Des années folles aux années 30, Étretat dans l’entre-deux-guerres

Étretat a connu son apogée –du point de vue démographique tout au moins- sous le Second Empire et durant la Belle Époque (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/05/24/les-premiers-recensements-de-la-population-etretataise/), grosso modo entre 1850 et 1910. C’est la période durant laquelle se produisirent les plus grands changements urbanistiques (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/11/09/les-villas-etretataises-et-leurs-noms-un-peu-de-geographie-sociale/) et sociologiques, en même temps que bouillonnait une vie culturelle et mondaine nourrie par une kyrielle d’artistes et d’intellectuels de renom. Le Première Guerre Mondiale mit un brusque coup d’arrêt à la fête (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/05/20/graves-dans-la-pierre-les-monuments-aux-morts-etretatais/) et tailla férocement dans la composante la plus dynamique de la population masculine, littéralement décimée. Le nombre des naissances étretataises chuta fortement dans l’entre-deux-guerres, qui se montre comme une période annonciatrice de nouveaux changements, il y a presque un siècle.

Quelques tentatives de renouveau du faste d’avant-guerre marquent cette période, telle que la fondation des « Vieux Galets » en 1924, à l’initiative conjointe de l’écrivain Maurice Leblanc (Rouen 1864-Perpignan 1941) –auteur de « L’aiguille creuse » (roman paru en 1909) et acquéreur d’une villa étretataise en 1918- et de Georges Bourdon (Vouziers 1868 – Paris 1938), grand reporter au Figaro et créateur du Syndicat National des Journalistes (SNJ). Le nom de l’association des Vieux Galets, qui regroupe les estivants propriétaires de villas, est indéfectiblement associé à la revue annuelle de fin de saison, présentée au Casino et dans laquelle l’acteur Vincent Lindon -récemment auréolé du titre de président du jury du festival de Cannes- fit ses premières armes.

Laissez-passer délivré par le Casino au directeur du Journal de Montivilliers en 1935 (coll. particulière)
La saison touristique se terminait traditionnellement par une fête de bienfaisance au Casino (coll. particulière)

Le renouveau du Golf

On retrouve peu ou prou les mêmes personnes dans l’Association Sportive du Golf d’Etretat qui reprend en 1936 l’exploitation du Golf, à la suite de la faillite de la Société foncière du Casino qui en assurait jusqu’alors la gestion. Le parcours est modifié et un nouveau club-house est construit. L’association, présidée par Jacques Compère, lance une souscription et un appel aux dons en 1937 pour financer ces travaux. Parmi les noms des souscripteurs figurent les familles propriétaires des grandes villas étretataises : Berre-King, Boissaye, Donon, Hornibrook, Lindon, Mouchet, des familles d’hôteliers : Bondonnat, Deck ainsi que différentes personnalités comme Albert Dubosc, député et propriétaire du château du Tilleul et des terrains dont dépendait le golf, ou comme le comte Henri de Mun, fils du député catholique Albert de Mun.

Ancienne villa Vassoigne, propriété d’Albert Dubosc

Quelques témoins architecturaux de l’époque

1927 est l’année de la première tentative de traversée de l’Atlantique par les aviateurs français Charles Nungesser et François Coli ; ils disparurent au cours de ce périple, peut-être en vue de la côte nord-américaine. C’est à Étretat que leur Oiseau blanc, parti du Bourget le 8 mai au petit matin, fut aperçu pour la dernière fois dans le ciel européen. En souvenir de cet essai  héroïque fut inauguré à Étretat en 1928 un monument dédié à Nungesser et Coli, « ceux qui les premiers ont osé », œuvre de l’architecte Louis Rey et des sculpteurs  nordistes Alexandre Descatoire et Georges Petit, dans un style évoquant le réalisme socialiste (https://anosgrandshommes.musee-orsay.fr/index.php/Detail/objects/1888/view/pdf/export_format/_pdf_ca_objects_summary).

Monument Nungesser et Coli édifié en 1928 sur la falaise d’Amont ; carte postale ancienne, photo Le Boucher

L’obélisque est détruite en 1942  par les Allemands, qui ne laissent subsister que la base en béton reproduisant le plan schématisé d’un avion ; un nouveau monument aux allures futuristes, œuvre de l’architecte Delaune, sera édifié en 1962 à côté du précédent, en même temps qu’un musée consacré aux deux aviateurs.

C’est également à cette époque, entre 1926 et 1928, que fut édifié le bâtiment des Halles, connu aussi sous le nom de marché Couvert, dans le style normand associant colombage, briques et silex. Il abritait des commerces de bouche.

Marché couvert, place Maréchal Foch ; carte postale ancienne

Évolution démographique

Une fois encore, les recensements de population fournissent de précieux outils d’analyse objective de ces mutations, en complément des témoignages et des archives écrites ou iconographiques. Nous nous appuyons ici sur les trois recensements de l’entre-deux-guerres : 1921, 1926 et 1936.

Le premier constat touche à l’évolution quantitative de la population étretataise, qui montre une érosion progressive depuis le début du XXe siècle : après s’être maintenu pendant plus de 30 ans autour de la barre symbolique des 2000 habitants, l’effectif total tend à rejoindre les valeurs d’avant 1850. Rappelons que la limite de 2000 habitants est celle qui est retenue officiellement par l’INSEE pour qualifier une ville : « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ». Étretat, à cette aune, redevient une commune rurale.

  1921 1926 1936
Hommes 745 743 720
Femmes 995 991 916
Total 1740 1734 1636
0-9 ans 269 (15,5 %) 236 (13,5 %) 208 (13 %)
10-19 ans 333 (19 %) 299 (17 %) 248 (15 %)
20-29 ans 220 (13 %) 267 (15 %) 201 (12 %)
30-39 ans 239 (14 %) 219 (13 %) 227 (14 %)
40-49 ans 225 (13 %) 218 (13 %) 212 (13 %)
50-59 ans 192 (11 %) 200 (12 %) 200 (12,3 %)
60-69 ans 144 (8 %) 193 (11 %) 201 (12,3 %)
70-79 ans 98 (5,6 %) 76 (4 %) 112 (7 %)
80-89 ans 18 (1 %) 26 (1,5 %) 21 (1,3 %)
90-99 ans 2 (0,1 %) 0 2 (0,1 %)

La répartition de la population en classes d’âge traduit la baisse du nombre des naissances : la population vieillit progressivement et la pyramide des âges perd la forme triangulaire qu’elle affectait au milieu du XIXe siècle pour s’élargir dans les catégories comprises entre 45 et 70 ans, qui regroupent en 1926 le tiers de la population. Les plus de 60 ans, qui représentaient 10 % de la population en 1891 et à peine 15 % en 1921, comptent pour plus de 20 % en 1936. Le graphique de cette année 1936 présente une forme ogivale qui montre clairement la réduction proportionnelle de la population jeune (base de la pyramide) en faveur des classes plus âgées (sommet de la pyramide). L’allure de la pyramide, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, est déjà assez proche de celle de la population française actuelle.

Pyramide des âges de la population étretataise en 2018, pour comparaison (source : INSEE)
Pyramide des âges de la population française en 2022 (source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381472)

L’autre constatation concerne la proportion de femmes, qui s’est encore accrue depuis le siècle précédent, pour représenter 57 % de la population en 1921 (actuellement, ce taux est de 51,6 % au niveau national) ; cette domination concerne toutes les tranches d’âge. Ce chiffre est d’autant plus surprenant que le taux de masculinité à la naissance, calculé sur la période 1910-1921, est de 52,6 % à Étretat. Ce décalage ne pourrait s’expliquer que par une mortalité masculine plus élevée ou bien un exode masculin plus important.

