Les portes d’Étretat

Non, je ne vous parlerai ici ni de la Porte d’Aval, ni de la Porte d’Amont, pas même de la Manneporte, les trois portes étretataises qui, comme l’affirme la devise municipale, sont toujours ouvertes. Celles dont il est question dans les lignes qui suivent sont destinées à être fermées la plupart du temps, même si l’honnêteté des mœurs étretataises pouvait jadis rendre inutile le verrouillage des portes : « La confiance des habitants est si grande que personne ne ferme sa porte ni le jour ni la nuit ; la maison reste ouverte sans danger à tout venant » (Charles Vallin, 1861, cité par Lindon, 1963). Mais les temps ont manifestement changé et la méfiance s’est installée.

Traduction pour les non latinistes : « mes portes sont toujours ouvertes »

Chacun voit midi à sa porte

Reflets de la diversité architecturale de la station balnéaire, les portes étretataises montrent à qui veut bien y prêter attention une grande variété de styles et de couleurs, même si les contraintes des réglementations d’urbanisme dans un site classé, tout comme l’offre par les artisans, à moindre coût, de modèles produits en série, tendent hélas à une certaine uniformisation de cet élément important du paysage urbain.

Les agressions d’un climat maritime humide soumettent bois et métal à dure épreuve mais elles ajoutent parfois une touche poétique et romantique au matériau d’origine, lorsque la porte se fait oublier dans un mur de clôture et qu’elle s’abandonne à la nature pour se patiner de mousse ou se couvrir de feuillage.

La porte marque la limite entre la sphère publique et la sphère privée ; frontière entre deux univers, elle assume une fonction démonstrative vis-à-vis de l’extérieur tout autant que protectrice pour la maisonnée, multipliant de ce fait les choix typologiques.

Porte-à-porte

Une porte d’allure urbaine, flanquée de fenêtres en plein cintre, occupe une position centrale sur la façade de cet immeuble d’une architecture néoclassique assez rare à Étretat ; comme beaucoup de portes étretataises, celle-ci est peinte en bleu, peut-être à cause de la prescription d’un architecte des bâtiments de France particulièrement friand de cette couleur (Avenue de Verdun).

Non loin de là, une autre porte citadine, d’allure imposante (rue Isabey).

Une porte aristocratique : celle du château de Grandval, édifié à la veille de la Révolution française (rue Guy de Maupassant).

Une porte d’un modèle fréquent à Étretat : porte semi-vitrée à grille en fer forgé avec imposte vitrée à cintre surbaissé (rue Anicet Bourgeois).

La grille en fer forgée de cette porte d’entrée en bois a été égayée par de discrètes touches de couleur (rue Martin Vatinel).

Une simple pagaie de périssoire accrochée sur le linteau donne à cette porte d’entrée toute son originalité, en même temps qu’elle affiche l’attachement de l’occupant au patrimoine local (rue Alphonse Karr).

Cette porte est habillée de deux cloches et d’un heurtoir ; ce dernier accessoire est assez rare à Étretat (rue René Tonnetot).

Du vert, pour changer un peu (rue Isabey).

De simples photos, posées en trompe-l’œil, transforment la devanture de ce commerce abandonné en antre pour bibliophiles (rue Adolphe Boissaye).

Une porte qui se singularise par son fronton décoré de carreaux de pavement, sur une façade qui présente d’autres originalités (rue Guy de Maupassant).

Un blason en stuc a été apposé sur le linteau en briques de cette porte, simulant une  clef de voûte décorative (rue Notre-Dame).

Sur ce linteau, protégé par un petit auvent en bois ouvragé, un blason a également été apposé (rue Dorus).

Sous le colombage à encorbellement d’allure normande, une porte tierce à petits carreaux (rue du Docteur de Miramont).

Quelque peu incongrue dans son environnement pavillonnaire, la porte de cette maison à colombages au toit de fibrociment est flanquée de deux poteaux d’huisserie en bois sculptés de personnages grotesques : à gauche, un bouffon portant fraise, couronne et culottes bouffantes, à droite un singe grimpe dans une treille de vigne pour cueillir une grappe (rue du Colonel Raynal).

Encore une ambiance médiévale, hélas gâchée par une gouttière mal placée, pour cette porte qui ouvre sur l’ancien atelier étretatais du sculpteur animalier Charles Artus (1897-1978) (rue Notre-Dame).

Le portail de l’église Notre-Dame, dont les sculptures du tympan -bien que relativement récentes- sont fortement dégradées (Place Monseigneur Lemonnier).

