L’agglomération étretataise est nichée en fond de vallée, au niveau de la mer, mais elle s’est étendue sur les flancs des versants qui l’encadrent, au sud-ouest (où se trouve la falaise d’Aval) et au nord-est (vers la falaise d’Amont). La raideur des pentes et la verticalité des falaises ont imposé la nécessité d’aménager ça et là des escaliers.
Le versant aval
L’escalier le plus fréquenté est celui qui mène au sommet de la falaise d’Aval, vers la fameuse Chambre des Demoiselles et le promontoire de la porte d’Aval, en profitant d’un ensellement topographique. Il s’ouvre à l’extrémité méridionale de la promenade du perré, dont il constitue un prolongement incontournable pour les visiteurs d’Étretat. Les premiers degrés n’en sont guère attrayants, coincés entre deux bunkers ; heureusement, des plateformes aménagées le long de la montée fournissent des vues panoramiques sur la baie. Une fois les dernières des 105 marches escaladées, il vous faudra encore gravir plus de la moitié du dénivelé par un sentier longeant le golf et choisir de bifurquer vers la pointe du promontoire, où s’élevait autrefois le fort de Fréfossé (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2021/10/25/le-patrimoine-enfoui-detretat/) ou bien poursuivre le « chemin des douaniers » vers la Manneporte, la pointe de la Courtine et la valleuse d’Antifer, en gravissant çà et là quelques marches supplémentaires. On peut éviter le premier escalier en empruntant la rue du Docteur de Miramont et le sentier qui la prolonge mais l’accès au sommet de la falaise, contrairement à la falaise d’Amont, ne reste accessible qu’à pied.
Depuis la grotte artificielle de la Chambre des Demoiselles, située au sommet de la falaise d’Aval, s’amorce un escalier dont parlait l’abbé Cochet et qui, dès cette époque, se résumait à trois marches taillées dans la muraille crayeuse.
Le versant amont
L’escalier de la falaise
Pour accéder à la Chapelle des Marins, au monument Nungesser et Coli et à un point de vue panoramique spectaculaire sur la Porte d’Aval et l’Aiguille, il vous faut faire un vaste détour par la rue Jules Gerbeau et l’avenue Damilaville ou bien gravir un escalier de 351 marches dont le départ, encadré par de hauts murs, se cache entre la falaise et l’immeuble des Roches Blanches. Le mur de briques adossé contre le versant prolonge les deux impressionnants murs de soutènement qui encadrent la terrasse de l’ancienne villa des Roches.
Les escaliers de liaison
La construction des villas sur le coteau de la falaise d’Amont a été initiée par les frères Maigret dans les années 1850 (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/11/09/les-villas-etretataises-et-leurs-noms-un-peu-de-geographie-sociale/). Elle a pris la forme d’un véritable lotissement structuré par des axes parallèles, étagés sur le versant et desservis à une extrémité par la Côte du Mont (rue Jules Gerbeau actuellement), une rue en forte pente se prolongeant sur le plateau par l’ancien chemin de Bénouville. Cette disposition a bientôt entraîné la nécessité de relier les allées privées desservant les villas par des passages et des escaliers réservés à l’usage des occupants des lieux.
C’est ainsi que l’avenue Damilaville a été reliée avec le chemin des Pervenches qui lui est inférieur et que l’allée des Tamaris a été reliée avec l’avenue Eugène Le Poitevin qui se trouve en contrebas. Un peu plus loin vers l’intérieur, au débouché du vallon du Petit Val, un autre escalier connecte l’avenue Damilaville au chemin des Fauvettes et à l’avenue Nungesser et Coli situés une quinzaine de mètres en contrebas. Plus près de la mer, deux escaliers partant de la rue Jules Gerbeau permettent de gagner une allée privée parallèle à l’avenue Damilaville et de regagner à pied les villas qui la bordent.
Dans la vallée : les escaliers des cours
Les plus anciennes maisons de pêcheurs sont souvent disposées de part et d’autre de courtes ruelles perpendiculaires aux rues du village et se terminant par une petite cour en cul-de-sac, à la manière des courées du Nord. Ces cours, qui portent différents noms (Pouchet, Lenoir, Maubert, Thurin, etc.) sont généralement situées en léger contrebas des axes de circulation : rue de l’Abbé Cochet, rue Mathurin Lenormand, rue Alphonse Karr, rue Isabey. Quelques marches permettent de franchir ce dénivelé.
Des escaliers au péril de la mer
Du côté de la mer, plusieurs escaliers donnent accès à l’estran, aussi bien dans le village, où le dénivelé est moindre, que de part et d’autre de l’embouchure de la vallée. La durabilité de ces ouvrages est limitée par l’érosion marine et leur entretien sur le long terme est problématique. Leur fonction a radicalement changé depuis deux siècles : jadis utilisés par les pêcheurs, ils sont maintenant à l’usage quasi-exclusif des touristes.