Groupe de femmes et d’hommes d’Étretat au milieu des cabestans de la falaise d’Aval ; détail d’un cliché de Flamant, Archives départementales de Seine-Maritime, 38Fi428

Évolution sociologique

Les activités

La population active est en baisse au cours de cette période, en nombre comme en pourcentage ; cette baisse est probablement liée au vieillissement de la population mais ce facteur est difficile à mettre en évidence car le nombre de retraités identifiés est nettement sous-évalué, la catégorie des « sans profession » regroupant probablement la plupart d’entre eux/elles. D’une manière générale, les professions mentionnées dans les recensements sont à prendre à titre indicatif, en raison de leur caractère déclaratif et de l’ambigüité de certaines mentions.

Le chômage est également difficile à estimer car la mention « en chômage » n’est précisée que pour le recensement de 1936, ce qui est déjà en soi une indication des effets de la crise économique internationale qui sévissait dans les années 1930.

Le taux d’activité féminin est en recul par rapport au siècle précédent, vraisemblablement à cause de la disparition du travail du textile à domicile : les fileuses et tisserandes qui constituaient un groupe prépondérant au milieu du siècle précédent, ont complètement disparu. Désormais, les femmes exerçant une profession déclarée sont minoritaires. Toutefois, l’activité des épouses de commerçant travaillant pour le négoce de leur mari ne semble pas toujours prise en compte.

Regrouper les métiers en grands secteurs d’activité permet d’avoir un aperçu de l’économie étretataise et de dégager les tendances de son évolution sur une période de 15 ans. La première remarque est que la très grande majorité des actifs travaillent sur place ; si on excepte les marins, qui représentent une situation particulière, rares sont les personnes exerçant un emploi en dehors d’Étretat. On peut citer dans ce cas Raymond Noirault, apprenti cuisinier à Rouen en 1921, Gaston Pisant, mécanicien chauffeur chez Couture aux Loges en 1921, René Brulin, électricien chez Duchesne au Havre en 1921, Marius Ras, employé d’usine chez Hébrard au Havre en 1921, Maurice Potel, employé de commerce au Havre en 1921 ; en 1926 trois hommes travaillant pour un employeur non étretatais sont mentionnés : Georges Nouet, tapissier pour Anastaze à Paris et les frères Jules et Albert Harel, l’un cordonnier, l’autre menuisier, salariés de deux employeurs havrais. En 1936, on peut citer Lucien Dalibert, mécanicien dans un établissement de Rouen.

Répartition de la population active étretataise par catégories socio-professionnelles

La part de l’activité maritime n’est plus aussi prépondérante qu’au siècle précédent mais elle reste notable : les marins représentent  encore en 1926 la profession la plus représentée avec 20,5 % des actifs masculins (presque tous pêcheurs). Le déclin de l’activité halieutique s’accélère ensuite et leur part n’est plus que de 14 % dix ans plus tard. Les activités connexes à la pêche, telles que la corderie ou le raccommodage de filets, ne sont plus qu’anecdotiques.

L’agriculture reste une activité marginale, concentrée en deux hameaux périphériques de la commune : la Ferme du Mont et Valaine. À Valaine, Bredel emploie un ouvrier agricole, un berger et trois journalières en 1921.

L’industrie n’occupe également que peu d’hommes (et aucune femme). Les seules usines étretataises sont celles qui fournissent les ressources indispensables à la commune : l’usine de la société franco-belge de gaz (qui emploie 5 personnes en 1921, outre le directeur) et l’usine des eaux, toutes deux situées route de Criquetot. L’usine à gaz, qui était située rue Guy de Maupassant (à l’emplacement actuellement occupé par le Centre d’incendie et de secours) a fonctionné de 1879 à 1970 ; elle produisait du gaz à partir de la distillation de la houille (https://fiches-risques.brgm.fr/georisques/infosols/instruction/SSP000569501).

Les travailleurs de ces établissements produisaient un gaz adapté aux besoins des usagers, c’est-à-dire un gaz qui avait des qualités constantes de densité, de pression et de valeur calorifique. Il était stocké dans de grandes cuves et distribué par des canalisations souterraines en métal jusqu’au domicile des consommateurs où un compteur était installé. Il fallait alors relever la consommation de chaque usager et encaisser son paiement. La distillation de la houille pour en dégager le gaz de ville laissait un déchet solide combustible, le coke (décrit plus haut par Jean Piedfort), qui pouvait être exporté vers des hauts-fourneaux pour la fabrication de l’acier.

John Barzman : « Quelque part, ça laisse des traces. Mémoire et histoire des électriciens et gaziers de la région du Havre ». Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2003.

Une seule autre production est attestée durant cette période, celle d’eau gazeuse, fabriquée par Robert Hauville mais cette activité artisanale est annexe et rattachée au négoce de boissons et spiritueux.

Les principales activités se rattachent au secteur tertiaire, représenté par le commerce et les services.

Répartition des actifs (dirigeants et employés identifiés) par secteur d’activité commerciale

Le commerce voit son importance croître dans l’entre-deux guerres, si on en juge au nombre d’actifs concernés (hommes et femmes).  Les commerces sont assez nombreux et variés ; ils fournissent un large éventail de biens qui confèrent à la commune une position de place centrale pour les communes environnantes, et lui assurent une aire de chalandise qui n’est limitée que par les aires d’influence de Criquetot-l’Esneval au sud et de Fécamp à l’est. À titre d’illustration, on citera le nombre impressionnant de cordonniers  en 1921, qui se monte à 17 (employés inclus).

Parmi les enseignes, on peut citer les Galeries d’Étretat, qui emploient 4 salarié(e)s en 1921 : un vendeur, deux vendeuses et une comptable ; ce bazar, situé au n°4 de la rue Alphonse Karr, est aujourd’hui occupé par la supérette Carrefour City. Des magasins franchisés, de plus petite taille, sont également présents à Étretat dans l’entre-deux-guerres : la Ruche Picarde rue Alphonse Karr (chaîne créée en 1895 à Amiens) et l’Union des coopérateurs rue Notre-Dame.

Les Galeries d’Étretat, à la fin du XIXe ou début du XXe s. ; à l’arrière-plan, la boulangerie Demoule, avenue Georges V (cliché Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi316)

Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, évidemment lié à la vocation touristique d’Étretat, occupe une place importante mais qu’il est difficile de chiffrer précisément en raison de l’imprécision de certaines professions déclarées, comme domestique, bonne ou blanchisseuse. À titre d’exemple, en 1921, Henry de la Blanchetais emploie 11 salariés : deux mécaniciens, un caviste, une caissière, une secrétaire, deux femmes de chambre, un chasseur, un journalier, une gouvernante et une garde-malade.

En 1921, le Casino emploie 4 personnes : deux jardiniers, un garde et un secrétaire s’occupant du golf.

Le Casino avant la Seconde Guerre Mondiale, carte postale ancienne

L’artisanat occupe près du quart de la population active masculine. Ce secteur a été propulsé au XIXe s. par la construction des villas et leur entretien. Il comprend de nombreux corps de métiers liés au bâtiment : couvreurs, plombiers, fumistes, charpentiers, etc. Parmi ces corporations, les menuisiers sont les plus nombreux (26 en 1926), suivis par les maçons (20 en 1921), à égalité avec les peintres (18 en 1921). Le nombre d’artisans va cependant en diminuant durant les années 1920-1930. La plupart des artisans n’emploient qu’une personne mais une dizaine d’entreprises sont un peu plus importantes.

Nombre d’employés des principaux artisans d’après les indications des recensements

Chez les femmes, l’activité artisanale principale est la couture, qui va aussi en diminuant ; beaucoup de couturières sont à leur compte mais quelques-unes travaillent pour un(e) patron(ne), principalement le tailleur Maubert, qui emploie à lui seul 9 femmes en 1921.

