infanterie, constitué avec les bataillons de réserve du 39e RI, ou le 329e régiment d’infanterie, constitué avec les bataillons de réserve du 129e RI ; les autres appartenaient aux 17e, 21e et 24e régiments d’infanterie coloniale.

Nombre de morts en fonction de l’âge

La majorité des morts (62 %) ont été tués au combat ; il faut y ajouter, d’après les fiches figurant dans la base Mémoires des Hommes, trois disparus (Raoul Bénard, René Prat et Jacques de Champfeu). Cependant Raoul Bénard est bien enterré dans le cimetière d’Etretat. Neuf hommes sont morts des suites de blessures de guerre, dont un au moins a succombé à des brûlures généralisées ; dans un cas, la fièvre typhoïde s’est ajoutée aux blessures. Quatre de ces blessés sont morts sur le front, les cinq autres sont morts à l’hôpital où ils ont été évacués (Baccarat en Meurthe-et-Moselle, Paris, Juvisy, Le Havre). Parmi eux, figure Pierre de Champfeu, mort du tétanos à la suite d’une blessure reçue à La Malmaison (Aisne) (http://lhistoireenrafale.lunion.fr/2018/03/27/27-mars-1918-jacques-de-champfeu-tombe-au-champ-dhonneur/).

Onze soldats et matelots sont morts de maladie dans différents hôpitaux français ou étrangers (Constantinople, Koritza en Albanie, Marseille, Cherbourg, Commercy et Revigny dans la Meuse, Bourges, Villers-Cotterets, Amiens, Paris, Evreux) ; deux autres sont morts à l’hôpital du Havre et trois sont morts à Etretat (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/02/11/les-hopitaux-provisoires-de-la-premiere-guerre-mondiale/). La plupart des maladies ayant entraîné la mort sont des infections pulmonaires (broncho-pneumonie, tuberculose pulmonaire, grippe) mais il y a aussi trois cas de fièvre typhoïde et une péritonite tuberculeuse. La grippe dite espagnole semble n’avoir fait que peu de victimes.

Cause191419151916191719181919Total
Tués au combat921915045
Disparus1001103
Blessures1341009
Maladies24123416
Total13281459473

La plupart des poilus étretatais morts pour la France sont des hommes du rang (85 %) ; cinq des autres sont des sous-officiers (dont un seul étretatais de naissance, Léon Guéry), six sont des officiers. Deux de ces derniers sont nés à Etretat : le lieutenant Robert Eugène Deck et le sous-lieutenant Pierre Gustave Javal. Ce dernier était un jeune normalien, fils d’un imprimeur parisien ; il est inhumé au cimetière Montmartre à Paris.

Soldat 2e classe 44
Soldat canonnier 2
2e canonnier conducteur 1
1er canonnier servant 1
Sapeur mineur 4
Matelot 3e classe 2
Matelot 2e classe 2
Matelot canonnier 2e classe 1
Caporal 3
Caporal fourrier 1
Caporal musicien (clairon) 1
Sergent 3
Maréchal des logis 1
Adjudant 1
Sous-lieutenant 4
Lieutenant 1
Commandant 1

Si l’on s’intéresse à l’affectation par régiment, on constate que la grande majorité des décédés (82 %) appartenaient à un régiment d’infanterie ; on ne compte que cinq artilleurs et quatre sapeurs du génie. Les marins ne sont qu’au nombre de quatre. Les régiments qui comptent le plus d’étretatais décédés sont le 329e RI, dont la garnison était au Havre (sept morts), le 74e RI dont les cantonnements se situaient dans la région rouennaise (six morts), le 24e RI (quatre morts), le 129e RI dont le casernement était au Havre (quatre morts), le 94e RI (trois morts) et le 4e RZM (trois morts).