«  Le portail est d’une grande simplicité et d’une grande pureté tout à la fois. C’est une arcade romane ornée de zig-zags, de frettes crénelées et de têtes de clous ; les colonnettes qui la supportent ont des chapiteaux à personnages.(…) Le mauvais goût du XVIIe siècle avait grossièrement rapetissé ce portail. Pour cela il avait entaillé et supprimé le tympan qui probablement était décoré de sculptures. La porte en bois, qui ne manquait pas de caractère, avait été faite en 1688 et payée 70 livres. (…) Tout ce plâtrage de mauvais goût, que protégeait un porche construit vers 1770, a complètement disparu en 1865. A cette époque, on a restauré le portail, qui a repris sa physionomie primitive. Une nouvelle porte a été posée, et celle-là pourrait, par ses ferrures et sa forme, être considérée comme du temps de Philippe-Auguste. A droite et à gauche de ce portail, les architectes de l’école romane placèrent dans une petite niche une statue de pierre qui a perdu tout son caractère et est entièrement méconnaissable.  » (Abbé Cochet, 1869)

Les portes d’un autre monument public, prisé des touristes car situé au centre du village, le marché couvert de style normand dont les portes, pour le coup, sont toujours ouvertes (tout au moins durant dans la journée) car il abrite des boutiques de souvenir qui ont remplacé les commerces de bouche du siècle dernier (Rue des Docteurs Fidelin).

Ce porche d’entrée à colombage, coiffé d’un clocheton couvert de tuiles, constitue un sas protégeant des intempéries le visiteur de la villa (rue Notre-Dame).

Un faux air de porche colonial pour cette maison, où chaises et parasols ont été remisés sur la terrasse en attendant l’été (rue Charles Mottet).

En raison de l’existence d’un entresol, les portes principales des villas sont fréquemment surélevées et précédées d’un escalier et d’une terrasse dont l’extension le long de la façade, tout comme la profondeur, sont variables (rue Jacques Offenbach).

Ici, c’est un escalier à double volée qui permet de rejoindre la porte d’entrée ; celle-ci se trouve protégée par le balcon du premier étage faisant office d’auvent (rue Aristide Briand).

Cette porte de maison de ville est également protégée par le balcon qui la surplombe (rue Guy de Maupassant).

C’est un bow-window qui remplit la fonction d’auvent pour la porte d’entrée de cette villa (rue Notre-Dame).

Une porte surmontée d’un œil-de-bœuf qui prolonge sa hauteur ; on remarque le décalage vertical des fenêtres, dû à la présence d’un entresol (rue Isabey).

Parfois la différence s’estompe entre porte et fenêtre, comme ici, où la fenêtre s’arrête presque à fleur de trottoir (rue Isabey).

Lorsque la porte se mue en fenêtre, par le jeu des ré-aménagements (rue Isabey, même immeuble).

Porte ouverte sur le pan coupé d’une maison d’angle (rue des Docteurs Fidelin).

La modeste porte d’une annexe extérieure (rue du Bec Castel).

La porte d’une ancienne devanture de magasin (rue Prosper Brindejont).

Un dispositif d’entrée complexe et abrité pour cette villa située en front de mer (rue du Général Leclerc).

Courbes, triangles et lignes obliques pour cette maison d’architecte : la porte d’entrée protégée par un auvent massif en saillie (vue du haut) et la porte de garage cintrée qui lui répond (vue du bas) (rue Guy de Maupassant).

Une singularité : la porte d’entrée d’une cave troglodyte aménagée dans une des anciennes carrières de craie du Petit Val (route de Bénouville).

La porte avant la porte

Portails en bois rustiques, aristocratiques grilles en fer forgée -parfois fièrement ornées d’un monogramme majestueux- ou porches rustiques font, pour leur part, office d’avant-portes placées en sentinelles, garantissant l’intimité de la porte principale et préparant le visiteur à l’ambiance qu’on souhaite lui faire partager.