Répartition des actifs (dirigeants et employés identifiés) par secteur d’activité de nature artisanale

Les emplois qu’on pourrait qualifier de domestiques occupent une place prépondérante. Il est parfois difficile de distinguer les services à la personne des emplois salariés de l’hôtellerie-restauration, même si l’employeur est généralement mentionné dans les listes des recensements. La domesticité est encore importante dans les ménages aisés ; en 1921, Robert Fidelin, médecin, emploie une ménagère, une bonne et un chauffeur.

Mais ce qui est frappant, c’est le nombre de jardiniers déclarés (de 51 en 1921 à 37 en 1936) ; cette dénomination peut recouvrir des situations très différentes, du maraîchage et de l’horticulture à l’entretien de jardins mais si certains s’inscrivent dans les deux premières catégories, comme les Tonnetot, les Hamel et les Hauville (et leurs employés), une quinzaine de personnes au moins travaillent à l’entretien des parcs des villas étretataises, en particulier les propriétés Lindon (villa Les Pelouses), Berré-King, Boissaye (villa du Petit-Val), Sarazin (villa La Passée), Bouclier (château du Grand-Val), Soulier (villa Heurtevent), Cathelineau (villa Carlyle House), la Tour Saint Ygest, etc. De son côté le Casino emploie deux à trois jardiniers, probablement pour l’entretien du golf.

Chez les femmes, c’est le nombre de « ménagères » qui est frappant : 42 en 1921, 32 en 1926 ; la signification du terme pose problème, d’autant qu’il est quasiment absent du recensement de 1936. En revanche, la qualification de « femme de ménage » apparait à cette date, ce qui laisse penser que les deux appellations sont synonymes. Les blanchisseuses et laveuses, qui au siècle précédent envahissaient la plage autour des sources à marée basse de façon si pittoresque, sont encore nombreuses en 1921 (n=27) mais elles ne sont plus que 10 en 1936.

Laveuses au pied de la falaise d’Aval (carte postale ancienne)

Les services publics emploient une cinquantaine de personnes (6 à 7 % de la population active) dans les années 1920, un peu moins à la veille de la Seconde Guerre Mondiale : agents des PTT, instituteurs et personnel de service des écoles, employés des chemins de fer de l’État, cantonniers, douaniers, gendarmes, agents du fisc, personnel de la mairie, garde-maritime et syndic des gens de mer. Ils représentent une gamme assez complète de services pour une commune de moins de 2000 habitants. Les chemins de fer sont le principal employeur public, avec 12 salariés en 1921. Viennent ensuite les Postes (8 salariés en 1921) et le personnel des écoles communales.  À noter qu’il existe aussi un enseignement privé, qui emploie un instituteur et une institutrice en 1921.

Répartition des actifs dans les emplois publics (État et collectivités)

Le statut social

Le statut social des individus actifs est difficile à appréhender à travers les recensements. On observe qu’en 1936, 240 personnes sont notées comme patrons (n=136) ou patronnes (n=104) soit 35 % de la population active (30 % des hommes actifs et 43 % des femmes actives) ; ce sont principalement des commerçant(e)s ou artisans ; une petite part seulement sont des négociants ou des entrepreneurs (administrateur de sociétés, agent de location, entrepreneur de transport, entrepositaire, négociant de combustibles, directeurs des usines de gaz et d’eau, fabricant d’eaux gazeuses).

La catégorie des professions « libérales » n’est représentée que par une poignée de personnes : deux médecins en 1936 (les frères Charles et Robert Fidelin), le curé, un artiste peintre en 1936 (René Liénard de Saint Delis), un géomètre en 1936, une professeure de musique en 1921, une herboriste en 1936, une femme de lettres, un pharmacien (qu’on pourrait aussi considérer comme commerçant).

Ordonnance du Dr Charles Fidelin pour une potion purgative et une lotion hydratante (coll. privée)

Mobilité géographique : le « grand remplacement »…

Une autre caractéristique majeure de la démographie étretataise d’entre-deux-guerres est le brassage accru de la population, du fait de l’installation –plus ou moins pérenne- de nouvelles familles venues des communes avoisinantes ou plus lointaines et du départ de certains étretatais « de souche » ; il en résulte un remplacement de la population indigène par une nouvelle population d’origines diverses. Les étretatais de naissance, encore largement majoritaires en 1921, deviennent minoritaires à partir de 1936.

192119261936
Natifs d’Étretat1026 (59 %)1015 (58 %)797 (49 %)
Natifs d’autres communes
de Seine-Maritime
510 (29 %)515 (30 %)580 (36 %)
Natifs d’autres communes
françaises
182 (11 %)189 (11 %)210 (13 %)
Nationalité étrangère20 (1 %)15 (1 %)31 (2 %)
Non renseigné218

Toutefois ces mouvements de population se font encore sur des distances assez courtes, le « bassin d’alimentation » des arrivées est essentiellement constitué par les communes environnantes, auxquelles s’ajoutent les villes les plus proches (Le Havre, Fécamp) ; en 1921, 55 % des habitants natifs de Seine-Maritime (en dehors d’Étretat) étaient nés dans un rayon de moins de 20 kilomètres autour d’Étretat. Les principales communes seinomarines d’origine sont les mêmes, d’un recensement à l’autre, à savoir (dans l’ordre décroissant d’importance) : Le Havre, Les Loges, Bordeaux-Saint-Clair, Bénouville, Le Tilleul, Fécamp, Vattetot-sur-mer.

Communes de naissance seinomarines les plus représentées dans la population étretataise (les communes littorales sont surlignées en bleu)

La même règle de décroissance en fonction de la distance s’observe quant aux provenances des autres départements français ; les principales régions d’origine, derrière Paris et l’Île-de-France, sont la Normandie, l’Ouest (Bretagne et Pays de la Loire) et les Hauts-de-France,  suivis d’assez loin par La Bourgogne-Franche-Comté ; les autres régions ne sont que faiblement représentées. Les départements du Calvados, de l’Eure et de la Manche sont les départements qui sont les plus fréquents.

Régions d’origine de la population étretataise, hors Seine-Maritime

Les étrangers n’occupent qu’une place anecdotique ; ce sont soit des résidents jouissant d’une certaine aisance, soit des employés de maison arrivés dans les bagages de leurs patrons. Les quelques familles belges présentes  dans l’immédiat après-guerre sont probablement des réfugiés de la Première Guerre Mondiale chassés par l’invasion allemande.

En 1921 : 7 natifs  de Belgique, 2 états-uniens, 7 anglais (une famille entière venue de Norfolk et deux employés d’Henry de la Blanchetais), 3 suisses (employés d’Henry de la Blanchetais), 1 écossais et 1 ultramarin né en Martinique.

En 1926 : 5 natifs d’Angleterre (dont une famille venue du Norfolk), 3 suisses, 3 belges, 1 allemand, 1 tchécoslovaque, 1 états-unien, 1 ultramarin natif de Martinique et 1 français né en Algérie

En 1936 : 3 natifs de Belgique, 1 russe, 4 états-uniens, 1 argentin, 10 britanniques, 1 canadienne, 2 italiens, 4 irlandais, 1 australienne, 1 polonais, 2 allemands, 1 monégasque. Le décompte des patronymes et leur analyse mettent en évidence la diversification génétique de la population.

Le décompte des patronymes et leur analyse mettent en évidence la diversification génétique de la population.

192119261936
Nombre total de patronymes459457558
Nombre de patronymes présents
dans le précédent recensement
238323299
Patronymes nouveaux221134259
Patronymes disparus du
précédent recensement
199136159

Le nombre de patronymes est stable dans les années 1920 et s’établit autour de 450 noms différents, soit un ratio nombre de patronymes/nombre d’habitants de 0,26. Un peu moins d’un siècle plus tôt, les patronymes étaient deux fois moins nombreux (203) et le ratio n’était que de 0,13 (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/05/24/les-premiers-recensements-de-la-population-etretataise/). En 1921, 48 % des patronymes n’étaient portés que par un seul individu. Seuls 41 patronymes étaient portés par dix individus ou plus ; parmi ces patronymes, qui regroupent 40 % de la population, figurent quelques-unes des familles les plus anciennes d’Étretat. En 1936, le nombre de patronymes différent a augmenté d’une centaine, avec un ratio patronymes/habitants de 0,34 ; 56 % des patronymes n’étaient portés que par un seul habitant. Le nombre des patronymes portés par dix individus ou plus a également chuté à 33 et ces foyers ne représentent plus que 32 % de la population. Ces chiffres montrent clairement que la population se renouvelle à un rythme croissant durant les années 1920-1930, sans pour autant augmenter en nombre.