Les escaliers de la plage
Les travaux de renforcement de la digue protégeant le village d’Étretat des assauts marins a entraîné la nécessité de construire des escaliers à la fois côté interne, pour faciliter l’accès à la digue- promenade depuis le village et côté externe, pour permettre aux baigneurs de descendre sur la plage. Il existe ainsi trois escaliers côté habitations, de plus en plus hauts en se déplaçant vers l’amont :
* un petit escalier de 3 marches, doublé d’une rampe, au niveau de la place du Général de Gaulle,
* un deuxième petit escalier double de 10 marches au sud du Casino, rue du Général Leclerc,
* et un troisième escalier, plus large, de 11 marches, au nord du Casino, au niveau de la place Victor Hugo.
Un escalier de huit marches, doublé d’une rampe, relie la partie nord-est du perré, plus élevée, et la partie sud-ouest, plus basse, où se situe la zone d’échouage des embarcations.
Côté plage, les escaliers sont au nombre de sept ; du sud-ouest au nord-est :
* l’escalier situé sous le blockhaus adossé à la falaise d’Aval, récemment condamné pour empêcher l’accès au pied de la falaise,
* l’escalier double, de part et d’autre de la digue près de l’ancien chantier naval,
* l’escalier adossé contre la deuxième digue, au sud du Casino,
* l’escalier faisant face au Casino,
* l’escalier situé au nord du Casino,
* l’escalier faisant face au bar-restaurant des Roches Blanches,
* et enfin l’escalier situé au nord des Roches Blanches, près de la falaise d’Amont ; c’est le plus haut et il se distingue des autres par son tracé courbe et ses marches en granite, dont les plus basses sont usées et polies par la mer.
En fonction du mouvement des galets et de la hauteur du cordon, le nombre de marches à emprunter est plus ou moins important. En raison de la tendance à la diminution de la masse de galets, il est de plus en plus fréquent de voir la base des escaliers mise à nu et suspendue au-dessus de l’estran de plusieurs décimètres (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/01/19/etretat-sans-galets/).
La valleuse de Jambourg
Les valleuses sont une des particularités du littoral cauchois, qui se présentent comme de courtes dépressions naissant à proximité de la falaise, qui conduisent vers la mer suivant une pente souvent abrupte mais ne rejoignent pas le niveau de base ; elles se trouvent ainsi suspendues au-dessus de l’estran par un abrupt plus ou moins important. L’origine de ces dépressions est variée : tantôt ce sont des amorces de vallons qui rejoignaient auparavant un drain plus important mais dont la partie aval a disparu avec le recul rapide du trait de côte (valleuse du Fourquet à La Poterie, valleuse d’Antifer au Tilleul, valleuse du Curé à Bénouville, valleuse d’Étigues à Bordeaux-Saint-Clair), ce qui correspond à la définition géographique d’une valleuse, tantôt ce sont des poches de dissolution d’origine karstique, vidées de leur remplissage argileux par le ruissellement et les éboulements (c’est le cas de la valleuse de Jambourg). Leur point commun est de fournir une amorce d’accès vers le pied de falaise, qu’il suffit de compléter par un aménagement de la base de l’abrupt consistant en un sentier taillé à flanc de falaise, un escalier ou une échelle. Par extension, le terme de valleuse a donc été dévoyé pour être appliqué aux voies piétonnes artificielles reliant le haut de la falaise et l’estran. Voici d’ailleurs la définition qu’en donnait l’abbé Cochet :
« Ce qu’on appelle Valleuse à Étretat, c’est un étroit sentier de cent mètres de hauteur, pratiqué à pic dans les escarpements de la falaise, sur les éboulements des terrains et sur des quartiers de roches brisées et entassées pêle-mêle les unes sur les autres. »
Cochet, 1869, p. 131-132
La valleuse de Jambourg est un de ces aménagements, qui permet de rejoindre la plage située entre la porte d’Aval et la Manneporte ; le seul autre accès par voie terrestre est le tunnel prolongeant la grotte naturelle du Trou à l’Homme, mais celui-ci n’est praticable qu’à marée basse, comme des dizaines de touristes ignorants en font chaque année l’expérience malheureuse, mobilisant très régulièrement des secours qui en conçoivent une certaine lassitude.
En effet la valleuse de Jambourg, qui fournissait une échappatoire opportune, est impraticable depuis de nombreuses années, rendue dangereuse par l’érosion et le défaut d’entretien.
La valleuse Monnier
La valleuse Monnier, dont le nom n’est plus guère employé, se situe à hauteur de la porte d’Amont ; elle s’amorce par une pente herbue et se poursuit par un escalier de 289 marches empruntant le flanc oriental du promontoire pour rejoindre le Banc à Cuves, une plateforme rocheuse située à quelques mètres au-dessus du galet, sensiblement au niveau de la marée haute.