Régiment Nombre d’hommes tués
22e régiment d’infanterie 1
24e régiment d’infanterie 4
26e régiment d’infanterie 1
28e régiment d’infanterie 1
39e régiment d’infanterie 1
43e régiment d’infanterie territoriale 2
46e régiment d’infanterie 1
56e régiment d’infanterie 1
66e régiment d’infanterie 1
71e régiment d’infanterie 1
74e régiment d’infanterie 6
76e régiment d’infanterie 1
94e régiment d’infanterie 3
109e régiment d’infanterie 1
129e régiment d’infanterie 4
164e régiment d’infanterie 1
224e régiment d’infanterie 1
239e régiment d’infanterie 2
243e régiment d’infanterie 1
260e régiment d’infanterie 1
294e régiment d’infanterie 1
329e régiment d’infanterie 7
361e régiment d’infanterie 1
411e régiment d’infanterie 1
419e régiment d’infanterie 1
7e régiment d’infanterie coloniale 1
17e régiment d’infanterie coloniale 1
21e régiment d’infanterie coloniale 1
24e régiment d’infanterie coloniale 2
101e régiment d’infanterie coloniale 1
142e régiment d’infanterie coloniale 1
18e bataillon de chasseurs à pied 1
19e bataillon de chasseurs à pied 1
27e bataillon de chasseurs à pied 1
69e bataillon de chasseurs à pied 1
4e régiment de zouaves de marche 3
2e régiment de génie 1
3e régiment de génie 3
1er régiment d’artillerie à pied 1
5e régiment d’artillerie de campagne 1
31e régiment d’artillerie 1
62e régiment d’artillerie 1
142e régiment d’artillerie de campagne 1
1er dépôt 2
1er régiment de marine 1
Cuirassé « Paris » 1
La tombe de Pierre Alphonse Hauville dans la nécropole nationale de La Targette à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

Parmi les combats qui ont fait plusieurs victimes dans les rangs étretatais figurent la première bataille de la Marne en septembre 1914, qui vit périr trois hommes, la seconde bataille de Champagne en septembre-octobre 1915, durant laquelle tombèrent cinq hommes dont trois appartenaient au 329e RI et la bataille de la Somme de juillet à novembre 1916 qui fit cinq victimes. Mais les batailles les plus meurtrières furent la bataille de Verdun qui faucha sept étretatais entre mai et novembre 1916 et les batailles de l’Artois de 1915, durant lesquelles huit étretatais furent tués, dont cinq –appartenant aux 129e, 74e et 24e RI- tombèrent le même jour à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), le 25 septembre 1915. Des étretatais sont aussi morts dans la bataille de Charleroi et dans la bataille des Flandres sur le sol belge en 1914, dans les batailles de l’Argonne en 1914 et 1915, dans la bataille des Eparges en 1915, au Chemin des Dames en mai-juin 1917, dans la deuxième bataille de la Marne en 1918, dans la bataille du Kaiser en 1918 et dans la bataille de la Lys en 1918, entre autres.

Département-pays tués
Belgique 4
Aisne 2
Ardennes 1
Marne 16
Meurthe-et-Moselle 1
Meuse 9
Pas-de-Calais 8
Somme 12

Les conséquences démographiques de la Première Guerre Mondiale

La courbe des naissances et des décès étretatais pour le premier quart du XXe siècle montre un excès de décès entre 1914 et 1919 qui est certes notable mais pas considérable (les décès des soldats britanniques et américains n’ont pas été pris en compte). La courbe des naissances, qui montrait déjà une tendance à la décroissance depuis la fin du siècle précédent, chute de manière spectaculaire en 1915 ; le chiffre des nouveaux-nés ne retrouvera jamais le niveau d’avant-guerre, sauf brièvement au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

Courbe des naissances et des décès à Etretat de 1901 à 1925

La génération des enfants étretatais nés entre 1875 et 1899 a vu près de 3 % d’entre eux succomber à  la Première Guerre Mondiale ; ce pourcentage monte entre 5 et 10 % pour les classes de naissance 1888 à 1897, mais ces pourcentages sont quasiment doublés si l’on ne prend en compte que la population masculine, seule concernée évidemment.