Le nom de Vatinel est présent à Étretat dès le XVIIe s. et il est le plus répandu depuis les années 1880-1890 durant lesquelles il dépasse le nom de Vallin, qui dominait depuis la fin du XVIIe s. au moins -au point d’être qualifié de « tribu-mère » par l’abbé Cochet. Les patronymes Lemonner et Maillard arrivent en 3e et 4e position par leur fréquence sur les quatre derniers siècles ; ils apparaissent respectivement vers le milieu du XVIIe s. et au début du XVIIIe s. Le nom de Lebaillif est un des plus répandus et des plus anciens à Étretat, présent sans interruption depuis le début du XVIIIe s. Le nom de Recher est un peu plus récent, attesté à Étretat depuis le début du XVIIIe s. Le nom de Duclos est encore plus tardif, implanté depuis le Premier Empire mais il connait une croissance démographique importante au long du XIXe s.  Toutes ces familles, hormis les Lebaillif, étaient des familles de marins.

Le nom de Hauville apparait dans les années 1760, venu de La Poterie, et se répand également au cours du XIXe s. grâce à la prolificité des familles ; contrairement aux familles précédentes, les Hauville étaient plutôt des terriens, laboureurs et mareyeurs. Le patronyme Mallet, apporté au milieu du XIXe s. par une famille de jardiniers, se répand dans la seconde moitié de ce siècle. Le nom de Morisse est répandu à Étretat depuis la fin du XVIIIe s., venu de Saint-Jouin, et connait son apogée au siècle suivant. Il en est de même des Paumelle, venus  de Bénouville et Bordeaux-Saint-Clair durant les années 1760. Les Paumelle et les Morisse se partageaient entre marins et marchands ou cultivateurs.

Ces patronymes « historiques » voient leur fréquence diminuer durant la période de l’entre-deux-guerres. Quelques-uns des noms les plus fréquents jusqu’au XIXe s. ont même presque disparu dans les années 1930, comme Acher, Bisson ou Morin. Parallèlement, aucun patronyme  ne voit sa fréquence augmenter de façon significative, hormis les noms de Ras et Liberge, dont l’occurrence progresse dans les années 1930. Le nom de Liberge arrive à Étretat au milieu du XIXe s., venu de Bénouville, tandis que celui de Ras arrive à peu près à la même période, venu de Bordeaux-Saint-Clair. Il n’y a pas de marins dans ces familles, ce qui explique peut-être leur maintien à Étretat, alors que les familles historiques, qui vivaient essentiellement de la pêche, quittaient progressivement le village.

Malheureusement, les recensements ne nous apprennent rien sur la destination des individus et des foyers quittant Étretat.

La redistribution interne de la population étretataise

Les listes détaillées des recensements permettent une analyse plus fine de la mobilité géographique, rue par rue. Il faut toutefois tenir compte du fait que les changements de nom  de certaines rues peuvent expliquer certaines différences entre les recensements : on compte 32 voies en 1926 contre 42 en 1936 ; certaines rues ont donc perdu des habitants parce qu’elles ont été amputées d’une portion de leur tracé. Le tableau ci-dessous met en avant les différences de peuplement des rues principales et du hameau de Valaine sur une période de 10 ans, entre 1926 et 1936. Une partie des départs et des arrivées, difficile à quantifier,  s’explique par des phénomènes naturels (décès/naissances au sein des foyers) mais une part assurément supérieure résulte de déplacements.

Les mouvements de population dans les rues principales d’Étretat

Quelques rues du centre perdent un nombre significatif d’habitants : c’est le cas de la rue Isabey, qui perd 39 % du chiffre de sa population en dix ans, de la rue de l’abbé Cochet (-44 %), de la rue Anicet Bourgeois (-41 %), de la rue Mathurin Lenormand, de l’avenue de Verdun (-33 %), de l’avenue Georges V (-13 %) et de la rue Prosper Brindejont (-11 %).

À l’inverse, certaines rues se densifient : rue Guy de Maupassant, qui gagne 20 % de population, route de Bénouville (+35 %), rue Dorus (+24 %). Dans le cas des deux premières voies, qui sont des axes d’accès au village, il s’agit probablement d’une extension spatiale de l’habitat du centre vers la périphérie.

Indépendamment des variations du nombre d’habitants, la confrontation des identités des occupants d’un recensement à l’autre permet de distinguer les rues où les ménages se renouvellent rapidement et celles qui montrent au contraire une certaine stabilité des foyers.

Dans la première catégorie, à fort turnover, se rangent la rue Alphonse Karr, la route de Bénouville, l’avenue Georges V, la rue Guy de Maupassant, la rue du Petit Val, ainsi que le hameau de Valaine (surlignés en orange dans le tableau). En 1936, 70 à 80 % des habitants de ces rues y avaient emménagé depuis moins de dix ans ; à l’inverse, 70 à 90 % des personnes domiciliées dans ces rues en 1926 en étaient parties dix ans plus tard (sauf pour la route de Bénouville, qui n’en a perdu qu’un gros tiers). Contrairement à ce qu’on pouvait supposer, le renouvellement est le plus marqué dans le hameau rural de Valaine, uniquement peuplé d’agriculteurs : une seule des six familles de 1926 y habitait encore en 1936.

Dans la seconde catégorie, caractérisée par une plus grande stabilité, se placent les rues du Bec Castel, de Traz Périer, Prosper Brindejont, Isabey, de l’Abbé Cochet, du Dr Fidelin, Adolphe Boissaye, Anicet Bourgeois et Notre-Dame. En 1936, environ la moitié seulement des habitants de ces rues s’y étaient installées depuis moins de dix ans (ce qui inclut les naissances au sein des foyers déjà présents), tandis que 40 à 60 % des personnes domiciliées dans ces rues en 1926 en étaient parties dix ans plus tard (ce qui inclut les décès) ; la proportion de départs est la plus forte rue Isabey, rue de l’Abbé Cochet et rue Anicet Bourgeois, qui sont les rues se dépeuplant le plus.

Cette partition correspond à la distinction qu’on peut faire entre les axes principaux de circulation et les petites rues du centre. L’analyse détaillée des déplacements des ménages établit un lien entre la mobilité d’une part,  la répartition sociologique de la population et la zonation des activités d’autre part.

Ainsi dans la rue Alphonse Karr, au moins 10 des 16 principaux ménages partis après 1926 et 11 des 18 ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de commerçants (épiciers, débitants, cafetiers, hôteliers, coiffeur, droguiste, …), d’artisans (peintres), voire de fonctionnaires. À noter que certains mouvements se sont  limités à un changement de rue : cinq des ménages partis après 1926 ont déménagé rue Monge, rue Prosper Brindejont, rue Guy de Maupassant, rue Anicet Bourgeois et avenue Georges V ; à l’inverse, trois des ménages installés entre 1926 et 1936 venaient d’autres rues étretataises : avenue de la Gare, rue Isabey, rue Adolphe Boissaye.