« Pour descendre la valleuse par l’escalier de pierre taillé dans le roc, il faut s’accrocher par les mains aux aspérités de la falaise, afin d’éviter le vertige qui vous prend infailliblement en se voyant ainsi suspendu sur une marche à trois cents pieds au-dessus d’un précipice. Mais un peu plus bas, on se sent plus à l’aise, la terreur vous a quitté, et on descend avec une certaine facilité le sentier zigzagué qui conduit au Banc à cuves, à la base de la falaise. »
E. Parmentier, 1890, p. 96, qui paraphrase un passage presque identique de l’abbé Cochet écrit en 1869…
Ce replat était naguère utilisé par les pêcheurs qui y installaient leurs carrelets ; les fondations des mâts en bois portant les palans sont encore visibles par endroits en bordure de la plateforme, dont la surface est irrégulière et hérissée du fait de la dissolution par les eaux, combinée à l’action des coquillages lithophages qui y creusent leur cavité. Auparavant le Banc à Cuves avait servi de carrière d’extraction de blocs de craie, ce qui lui aurait valu son nom. Ce sont les bancs de craie les plus durs (les hard-grounds des géologues) qui ont fait l’objet d’une exploitation; ils sont le fruit d’une histoire sédimentaire longue et complexe.
Du Banc à Cuves, un court tunnel creusé à travers la paroi crayeuse débouche dans un renfoncement de la falaise, situé à l’extrémité septentrionale de la plage d’Étretat. À marée haute, lors des fortes tempêtes, les vagues viennent s’y fracasser avec tapage contre la muraille crayeuse, d’où le nom de Chaudron donné à cet endroit ; c’est un spectacle prisé des visiteurs, qui peuvent le contempler sans incommodité depuis l’abri offert par le tunnel. De ce côté, une amorce d’escalier, taillée dans la roche et prolongée par des échelons métalliques, par une corde ou par une échelle (selon les moments) permet de regagner Étretat par l’estran à marée basse, du moins lorsque le cordon de galets n’a pas été dégraissé par des mouvements de migration vers l’aval, auquel cas il vous faudra tenter un saut de quelques mètres… (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/01/19/etretat-sans-galets/).
« De dix heures à midi, moment de la pleine mer, ce n’était qu’une suite non interrompue de pèlerins et pèlerines, quelques-unes en costume de bain, qui gravissaient, malgré les ondées, la côte de la Chapelle. A la chapelle, tout le monde faisait halte : ceux-ci cherchent une consolation dans la prière, ceux-là un refuge contre la pluie. Puis on bravait les sinuosités de la valleuse, glissant au milieu des incidents les plus grotesques et les plus inénarrables. Une certaine peur de danger semblait ne pas nuire au piquant de l’excursion… Là, à vos pieds, dans l’enfoncement de la falaise, des vagues immenses se précipitent en sens contraire, se heurtent, se tordent et, par l’effet du choc, jaillissent vers le ciel d’un bond et retombent en rosée argentine sur les spectateurs. »
Bulletin de Brianchon, 1859, cité par Lindon, 1963, p. 157
La valleuse du Curé
L’escalier de la valleuse du Curé, situé sur le territoire de la commune de Bénouville, n’existe malheureusement plus qu’à l’état de souvenir pour les étretatais les plus anciens ; très dégradé et impraticable depuis plusieurs décennies, il a été interdit à la fréquentation en 1963 et s’est définitivement écroulé en juillet 2001, victime des éboulements de falaise. Ses 283 marches étaient en effet taillées à flanc de falaise, l’escalier s’enfonçant dans un tunnel oblique offrant par moments de belles échappées sur la mer en contrebas ; ce qui offrait à ceux qui l’empruntaient un parfum d’aventure juvénile. Ce décor pittoresque a d’ailleurs été utilisé par Maurice Labro dans son film « Le fauve est lâché », où l’on voit Lino Ventura s’échapper d’une villa par l’escalier souterrain de la valleuse du Curé, pour déboucher… dans le parc à huîtres d’Étretat, à plus de 4 kilomètres de distance (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2021/10/25/le-patrimoine-enfoui-detretat/).
Le nom de la valleuse vient de l’abbé Desson de Saint-Aignan, curé de Bénouville, qui fut à l’initiative en 1882, avec le propriétaire du château, du creusement de l’escalier offrant aux habitants du lieu l’accès vers la mer qui leur manquait.
Si vous avez emprunté successivement tous les escaliers que nous venons de passer en revue, sachez que vous avez gravi un peu plus de 1000 marches soit l’équivalent de la Tour Montparnasse, un bon entraînement pour le prochain « Tower Run ».