Année Naissances Décès de la Première Guerre Mondiale Taux de tués
1875 71 1 1,4 %
1876 81 1 1,2 %
1877 68 0 0
1878 68 1 1,5 %
1879 75 1 1,3 %
1880 71 2 2,8 %
1881 65 2 3,1 %
1882 62 2 3,2 %
1883 79 0 0
1884 74 2 2,7 %
1885 64 1 1,6 %
1886 86 2 2,3 %
1887 67 0 0
1888 89 5 5,6 %
1889 66 3 4,5 %
1890 62 4 6,5 %
1891 66 1 1,5 %
1892 56 2 3,6 %
1893 55 5 9,1 %
1894 67 3 4,5 %
1895 51 3 5,9 %
1896 55 3 5,5 %
1897 57 3 5,3 %
1898 62 0 0
1899 58 2 3,4 %
Total 1875-1899 1675 49 2,9 %

Certaines familles furent plus particulièrement touchées. Deux frères, Léon et André Chambrelan, furent tués l’un en 1915 dans la bataille de l’Artois, l’autre en 1916 en Champagne ; un cousin germain de leur père, Alphonse, mourut en 1915 dans la Somme, deux mois après André. Les cousins germains de Léon et André, les frères François, Gaston et Robert Jeanne, moururent en 1914 et 1916, le premier au Chemin des Dames, les deux autres  à Verdun. Le père de ces trois garçons, Jules François Jeanne, était adjoint au maire en 1919 ; c’est lui qui prépara l’inauguration du monument.

Les descendants de François Aimable Chambrelan morts en 1914-1918

Deux fils de Rustique Bellet et Anastasie Hermel moururent, l’un en 1915 en Argonne, l’autre quelques mois après l’armistice, d’une tuberculose contractée pendant la guerre. Louis Déhais et Marie Mézaize perdirent successivement trois fils, en juin 1917, juillet 1918 et octobre 1918. Les frères Louis et Ulysse Coquin moururent tous deux de maladie dans un hôpital, l’un en octobre 1914, l’autre en avril 1915 ; le fils de leur cousine Clémence Rosine, André Marais, mourut à l’hôpital militaire de Constantinople en juin 1919. Louis Harel tomba au Bois de la Gruerie en Argonne en novembre 1914, son frère Henri fut fauché lors de la bataille de la Somme en septembre 1916. Les frères Alphonse et Pierre Hauville moururent à quinze jours d’intervalle en 1915. Les deux Cauvin (Léon et René), morts respectivement en 1916 et 1919, étaient oncle et neveu.

Le monument de 1870

Moins visible, le monument aux morts de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 se trouve près de l’entrée méridionale du cimetière. C’est un simple obélisque de pierre blanche portant l’inscription suivante :

Elevé par la société des anciens combattants de 1870-1871 avec le concours d’une souscription patriotique à la mémoire de tous ceux tombés sur les champs de bataille pour la défense de la Patrie.

En-dessous n’est mentionné qu’un nom, celui de Gustave Hauville. Le caporal Gustave Wilfrid Eugène Hauville était le fils du dirigeant de l’hôtel du même nom, qui était un établissement réputé situé sur le front de mer d’Etretat. C’est un cousin issu de germains du père de Pierre et François Hauville, qui moururent en 1915 en Champagne et en Artois. Gustave fut la seule victime étretataise de la guerre de 1870 : né en 1847, il fut tué dans l’après-midi du 4 décembre 1870 à Bosc-le-Hard, lors de la bataille qui opposa sa compagnie du 2e bataillon de gardes mobiles aux troupes prussiennes se dirigeant sur Rouen ; ce combat fit, côté français, 6 morts, 24 blessés et 79 prisonniers (Ernouf 1872). Gustave Hauville est enterré dans le cimetière d’Etretat.

Le socle porte la mention : « concession accordée par le conseil municipal » et la date de l’inauguration : 15 septembre 1901. On sait que la guerre de 1870 a marqué les mémoires des étretatais, la ville ayant été envahie par les Prussiens parvenus au point extrême de leur avancée occidentale, la ville du Havre formant une poche de résistance. Cet évènement, vécu comme un traumatisme, a servi de toile de fond à treize nouvelles de Guy de Maupassant, dont Deux Amis, la Mère Sauvage, Mademoiselle Fifi, Boule de Suif, le Père Milon… On lira, à propos de l’attaque injustifiée dont le maire de l’époque, Martin Vatinel, fit l’objet de la part de l’écrivain, le chapitre consacré par Raymond Lindon dans son ouvrage sur Etretat (Lindon 1963, p. 91-98).

Monument au mort de 1870

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