En ce qui concerne l’avenue Georges V, au moins 9 des 16 principaux ménages partis après 1926 et 13 des 16 ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de commerçants (épiciers, boulangers, bouchers, cafetiers, hôteliers, photographe, marchand de chaussures, …), d’artisans (bourrelier, maçon, couvreur), de fonctionnaires (PTT, chemin de fer). Quatre des ménages partis après 1926 ont essaimé rue Notre-Dame, rue Prosper Brindejont, rue Guy de Maupassant, rue Isabey et rue Dorus. Six des ménages installés entre 1926 et 1936 venaient d’autres rues étretataises : rue Alphonse Karr, rue Mathurin Lenormand, rue Anicet Bourgeois, avenue de la Gare, rue Guy de Maupassant.

Pour la rue Guy de Maupassant, 6 des 11 ménages partis après 1926 étaient dirigés par des employés des usines des eaux et du gaz ou des fonctionnaires (instituteurs), tandis que 7 des 19 ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de commerçant, d’artisan, d’employés des usines d’eau et de gaz ou de fonctionnaires (trésor public).

Dans les rues qui se renouvellent le moins, les mouvements de commerçants, d’artisans ou de fonctionnaires sont proportionnellement moins nombreux. Rue Isabey, 5 des 19 principaux ménages partis après 1926 et 3 des 9 principaux ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de fonctionnaires (garde-champêtre, douanier, facteur) ou d’artisans (peintre, maçon, mécanicien, charpentier naval). Six des ménages partis de la rue Isabey après 1926 ont déménagé rue du Bec Castel, rue Dorus, rue de l’Abbé Cochet, impasse Damilaville et avenue Nungesser et Coli, tandis que deux des ménages installés entre 1926 et 1936 venaient de l’avenue Georges V et de la rue de l’abbé Cochet.

Rue Notre-Dame, 4 des 15 principaux ménages partis après 1926 et 6 des 14 principaux ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de commerçants (charcutier, mercier, hôtelier, bazar, crémier, cordonnier, coiffeur, boulanger, épicier). Neuf des ménages partis après 1926 ont déménagé rue Mathurin Lenormand, rue Dorus, rue Anicet Bourgeois, rue Isabey, rue de l’Abbé Cochet, rue de Traz Périer, rue Adiolphe Boissaye, rue du Dr Fidelin et Avenue Nungesser et Coli , tandis que six des ménages installés entre 1926 et 1936 venaient de la rue Prosper Brindejont, de la rue de Traz Périer, de la rue Alphonse Karr, du Boulevard Charles Lourdel, de la rue Guy de Maupassant et de la rue de l’abbé Cochet.

Rue Prosper Brindejont, 2 des 9 principaux ménages partis après 1926 et 5 des 14 ménages arrivés entre 1926 et 1936 sont ceux de commerçants (épicier, bottier), d’artisans (peintre, plombiers) ou de fonctionnaires (employé de chemin de fer, des PTT). Trois des ménages partis après 1926 ont essaimé rue Notre-Dame, rue Guy de Maupassant, côte du Mont, rue Anicet Bourgeois, Chemin Vert et rue Isabey ; huit des ménages installés entre 1926 et 1936 venaient de l’avenue Georges V, de la rue Isabey, de l’avenue de Verdun, de la rue Adolphe Boissaye, de la rue Anicet Bourgeois, de la rue Alphonse Karr et de la rue Isabey.

Ces exemples montrent que les installations à Étretat et les départs sont principalement le fait de commerçants, ou d’artisans, qui ouvrent boutique dans certaines rues –ou reprennent une enseigne existante- et repartent du village après quelques années d’activité, lorsqu’ils ne changent pas simplement de rue après s’être retirés des affaires. Le renouvellement est encore plus net pour les fonctionnaires des postes, du chemin de fer et des douanes, en particulier, dont la durée d’affectation est généralement courte.

Il est plus difficile d’analyser les mouvements des autres catégories de population (marins pêcheurs, personnel de service) et d’estimer par exemple dans quelle mesure elles alimentent l’exode rural.

Géographie sociologique

La population étretataise ne se répartit pas de façon égale dans l’espace. La densité de peuplement varie mais le nombre moyen de personnes par foyer s’établit autour de 3. Il peut être plus élevé dans certains secteurs, à cause d’une activité ou d’une affectation particulière : par exemple boulevard Charles Lourdel, où se dresse un hôtel, avenue Charles Mottet, où se situait la caserne de gendarmerie, ou encore à Valaine et à la Ferme du Mont, qui hébergent des travailleurs agricoles.

Avant la Seconde Guerre Mondiale, il existait une Société d’Habitations à Bon Marché d’Étretat, créée en 1924 et dirigée par M. Compere, résidant à Paris où fut établi le siège social. Huit logements sociaux furent créés à Étretat en 1928. Des habitations à loyer modéré étaient ainsi louées impasse Damilaville, à des marins en particulier. La société étretataise est à l’origine de l’Immobilière Base-Seine, rattachée à la société 3F Immobilière, aujourd’hui premier bailleur social en France (https://www.weareclimb.fr/guides/loi-pinel/promoteurs/immobiliere-3f).

Courrier du président de la Société d’Habitation à Bon Marché d’Étretat daté de 1938 (coll. particulière)

La répartition en catégories socio-professionnelles diffère selon les rues. Elle permet d’esquisser une géographie sociale et économique du village.

Bien que chaque recensement soit basé sur le lieu de résidence, qui peut différer du lieu d’exercice de l’activité, une zonation du village, basée sur les professions exercées, est perceptible.

Les marins résident dans la rue de la Tour, la rue Notre-Dame, la rue Anicet Bourgeois, la rue Isabey, la rue Dorus, où ils voisinent avec des employé(e)s de maison et des employé(e)s des services d’entretien.

Les artisans habitent rue de l’abbé Cochet, rue Notre-Dame, rue Guy de Maupassant, rue Nungesser et Coli et rue Isabey, où résident aussi des employé(e)s de maison et des employé(e)s des services d’entretien. Les archives confirment que les ateliers se situaient dans ces rues.

Les commerçants résident dans la rue Alphonse Karr, l’avenue Georges V, la rue du Dr Fidelin (proche du Marché), probablement au-dessus des boutiques : les photographies et les documents d’époque confirment que ces rues sont les rues commerçantes étretataises. Certaines ont gardé cette spécialisation, comme la rue Alphonse Karr et l’avenue Georges V, deux rues perpendiculaires qui représentent des axes de communication structurants. Le renouvellement des habitants y est le plus rapide.

Cette géographie urbaine se modifie un peu avant la deuxième Guerre Mondiale : les marins, dont le nombre chute, quittent certaines rues comme la rue de l’Abbé Cochet, la rue Adolphe Boissaye, la rue Anicet Bourgeois, l’avenue Georges V. La rue Notre-Dame voit diminuer le nombre d’artisans au profit des commerçants de bouche.

Les recensements de 1906, 1921 et 1926 (mais pas celui de 1936) fournissent une autre indication intéressante, celle des logements vides, dont la répartition est détaillée dans le tableau ci-dessous :

  1906 1921 1926
Pl. Paul Casimir Périer 0/3 1/4 1/4
Rue A. Karr 10/56 19/62 19/58
Rue de la Tour/rue P. Brindejont 7/47 6/39 10/53
Rue abbé Cochet 10/58 14/49 19/65
Rue de la Vallette/Rue A. Boissaye 18/30 19/26 19/29
Rue Dr de Miramont 7/7 5/5
Rue Traz-Périer 3/14 3/11 9/17
Rue M. Lenormand 1/18 2/20 3/16
Rue Anicet Bourgeois 6/40 3/21 6/22
Rue du Marché 3/25 3/28 6/25
Rue Monge 2/9 4/11 6/12
Bd Ch. Lourdel 4/5 4/5 4/5
Pl. Victor Hugo 4/6 4/6 3/5
Rue V. Roussel 3/3 2/2 3/3
Route du Havre/Av. Georges V 14/41 11/42 13/45
Rue Offenbach 22/44 14/16 9/12
Av. de Verdun 9/28 10/29
Chemin de St Clair 4/5 5/7
Rue Isabey 13/94 17/67 15/54
Rue Dorus 3/22 4/19 9/20
Rue du Bec Castel 6/16 7/12 6/9
Rue N.-D. 20/71 22/62 24/50
Rue M. Vatinel 3/11 6/10 6/8
Rue G. de Maupassant 12/37 27/46 25/49
Chemin des Écoles 3/7
Av. de la Gare 3/44 4/37 2/20
Route de la Chapelle 2/3
Route de Bénouville 2/6
Chemin du Petit-Val 3/13
Av. Ch. Mottet 1/2 2/3 1/2
Rue de la Mairie 6/7 6/7 6/7
Rue du Mont/Rue J. Gerbeau 15/19 17/19 13/17
Route de la Chapelle/Rue Damilaville 2/3 6/10 8/11
Av. des Haules 3/4 4/5 5/7
Av. aux Lierres 1/3 2/4
Av. J.-B. Cochin 2/4
Part totale des logements vacants 199/737 249/678 280/695