« La question du portail s’est posée quand j’ai changé de maison. (…) J’ai observé ce que mes voisins immédiats possédaient en matière de clôture de jardin.  À droite, c’est une vieille barrière qui vous arrive à la taille et ne vous défend de rien. À gauche, une clôture moderne, correcte et sans style, lasurée en marron. En face, des vantaux bricolés, qui ne ferment plus, sont recouverts de lattes disparates. Le quatrième voisin s’est pourvu, lui, d’une menuiserie neuve en PVC, à propos de laquelle un ami artisan (lecteur de BD) a dit en ricanant : « Le plastique a encore frappé ! ». La cinquième personne, enfin, un artiste peintre, s’est étroitement barricadé derrière une porte à lamelles impénétrable. Je me souviens que Raphaël Renard avait fait la remarque à son sujet « qu’il s’enfermait beaucoup ». Sur le moment je n’ai pas remarqué que c’était une critique. »

(Jean-Louis Faivre d’Arcier, Barrières, in Les Cahiers d’Etretat, automne 1997, p. 43)

Cette porte cochère massive, attenante à d’anciennes écuries, ne montre rien du jardin et de la villa qu’elle protège (avenue de Verdun).

Une entrée soigneusement mise en scène pour cette «  folie » pseudo-médiévale du XIXe siècle, avec créneaux et meurtrières (Chemin de Saint-Clair).

Derrière ce simple portail métallique encadré de briques et de silex, émerge le houppier d’un palmier (rue Jules Gerbeau).

Une touche de modernisme (rue Isabey).

Cette simple porte pleine à deux battants, dans son encadrement de briques, résiste aux assauts du lierre ; elle ne laisse rien deviner du parc auquel elle donne un accès dérobé (rue Jean-Baptiste Cochin).

Une porte aussi peu fonctionnelle que la précédente mais qui laisse ici voir la reconquête victorieuse d’une minuscule parcelle par une végétation émancipée (avenue de Verdun).

Une double porte interrompt le haut mur d’enceinte d’un parc (rue Jean-Baptiste Cochin).

« Last night I dreamt I went to Manderley again« … Sous un ciel plombé, une ambiance à la Daphné du Maurier (rue Anicet Bourgeois).

Presque en vis-à-vis, un autre décor gothique (avenue Georges V).

Une grille ouvragée, dans un décor plus lumineux (chemin des Fondrets)

Une des deux grilles d’une villa proche du centre-ville (avenue de Verdun).

La grille d’une villa plus éloignée du centre (rue Guy de Maupassant).

L’alliance heureuse du bois et du métal pour ce portail d’une élégante villa (rue Notre-Dame).

Une grille métallique pleine masque la perspective sur la villa (chemin des Fondrets).

A l’inverse, la grille de cette villa offre une charmante perspective champêtre (rue Offenbach).

La végétation s’est emparée de cet accès (rue Offenbach).

Une autre victoire de la nature (Avenue Nungesser et Coli).

La rouille confère à cette grille un nouvel intérêt esthétique (Chemin de Saint-Clair).

Un portail qui attire l’œil par sa composition géométrique originale (rue Offenbach).

Portail en bois couvert, offrant une belle perspective grâce à la présence de l’escalier à l’arrière-plan (Boulevard Président René Coty).

Auvent de portail en arêtier classique, couvert d’ardoises (rue René Tonnetot).

Une version plus légère du précédent (rue Guy de Maupassant).

Un autre exemple d’auvent de portail, dans la même rue.

Un parti-pris résolument contemporain, rare à Étretat, alliance de la pierre gris ardoise et du métal vieilli (rue Guy de Maupassant).

Une touche de modernité pour cette porte d’accès à un escalier caché, montant à flanc de coteau (rue Jules Gerbeau).

On ne peut pas dire que le meilleur choix urbanistique ait été effectué quant à l’usage de cette porte murée (rue du Bec Castel).

L’intérêt de ce portail lui vient surtout de l’identité de son ancien propriétaire, l’écrivain Guy de Maupassant, qui a donné son nom à la maison située au fond du jardin, la Guillette. Les éléphants de porcelaine qui couronnent les pilastres cylindriques en briques ont remplacé les anciennes statuettes (des lions en jade chinois), victimes d’individus malveillants (rue Guy de Maupassant).

La grille du temple protestant, qu’a franchi André Gide un jour d’octobre 1895, lors de son mariage avec sa cousine germaine Madeleine Rondeaux ; le mariage civil eut lieu à Cuverville (rue Guy de Maupassant).

C’est avec l’évocation de ces deux écrivains normands que nous achevons ce périple architectural, qui est loin d’être exhaustif. D’autres éléments d’architecture remarquables sont certainement soustraits au regard du promeneur derrière les clôtures entourant certaines des plus belles villas. Voilà qui laisse la perspective de belles découvertes à qui voudrait se livrer à un inventaire complet.

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