Le nombre de logements vacants s’accroit dans l’entre-deux-guerres ; leur localisation correspond à deux situations : les immeubles administratifs (rue de la Mairie par exemple) et les voies desservant les villas, inoccupées à la date du recensement (mars) : c’est particulièrement le cas de la rue du Dr de Miramont, du chemin de Saint-Clair et de la rue Offenbach, de l’avenue des Haules, de la rue Jean-Baptiste Cochin, de la rue Damilaville, de la rue Jules Gerbeau et de certaines portions de la rue Notre-Dame et de la rue Guy de Maupassant. Ces zones périodiquement désertées complètent la cartographie urbaine étretataise.

Vie sociale

Les notables et les fonctionnaires

La modernisation de la société, initiée dans la seconde moitié du siècle précédent, s’accompagne de l’implantation de services publics et d’une population de fonctionnaires et de responsables dont la durée de résidence est soumise au rythme des affectations et mutations. À l’instar des résidents secondaires, ils apportent leurs habitudes sociales et culturelles et leurs exigences de consommation, mais ce tout au long de l’année et non seulement pendant la belle saison.

Les noms inscrits en rouge sont ceux des personnes nées à Étretat ; on constate que les postes à responsabilité sont quasiment exclusivement occupés par des hommes –et quelques femmes-  venus d’autres communes, souvent urbaines. Le turn over est par ailleurs relativement rapide, hormis dans certaines fonctions comme la médecine ou le service vicinal.

Les commerçants en 1936

Cette liste a été établie à partir d’un livret publié pour la saison touristique 1933 (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/12/21/maisons-de-confiance-familles-de-commercants-et-artisans/) ; nous l’avons modifiée  en fonction des données du recensement de 1936 mais elle n’est pas exhaustive. Dans la mesure du possible, nous avons indiqué la localisation actuelle, en nous aidant de cartes postales anciennes et des précieux clichés du fonds Flamant, légué à la commune d’Étretat et déposé aux Archives Départementales de la Seine-Maritime. Les noms en italiques sont ceux des personnes nées à Étretat : leur nombre s’élève à dix, soit 18 %  du total de l’effectif.

Alimentation

  • Au Petit Bossu, avenue Georges V (n°11, commerce disparu) : Gabrielle Dumont veuve Lecaudey, marchande de primeurs, 52 ans, 1 fille
  • Aux Grandes Fermes Normandes, rue Notre Dame : Robert Aubry, crémier, 40 ans, marié, 2 filles
  • Boissons et spiritueux, avenue de Verdun (n°9, commerce disparu, aujourd’hui entreprise de maçonnerie Lecacheur) : Robert Hauville, 51 ans, marié, 2 filles
  • Boucherie Normande, rue Notre-Dame (n°43, commerce disparu, ancienne boucherie Coquatrix) : Joseph Tinel, 26 ans et son épouse Germaine Avenel, 31 ans, 1 fils, 1 fille, un garçon boucher
  • Boulangerie Demoule, avenue Georges V (n°19, aujourd’hui boulangerie-pâtisserie Au Georges V) : Adèle Demoule, 50 ans, veuve, sans enfant à charge, un garçon boulanger, un garçon pâtissier, un apprenti boulanger et une bonne
  • Boulangerie Hébert, rue du Dr Fidelin (commerce disparu, aujourd’hui Auberge Express) : Frédéric Hébert, 45 ans, et son épouse Suzanne Lefebvre, 43 ans, 2 fils garçons boulangers et une bonne
Boulangerie Hébert, rue du Dr Fidelin ; cliché Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi534
  • Charcuterie Lebon, rue du Dr Fidelin (commerce disparu, aujourd’hui biscuiterie Delaunay) : Roger Lebon, 36 ans et son épouse Marie Thérèse Selle, 32 ans, sans enfant
  • Charcuterie Parisienne, rue Alphonse Karr (n°21, aujourd’hui boucherie Hélin) : Paul Fontaine, 41 ans, marié, 2 fils, 1 fille, un apprenti charcutier et une bonne
La charcuterie Parisienne quelques années avant sa reprise par Paul Fontaine (derrière le couple) ; au premier-plan à droite, l’épicerie Deforêt et Barbier ; carte postale ancienne
  • Épicerie Centrale, avenue Georges V (n°13, commerce disparu, aujourd’hui librairie Les Trésors d’Arsène, n°13) : Roger Guinchard, 41 ans, marié, 1 fille, une bonne
  • Épicerie Chambrelan, avenue Nungesser et Coli (commerce disparu) : Louise Cramoysan, épouse Chambrelan, 36 ans, 2 fils et 1 fille
  • Épicerie Dajon, rue du Dr Fidelin (n°14, commerce disparu, aujourd’hui photographe Studio Grand Angle) : Marguerite Maillard veuve Dajon, 68 ans, un fils garçon épicier et 3 filles
  • Épicerie Deforêt et Barbier, rue Alphonse Karr (n°25, commerce disparu, aujourd’hui restaurant le Bel-Ami, n°25) : Joseph Barbier, 39 ans, marié, 3 fils, 2 filles et son beau-père Augustin Deforêt, 64 ans
  • Épicerie Levasseur, rue Notre-Dame ( n°45-47, commerce disparu, aujourd’hui crêperie Lann-Bihoué, ) : Marcel Levasseur, 60 ans, et son épouse Georgette Picard, 49 ans, 2 fils, une bonne
  • Grande Épicerie moderne, rue Alphonse Karr (n°7, commerce disparu, aujourd’hui salon de coiffure Bien-Être, n°7) : Ernest Lievens, 45 ans, veuf, 2 fils
  • Pâtisserie Lecœur, rue Alphonse Karr (n°45, commerce disparu, aujourd’hui atelier-galerie Isabelle Tambeur) : Adrien Lecœur, 45 ans et son épouse Thérèse Laty, 31 ans, sans enfant à charge, un commis pâtissier, une bonne
  • Poissonnerie À la Marée du jour, rue Alphonse Karr : Gaston Vallin, 36 ans et son épouse Thérésita Brulin, 31 ans, 2 fille, une bonne
  • Primeurs, place Maréchal Foch (commerce disparu, aujourd’hui marchand de souvenirs) : Edmond Hauville, 52 ans et son épouse Alice Maquaire, 46 ans, 1 fille
  • La Ruche Picarde, rue Alphonse Karr : Louise Mathieu veuve Langlois, 67 ans, une employée (sa fille)
  • Union des Coopérateurs, épicerie, rue Notre-Dame (n°40, aujourd’hui épicerie Vivéco) : Hubert Lévy, 25 ans et son épouse Lucette Casaux, 25 ans

Bonneterie, nouveautés

  • Au Gagne-Petit, rue du Dr Fidelin (commerce disparu) : Gaston Massonnaud, 42 ans et son épouse née Chatoutaud, 37 ans, sans enfant à charge
  • Au Mimosa, rue Alphonse Karr (n°41, commerce disparu, aujourd’hui magasin de décoration D’est en ouest) : Henri Potel, 59 ans et son épouse Louise Le Corguillé, 56 ans, sans enfant à charge
À gauche de la photo, le Magasin de nouveautés Au Mimosa, rue Alphonse Karr ; au centre du cliché, la pâtisserie Lecœur ;  carte postale ancienne

Chaussures

  • À l’incomparable, avenue Georges V (n°5) : Jules Marcel Moireau (ancien directeur de l’usine des eaux), 44 ans et son épouse Louise Duchemin, 45 ans, 2 fils, 1 fille

Coiffure

  • René, rue Alphonse Karr (n°33, commerce disparu, aujourd’hui cosmétiques Madame Chamotte) : René Drieu, 31 ans, marié, 2 filles, 1 fils
La deuxième maison à gauche de la photo est le salon de coiffure de la rue Alphonse Karr ; détail d’un cliché de Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi537
  • Rachel et Willy, coiffeurs, rue Notre-Dame (commerce disparu) : Wilhelm Coquin, 26 ans et son épouse Rachel Deneufve, 25 ans, 1 fils

Droguerie

  • Deschamps, rue Alphonse Karr (commerce disparu) : Raymond Deschamps, 32 ans, marié, 1 fils

Horlogerie-bijouterie

  • Au Régulateur, rue Alphonse Karr (n°31, commerce disparu) : Florimond Lecartel, 61 ans, marié, sans enfant à charge
Horlogerie Lecartel, rue Alphonse Karr ; détail d’un cliché de Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi538

Librairie-Papeterie

  • Librairie Charmeteau, rue Alphonse Karr (n°16, commerce disparu) : Marie Lange veuve Charmeteau, 54 ans, et son fils Albert Charmeteau, 24 ans

Mercerie

  • Chez Cardon, rue Adolphe Boissaye (commerce disparu) : Albert Cardon, 54 ans, marié, sans enfant à charge

Souvenirs-articles de plage

  • Au Souvenir d’Étretat, rue Monge (commerce disparu) : Albert Houlbrèque, 60 ans, et son épouse Louise Colbosc, 60 ans, sans enfant à charge

Hôtels

  • Hôtel du Commerce, rue Alphonse Karr (n°12, aujourd’hui restaurant la Marie Antoinette) : Jean Jung, 30 ans, marié, 1 fille et 1 fils, une employée fille de salle
  • Hôtel de la Gare, avenue Nungesser et Coli (commerce disparu) : Bernard d’Alençon, 51 ans, marié, 1 fille, une bonne
  • Hôtel de Normandie, place Maréchal Foch (aujourd’hui hôtel-restaurant des Deux Augustins) : Marcel Belleteste, 49 ans, marié, 1 fille et 1 fils également hôtelier (Georges, 25 ans), une employée
  • Hôtel-café Parisien, avenue Georges V (n°23, commerce disparu, aujourd’hui Les Comptoirs d’Étretat) : Jean Lemaire, 28 ans, marié, sans enfant

Cafés

  • Café d’Étretat, rue Adolphe Boissaye (aujourd’hui rue Georges Bureau, immeuble détruit ) : Albertine Migoubert épouse Bénézy, 43 ans, 1 fils
  • Café de l’Europe, avenue Georges V (n°37, commerce disparu) : Marthe Machy, veuve Burel, 57 ans et sa sœur Hélène Machy , veuve Hénon, 47 ans
  • Café-restaurant La Glacière, rue Guy de Maupassant (n°60, commerce disparu) : Pierre Bredel, 50 ans, et son épouse Honorine Hébert, 46 ans, 1 fils, 1 belle-fille
  • Café de la Marine, rue Alphonse Karr (n°30, commerce disparu) : gérant non identifié
  • Café-restaurant des Marins, rue Alphonse Karr (immeuble détruit) : Gaston Carpentier, 38 ans, marié, sans enfant, une bonne
Au centre de la photo, le Café d’Étretat, rue Adolphe Boissaye (aujourd’hui rue Georges Bureau) : détail d’un cliché de Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi361

Hôtel restaurant des Marins, rue Alphonse Karr ; cliché Flamant, Archives Départementales de Seine-Maritime, 38Fi515

Café-tabac

  • Débit de tabac, rue de l’Abbé Cochet (n°8, commerce disparu) : Émile Cauvin, 35 ans et son épouse Yvonne Hauchecorne, 32 ans, sans enfant, une bonne

Les entreprises en 1936

Cette liste a été dressée de la même manière que la précédente. Elle n’est donc pas complète mais les adresses indiquées permettent de restituer le paysage urbain étretatais de l’immédiat avant-guerre.

Garage

  • Garage Enz, rue Prosper Brindejont (n°2, entreprise disparue, aujourd’hui Crédit Agricole) : Charles Enz, 47 ans, marié, 1 fils mécanicien, 1 fille, une bonne
Garage Enz, à l’angle de la rue Prosper Brindejont et de la rue Monge ; carte postale ancienne
  • Grand Garage d’Étretat, avenue Georges V (n°8bis, entreprise disparue, aujourd’hui Carrefour city) : Madeleine Merelle veuve Muraour, 43 ans

Peinture

  • Capriolo, rue Prosper Brindejont (n°10, entreprise disparu) : Christian Capriolo, 33 ans, marié, 1 fils
  • Morin, avenue de Verdun (n°12, entreprise disparue) : Fernand Morin, 39 ans, marié, sans enfant à charge

Plomberie-zinguerie, couverture

  • Boulinière, avenue Georges V (n°321, entreprise disparue) : Adolphe Boulinière, 59 ans, veuf, 1 fille
  • Jeanne, rue Alphonse Karr (n°40, entreprise disparue) : Maxime Gabriel Jeanne, 42 ans, marié, sans enfant à charge, une bonne
  • Jeanne-Ledentu, rue Notre-Dame (n°55, entreprise Bunel jusqu’à une date récente) : Paul Jeanne, 49 ans, marié, 1 fille

Quincaillerie, serrurerie

  • Bréant, avenue de Verdun (n°8, entreprise disparue, aujourd’hui Kebab n°8) : Ernest Bréant, 51 ans, marié, sans enfant, une bonne

Transports

  • Lassire, avenue Georges V (n°14, entreprise disparue) : Albert Lassire, 38 ans, marié, 1 fille

Travaux publics

  • Entreprise générale de bâtiments, rue Guy de Maupassant (entreprise disparue) : Louise Chenin veuve Liberge, 80 ans et son beau-fils Georges Liberge, 48 ans, 1 belle-fille employée de bureau

Les patrons de pêche

En 1921, 109 marins actifs sont répertoriés.  Seuls 11 d’entre eux ne sont pas nés à Étretat. Deux hommes sont qualifiés de « navigateurs » (Charles Friboulet, 32 ans et Pierre Pian, 18 ans), un troisième, Henri Paumelle, 44 ans, est capitaine au cabotage. Les 106 autres marins sont probablement pêcheurs. Dix-huit d’entre eux sont patrons :

  • Léon Duclos, 59 ans ; emploie un marin (Henri Duclos, 56 ans)
  • Léon Duclos, 35 ans
  • Joseph Duclos, 45 ans
  • Henri Duclos, 33 ans
  • Louis Duclos, 54 ans
  • Ulysse Vatinel, 57 ans ; emploie un marin (Joseph Vatinel, 27 ans)
  • Ulysse Vatinel, 28 ans
  • Ernest Vatinel, 51 ans ; emploie un marin (Achille Maillard, 48 ans)
  • Léon Vatinel, 48 ans ; emploie deux marins (Martin Vatinel, 37 ans et Alphonse Cauvin, 48 ans)
  • Joseph Vatinel, 42 ans
  • Léon Coquerel, 44 ans ; emploie deux marins, ses deux fils Léon, 19 ans et Henri, 17 ans
  • Ernest Coquerel, 49 ans ; emploie un marin, son fils Victor, 15 ans
  • Gaston Vallin, 47 ans
  • René Vallin, 39 ans
  • Alphonse Hauville, 47 ans ; emploie un marin, son fils Alphonse, 19 ans
  • Joseph Recher, 32 ans ; emploie deux marins (Théodule Recher, 48 ans et François Recher, 47 ans)
  • Léon Lebaillif, 64 ans
  • Auguste Adam, 57 ans ; emploie deux marins, ses deux fils Marcel, 18 ans et Maurice, 16 ans

Tous sont natifs d’Étretat, sauf Alphonse Hauville et Auguste Adam,  nés à Fécamp ; le second est le petit-fils de Rose Vallin, l’auteure de l’Histoire de Rose et Jean Duchemin publiée par Alphonse Karr.

Huit marins font partie de l’équipage d’un Duclos, le prénom n’étant pas précisé. Un Mallet fait partie de l’équipage d’un des deux Vallin et sept marins ont pour patron l’un ou l’autre des Vatinel. Joseph Adam, 26 ans, a pour patron un Malandain qui n’est pas identifié dans la commune et qui pourrait être un armateur fécampois. Pour les 58 marins restants, le patron n’est pas précisé.

En 1926, 100 marins actifs sont répertoriés ; dix d’entre eux ne sont pas natifs d’Étretat.  Deux hommes sont qualifiés de « navigateurs » (Edmond Leseigneur, 35 ans et André Fleury, 32 ans). Les autres sont simplement inscrits comme marins et leur statut (patron ou employé) n’est pas indiqué.

Le recensement de 1936 est plus précis et permet la comparaison avec la situation de 1921. En 1936, 64 marins actifs sont répertoriés ; un seul d’entre eux (Léon Duclos, 74 ans) est désigné comme « pêcheur ».  Cinq hommes sont qualifiés de « navigateurs » (Joseph Audien, 40 ans, Achille Lenormand, 39 ans,  André Fleury, 42 ans, Paul Fleury, 19 ans, fils du précédent, et Georges René Recher, 45 ans) ; les quatre premiers travaillaient pour la Compagnie Générale Transatlantique, le dernier pour la Compagnie Normande de Navigation. Il faudrait y ajouter Louis Jouet, 40 ans, marin employé par la Compagnie des Messageries Maritimes et André Dauvois, 47 ans, officier mécanicien employé par l’armateur Louis Martin. Les 57 autres sont probablement des marins pêcheurs. Ces marins pêcheurs appartiennent à des équipages étretatais, à l’exception de Georges Marais, 27 ans, employé par la Pêcherie française, d’Ernest Recher, 36 ans et Joseph Marais, 22 ans, employés par la boucane fécampoise Prentout, de Joseph Fontaine, 46 ans, travaillant pour un Nouet qui n’est pas identifié, et de trois marins travaillant pour Duhamel, dirigeant des Pêcheries de Fécamp (Léon Homont, 44 ans, son fils Léon, 14 ans et Henri Marais, 41 ans).

Douze patrons de pêche étretatais sont identifiés :

  • Léon Duclos, 74 ans
  • Ulysse Vatinel, 43 ans ; emploie un marin (Georges Vatinel, 41 ans)
  • Ernest Vatinel fils
  • Léon Vatinel, 63 ans ; emploie 3 maris (Daniel Recher, 38 ans, Martin Vatinel, 52 ans et Alphonse Cauvin, 63 ans)
  • Léon Coquerel fils, 34 ans ; emploie deux marins (Émile Vatinel, 31 ans et André Trouvé, 20 ans)
  • Henri Léon Coquerel, 32 ans
  • Victor Coquerel, 30 ans ; emploie un marin (Edmond Maillard, 16 ans)
  • Jean Vallin, 38 ans ; emploie trois marins (Louis Lachèvre, 28 ans, Achille Duclos, 38 ans et Henri Vatinel, 23 ans)
  • Louis Mallet, 34 ans ; emploie un marin (Léon Mallet, 19 ans)
  • René Mallet, 36 ans ; emploie un marin (Alfred Mallet, 38 ans)
  • Auguste Adam, 43 ans

Tous sont natifs d’Étretat, sauf Auguste Adam, né à Bénouville, fils du patron de pêche homonyme listé en 1921.

Trois marins font partie de l’équipage d’un Mallet dont le prénom n’est pas précisé ; il s’agit d’Albert Longuemare, 20 ans, de Séraphin Pelfresne, 62 ans et d’Achille Martel, 59 ans. Un marin a pour patron un Coquerel dont le prénom n’est pas précisé, il s’agit d’Edmond Maillard, 46 ans. Enfin François Joseph Duclos, 60 ans, travaillait pour un des Vatinel.

Pour quatorze marins, il n’est pas indiqué de patron ;  six autres sont au chômage au moment du recensement.

Bien qu’ils ne soient pas classés dans la catégorie des marins, un journalier et une journalière sont signalés comme allant « au rocher à la pêche à la rocaille » : il s’agit d’Ernest Deneufve, 47 ans et de son épouse Marie Leduey, 41 ans.

Entre deux mondes

À la veille de la Seconde Guerre Mondiale, le village a consolidé son statut économique de place distributrice de commerces et de services, en dépit de sa position géographique excentrée et de sa taille réduite ; cette anomalie est évidemment en rapport avec la fréquentation touristique estivale et surtout la part importante de la clientèle aisée et régulière constitué par les occupants des villas.

Le changement structurel du tourisme pendant les Trente Glorieuses va progressivement mettre fin à cet état ; les touristes seront désormais plus nombreux, d’origine géographique plus variée mais leur séjour sera plus bref et leur pouvoir d’achat individuel moindre. En conséquence, à la fin du XXe s., nombre de commerces de détail, de services et d’entreprises artisanales auront disparu, tandis que l’activité économique du village consistera  principalement en la satisfaction des besoins primaires des visiteurs venus de la région parisienne, du Nord, de Belgique, de Chine autant que du Havre ou de la campagne cauchoise : la nourriture, l’hébergement et quelques souvenirs bon marché à ramener de leur passage.

2 commentaires sur “Des années folles aux années 30, Étretat dans l’entre-deux-guerres”

  1. Bonjour, très intéressée par votre publication que je découvre au hasard de mes recherches généalogiques.
    Ma branche maternelle est originaire d’Etretat depuis plusieurs générations ( je suis remontée jusque 1668). Je suis la petite fille d’Edmond Alexandre HAUVILLE né à Etretat 16 mars 1884 marié en 1ère noces à Lucie BARIL . Ma mère Édith née le 13 juin 1908 est issue de cette union.
    Votre chronique « des années folles aux années 30 » fait état outre le nom de mon grand-père à la rubrique « catégorie alimentation -primeurs » mais aussi celui de mon père à la rubrique « notables et fonctionnaires » Germain GOURIOU, vérificateur des contributions.
    Je sais que mon grand-père est décédé en 1945, l’année précédant ma naissance, mais je n’ai pas la date exacte. (Pas disponible sur les archives numérisées)
    En outre, le JOdu 2 juin 1932 page 5983 fait état d’un Edmond Hauville, administrateur de la société de secours mutuels des ouvriers d’Etretat. S’agit il de mon grand père ou d’un homonyme ?

    1. Bonjour, je suis heureux que vous appréciiez la lecture de mes carnets étretatais. Le nom de Germain Gouriou figure en effet dans la liste du recensement de 1926 ; il était alors pensionnaire chez Alphonse Auzou, rue Notre-Dame. L’administrateur de la société des secours des Ouvriers d’Etretat en 1932 était certainement votre grand-père car il n’avait pas d’homonyme à cette époque. Bien cordialement,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *