Jean, François, Pierre et les autres : fluctuations de la cote des prénoms de 1612 à nos jours. 1ère partie (1612-1850)

Ce que nous disent les prénoms

Au-delà des modes et de l’apparente frivolité qui s’y attache, le choix du prénom d’un nouveau-né subit la pression plus ou moins consciente du milieu social et familial ; en ce sens, son évolution intéresse l’historien (Vassort, 1999). Les registres de baptême étretatais, conservés de façon discontinue depuis 1612 et continue depuis 1716, puis les registres d’état-civil depuis 1793 permettent de suivre sur le long terme les fluctuations des choix effectués par les parents. Les troubles liés à la Révolution ont entraîné la perte d’une partie des archives ; les années 1793 à 1795 en particulier sont incomplètes et il manque une partie des naissances, toutefois ces lacunes –gênantes pour le généalogiste- ne sont que marginales pour le démographe.

Les prénoms étretatais sous l’Ancien Régime

Quelques remarques doivent être faites en préambule : dans les anciens registres paroissiaux, la ponctuation est toujours absente (jamais de tiret ou de virgule), si bien que les vrais prénoms composés sont indifférenciables des prénoms juxtaposés. Par ailleurs l’ordre des prénoms donnés à la naissance n’est pas immuable et l’on observe fréquemment des inversions au fil des mentions d’un même individu. L’orthographe elle-même, si elle ne pose pas de difficultés pour les prénoms d’usage courant, peut devenir fantaisiste lorsque le rédacteur n’en est pas familier (ainsi de « Geneviève », transcrit en « Jeanne Viève »).

Sous Louis XIII et Louis XIV, le choix est restreint

Au XVIIe s., l’éventail des prénoms est très réduit pour les deux sexes : on en compte 27 pour les garçons (sur 224 naissances) et 29 pour les filles (sur 204 naissances). Ces chiffres sont surtout indicatifs car les registres sont très lacunaires pour cette période et souvent difficilement lisibles. La règle quasi-absolue est de donner à l’enfant le prénom de son parrain ou de sa marraine, en fonction du sexe du nouveau-né. Un seul prénom est donné, aux garçons comme aux filles ; le seul prénom composé est Jean Baptiste (sans tiret de liaison). À partir des années 1680 quelques rares enfants reçoivent deux prénoms, tels que Marie Anne, Nicolas Antoine, Marie Marguerite. Cette pratique prendra progressivement de l’importance au cours du siècle suivant.

Quelques prénoms se déclinent au masculin comme au féminin, mais avec une fréquence inégale : Jean/Jeanne, Adrien/Adrienne, François/Françoise, Michel/Michelle, Louis/Louise, Jacques/Jacqueline, Charles/Charlotte.

Garçons Filles
André (2) Adrienne (1)
Aymon (1) Alizon (2)
Baptiste (2) Anne (4)
Bertrand (1) Barbe (3)
Charles (7) Blanche (2)
Claude (1) Caroline (1)
Clément (9) Catherine (4)
Etienne (2) Colette (5)
Georges (1) Françoise (8)
Guillaume (7) Guillemette (1)
Jacques (14) Isabeau (1)
Jean (34) Isabelle (1)
Jean Baptiste (3) Jacqueline (3)
Martin (1) Jeanne (20)
Michel (1) Louise (1)
Nicolas (15) Madeleine (6)
Noël (3) Marguerite (10)
Pierre (14) Marie (22)
Robert (5) Michelle (2)
Simon (1) Nathalie (1)
  Nicole (1)
  Suzanne (2)
Total : 124 Total : 101

Liste des prénoms donnés à Étretat entre 1612 et 1645

Garçons Filles
Adrien (2) Adrienne (1)
Antoine (1) Anne (14)
Charles (9) Barbe (1)
Clément (5) Blanche (1)
François (3) Caroline (1)
Guillaume (3) Catherine (9)
Jacques (9) Charlotte (2)
Jean (18) Elisabeth (1)
Jean Baptiste (1) Françoise (4)
Louis (2) Geneviève (3)
Marin (1) Hélène (2)
Michel (11) Isabelle (1)
Nicolas (10) Jeanne (4)
Noël (3) Louise (1)
Pierre (17) Madeleine (3)
René (1) Marguerite (14)
Robert (1) Marie (34)
Simon (2) Prudence (1)
  Suzanne (1)
doubles doubles
Nicolas Antoine (1) Marie Anne (2)
  Marie Marguerite (3)
Total : 100 Total : 103

Liste des prénoms donnés à Étretat entre 1656 et 1688

Dix prénoms masculins sont plus fréquemment donnés et représentent 87 % des garçons nés entre 1612 et 1688 :

  • Jean domine nettement tout au long du siècle (23 % des naissances masculines)
  • Pierre, patron des pêcheurs, suit d’assez loin (14 % des garçons)
  • Nicolas (11 %) et Jacques (10 %) arrivent ensuite
  • Charles (7 %) et Clément (6 %) sont encore assez fréquents
  • Guillaume (4 %) est plus fréquent dans la première moitié du siècle et Michel (5 %) dans la seconde moitié
  • Noël représente 3 % des garçons, tout comme Robert

Du côté des filles, neuf prénoms sont les plus fréquents et totalisent 81 % des filles.

  • Sans surprise, Marie, avec 27 % des naissances féminines, domine largement à cause de sa place privilégiée dans la religion catholique et particulièrement chez les marins
  • Jeanne (12 %) est un prénom plus fréquent dans la première moitié du siècle tandis que Marguerite (à égalité, 12 %) semble plus constant
  • Anne arrive ensuite, avec 9 % des naissances, surtout dans la seconde moitié du siècle
  • Les prénoms Catherine et Françoise totalisent chacun 6 % des naissances
  • Madeleine est donné à 4 % des filles
  • Colette (2,5 % de filles) est représenté dans la première moitié du siècle et disparait ensuite, et pour longtemps
  • Barbe ne représente que 2 % des naissances féminines du siècle et disparait ensuite

Quelques prénoms rares comme Alizon, Isabeau, Guillemette ou Aymon sont abandonnés au milieu du XVIIe s. D’autres connaissent une longue éclipse, comme André, Bertrand, Georges, Martin, Etienne, Claude (pour les garçons), Jacqueline, Michelle, Nathalie ou Nicole pour les filles. On remarque l’absence totale de prénoms qui seront populaires par la suite, en particulier Joseph, Benoît, ou Rose.

Au XVIIIe siècle, le choix s’élargit

Un seul prénom ne suffit plus

Quelques prénoms n’apparaissent à Étretat qu’au début du XVIIIe s., comme Véronique, Martine, Angélique ou Laurent. Philippe et Denis apparaissent en 1729. Mais ce qui est le plus net, c’est le nombre croissant de doubles prénoms, principalement pour les filles, avec l’ajout d’un deuxième prénom à Marie, qui reste le prénom favori : Marie Anne, Marie Marguerite, Marie Angélique, Marie Jeanne, Marie Madeleine représentent 21 % des naissances des deux premières décennies du siècle.

Chez les garçons, cette tendance ne se traduit, dans un premier temps, que par un nombre croissant des garçons prénommés Jean Baptiste –que nous considérons ici comme un prénom simple, avec en corollaire la diminution du nombre des Jean ; ce n’est qu’à partir de 1720 que quelques garçons se voient pourvus de deux prénoms (Nicolas Michel, Clément Nicolas).

L’apparition des prénoms multiples à cette époque a été relevée ailleurs (Vassort, op. cit.) ; elle s’accélère à partir des années 1730. Sur les 195 enfants nés à Étretat entre 1730 et 1737, 150 (soit 77 %) ne reçoivent qu’un seul prénom. Les autres ne portent pas plus de deux prénoms. On remarque par ailleurs que 29 % des filles portent deux prénoms, contre seulement 15 % des garçons. De ce point de vue, l’innovation concerne d’abord le sexe féminin.

La bascule survient ans les années 1738-1739 : c’est en 1738 que les prénoms doubles l’emportent pour la première fois sur les prénoms simples chez les filles, et en 1744 chez les garçons. C’est également en 1738 et 1739 que sont octroyés les premiers prénoms triples, chez les filles et chez les garçons. Parmi les cas notables, celui de Jacques Guillaume Suzanne Le Tuillier, né en 1739, qui reçut trois prénoms, dont ceux de son parrain – le seigneur du Tilleul- et de sa marraine, qui était également de noble extraction.

Une pratique apparaît progressivement et va se généraliser au XIXe s., celle de donner à l’enfant aîné(e) le prénom du père ou de la mère, une façon de marquer la continuité de la lignée, à tel point que lorsque l’enfant aîné(e) décède en bas-âge, il n’est pas rare que son prénom soit donné par les parents à l’enfant suivant du même sexe. Ceci tend à perpétuer les préférences familiales ; ainsi rencontre-t-on chez les Vallin une certaine surreprésentation de Benoît, Clément, Etienne, Martin et Victoire, alors que les Vatinel apprécient Françoise et surtout François, tandis que les Bisson préfèrent Catherine.

L’éventail des prénoms reste restreint dans la première moitié du XVIIIe s. : 33 prénoms masculins différents (sur 352 naissances), utilisés seuls ou combinés. La liste des prénoms favoris ne diffère que peu par rapport aux décennies précédentes, seul l’ordre change légèrement.

  1er prénom 2e prénom 3e prénom Total
Jean + Jean Baptiste 40 + 59 2+0 0 101
Pierre 83 2 0 85
Charles 32 1 0 33
Nicolas 22 8 0 30
Jacques 19 2 0 21
Louis 17 4 0 21
Clément 13 5 0 18
Michel 13 4 1 18
François 11 3 0 14
Philippe 7 2 0 9
Guillaume 6 3 0 9
Adrien 5 4 0 9
Noël 7 0 0 7
Martin 4 0 0 4
Laurent 3 1 0 4
Robert 3 1 0 4
Etienne 3 0 0 3
Denis 1 1 0 2
Georges 1 1 0 2
Marin 1 0 0 1
Thomas 1 0 0 1
Alexis 0 1 0 1
André 0 1 0 1
Antoine 0 1 0 1
Augustin 0 1 0 1
Benoît 0 1 0 1
Bertin 0 1 0 1
Daniel 0 1 0 1
Mathias 0 1 0 1
Toussaint 0 1 0 1
Jude 0 0 1 1
Suzanne 0 0 1 1

Fréquence des prénoms masculins entre 1701 et 1750

  • Jean demeure le prénom masculin le plus fréquent, si on lui adjoint le prénom de Jean Baptiste, qui décolle dans les années 1710 : Jean Baptiste a été donné à 17 % des garçons nés dans la première moitié du siècle et Jean à 12 %, le plus souvent en prénom unique
  • Pierre décolle dans les années 1720 et le prénom est désormais donné à 24 % des garçons, le plus souvent en prénom unique, entre 1701 et 1750
  • Charles passe à la troisième place dans la même période (9 % des garçons), suivi de près par Nicolas (8,5 % des prénoms masculins, souvent associé à un ou deux autres prénoms)
  • Jacques perd un peu de sa popularité dans la première moitié du XVIIIe s. (5 %) et arrive en 5e position, juste devant Louis, apparu dans les dernières décennies du XVIIe s.
  • Clément est également un peu moins fréquent (un peu moins de 5 % dans la première moitié du XVIIIe s.) et se place à égalité avec Michel
  • Philippe, Guillaume et Noël (prénom donné seul) viennent ensuite, suivis de près par Adrien, donné en premier ou en deuxième prénom

Le nombre total de prénoms féminins différents est inférieur à celui des garçons et diminue même par rapport au siècle précédent : il n’est que de 23 dans la première moitié du XVIIIe s. et les nouveaux prénoms (Martine et Véronique) sont très peu répandus ; Rose fait exception à cet égard.

  1er prénom 2e prénom 3e prénom Total
Marie 165 3 0 168
Anne 37 70 1 108
Catherine 48 8 2 58
Marguerite 30 21 1 54
Françoise 24 9 0 33
Elisabeth 13 7 1 21
Rose 2 16 2 20
Madeleine 8 9 0 17
Jeanne 11 2 0 13
Suzanne 11 2 0 13
Geneviève 8 1 1 10
Blanche 7 1 0 8
Angélique 3 4 1 8
Martine 4 0 0 4
Prudence 4 0 0 4
Adrienne 2 1 0 3
Hélène 2 1 0 3
Colette 1 0 0 1
Nicole 1 0 0 1
Véronique 1 0 0 1
Agathe 0 1 0 1
Julienne 0 1 0 1
Cécile 0 0 1 1

Fréquence des prénoms féminins entre 1701 et 1750

  • Marie domine plus largement encore que précédemment : ce prénom a été donné à 44 % des 382 filles nées entre 1701 et 1750, seul ou associé à un ou deux autres prénoms mais presque toujours placé en premier dans ces derniers cas
  • Il est très souvent accolé au prénom Anne, qui passe de la quatrième à la deuxième position avec 28 % des naissances féminines, mais plus souvent en deuxième qu’en premier prénom
  • Viennent ensuite, presque à égalité, Catherine, donné à 15 % des filles -presque toujours en premier prénom- et Marguerite, donné à 14 % des filles
  • Françoise conserve la 5e position et concerne 9 % des filles
  • Elisabeth, qui n’apparait qu’à la fin du XVIIe s., est donné à 6 % des filles
  • Rose, prénom inconnu au siècle précédent, est attribué avec la même fréquence qu’Elisabeth mais uniquement en association avec un ou deux prénoms et presque jamais en première position
  • Madeleine passe à la 8e place (4,5 % des filles)
  • Les prénoms de Jeanne (qui tenait la deuxième place auparavant) et Suzanne arrivent ensuite, avec un peu plus de 3 % chacun

Un choix de plus en plus large

La domination des prénoms multiples s’accélère dans la seconde moitié du XVIIIe s. Sur les 172 enfants nés entre 1750 et 1759, seuls 23 % ne reçoivent qu’un prénom, 66 % en reçoivent deux et 10 % en portent trois ; durant la décennie suivante (1760-1769), ces pourcentages passent respectivement à 12 %, 74 % et 13 %. Par la suite, les prénoms simples tendent à disparaître complètement (à l’exception de Jean Baptiste pour les garçons).

La distinction entre les sexes persiste : les filles continuent à porter plus fréquemment des prénoms multiples que les garçons, constatation effectuée en d’autres lieux. Quelques filles se voient même attribuer quatre prénoms. Il semble que la combinaison des prénoms Marie et Anne joue, dans la croissance inexorable des prénoms multiples, un rôle équivalent à celui de Jean Baptiste chez les garçons.

Évolution du nombre de prénoms donnés aux garçons à Étretat au cours du XVIIIe siècle
Évolution du nombre de prénoms donnés aux filles à Étretat au cours du XVIIIe siècle

La multiplication des prénoms multiples n’est pas sans effet sur l’éventail des prénoms. Le panel des prénoms masculins s’étoffe en effet considérablement dans la seconde moitié du XVIIIe s. Les 440 garçons nés entre 1751 et 1790 se partagent 83 prénoms différents, presque trois fois plus que durant le demi-siècle précédent, mais seul un petit nombre domine nettement. Les prénoms favoris changent peu, seul l’ordre se modifie quelque peu.

  1er prénom 2e prénom 3e prénom Total
Jean + Jean Baptiste 73 + 67 24 + 5 1 + 0 170
Pierre 115 20 2 137
François 15 37 0 52
Jacques 35 15 1 51
Louis 32 16 0 48
Joseph 9 27 1 37
Charles 25 10 0 35
Benoît 2 31 2 35
Nicolas 25 26 1 32
Martin 10 15 1 26
Guillaume 14 9 1 24
Michel 13 11 0 24
Clément 7 11 0 18
Philippe 6 8 0 14
Auguste 0 9 2 11
Etienne 5 5 0 10
Adrien 5 4 0 9
Dominique 3 6 0 9
Alexis 2 5 0 7
Augustin 0 7 0 7
Lubin 0 7 0 7
Alexandre 0 6 1 7
Simon 1 5 0 6
Félix 0 6 0 6
Roger 5 0 0 5
Denis 2 2 0 4
Gervais 1 3 0 4
Jérôme 1 3 0 4
Eustache 0 4 0 4
Honoré 0 4 0 4
Romain 0 4 0 4
Noël 3 0 0 3
Thomas 2 1 0 3
Amand 1 2 0 3
Antoine 1 2 0 3
Florentin 0 3 0 3

Occurrence des prénoms masculins les plus fréquents à Étretat entre 1751 et 1790

  • Jean et Jean Baptiste conservent leur popularité conjointe. Le premier a été donné à 20 % des garçons né durant ces quatre décennies et le second à 15 %, le plus souvent en prénom unique
  • Pierre conserve sa place ; c’est le prénom porté par 137 nouveau-nés (31 % des garçons), seul ou en deuxième ou troisième rang
  • François arrive loin derrière, avec 11 % des naissances masculines ; il est plus fréquemment donné en 2e prénom, contrairement à Jacques –qui concerne le même pourcentage de garçons- et à Louis, donné à 10 % des garçons
  • Joseph (8 % des naissances masculines), est principalement donné en 2e prénom.
  • Juste derrière, Charles et Benoît concernent chacun 7 % des garçons mais Benoît est presque exclusivement donné en deuxième prénom, contrairement à Charles.
  • Nicolas arrive ensuite (6,5 %)
  • Viennent ensuite Martin, Michel et Guillaume (environ 5 % des naissances chacun)
  • Clément et Philippe se placent assez loin derrière

Trente-cinq prénoms n’apparaissent qu’une seule fois durant ces quatre décennies, presque toujours en deuxième ou troisième prénom. Hormis Marin et Daniel, il s’agit de prénoms nouveaux.

Prénom masculin Première mention
Alexis 1750
Romain 1753
Félicité
Roger
1754
Aubin
Patrice
Lubin
1755
Christophe
Félix
Gervais
Villars
1757
Fortunat 1758
Abraham
Alexandre
1760
Dominique 1761
Emmanuel
Eustache
1762
Maximilien 1763
Paul 1767
Amand 1768
Léonard 1769
Brice
Valentin
1770
Tranquille 1771
Mathieu 1773
Vincent
Samson
1774
Auguste 1775
Jérôme
Gabriel
Prosper
1776
Anastase 1777
Désir
Placide
1778
Nicaise
Bernard
1779
Désiré
Lazare
1780
Eloi 1781
Honoré
Florentin
Isaac
1782
Maurice 1783
Xavier 1784
Chrysostome
Elie
1786
Urbain
Germain
Victor
Ambroise
Sulpice
1788
Marc
Delphin
Marie
1789
Sénateur
Eliacim
1790

Date d’apparition des nouveaux prénoms masculins à Étretat entre 1750 et 1790

L’éventail est moitié plus restreint pour les filles : 45 prénoms différents pour les 462 filles nées entre 1751 et 1790, soit un peu moins du double par rapport au demi-siècle précédent et la domination des prénoms les plus fréquents est écrasante. On retrouve peu ou prou les prénoms favoris du demi-siècle précédent, même si l’ordre change, comme pour les garçons.

  • Marie arrive toujours nettement en tête : plus de 51 % des filles portent ce prénom, presque systématiquement en première position et souvent en association avec d’autres prénoms populaires comme Anne ou Rose
  • Rose connaît un succès croissant et prend la seconde place ; 35 % des filles reçoivent ce prénom, souvent en deuxième position et associé à Anne, à Marie et à Catherine
  • Anne rétrograde à la 3e place mais le prénom concerne encore 32 % des filles nées durant cette période
  • Catherine vient ensuite, avec 23 % des filles ; le prénom est souvent accolé à Rose et à Marie

Derrière ce quatuor de tête, un autre groupe de prénoms arrive plus loin dans le classement :

  • Marguerite (prénom donné à 10 % des filles), suivi par Elisabeth et Françoise à égalité (9 % chacun)
  • Suzanne se place en 8e position et concerne un peu moins de 6 % des filles, talonné par Jeanne (5 %)
  • Le top 10 se termine avec Victoire, prénom inconnu jusqu’alors mais qui connaît une popularité croissante ; 4 % des filles reçoivent ce prénom
  • Geneviève, Madeleine, Adélaïde, Rosalie, Angélique, Julie, Véronique et Louise arrivent loin derrière

21 prénoms ne sont portés que par une ou deux filles.

Prénom féminin Première mention
Digne
Doucette
Renée
Guillaume
1754
Modeste 1757
Marthe 1760
Juliette 1761
Christine
Thérèse
1769
Reine
Victoire
1772
Rosalie
Adélaïde
1773
Claire 1775
Justine 1776
Julie 1777
Eléonore
Florence
Honorine
1784
Monique
Félicité
1786
Arsène
Honoré
Pélagie
1790

Date d’apparition des nouveaux prénoms féminins à Étretat entre 1750 et 1790

La Révolution et l’Empire : les imaginations se débrident

La Révolution introduit un changement majeur dans l’enregistrement des déclarations de naissances puisque le décret du 20 septembre 1792 institue l’état-civil : à partir de l’année 1793, c’est la municipalité, et non plus la paroisse, qui est chargée de rédiger et conserver les actes de naissances, mariages et décès. Cette laïcisation va théoriquement diminuer l’emprise de la religion dans le choix des prénoms, d’autant que la loi du 1er avril 1803 élargit le choix des prénoms possibles au-delà du seul calendrier catholique ; en réalité l’augmentation notable du nombre de prénoms différents dans les décennies précédentes montre que le changement des mentalités a des racines plus anciennes. La loi de 1803 était en fait destinée à contrer la pratique de liberté totale de choix durant les années révolutionnaires et à entraver les particularismes régionaux.

À compter de la publication de la présente loi, les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, pourront seuls être reçus comme prénoms sur les registres de l’état civil destinés à constater la naissance des enfants ; il est interdit aux officiers publics d’en admettre aucun autre dans leurs actes.

Article 1 de la loi du 11 germinal an XI

À la faveur de l’augmentation quantitative des naissances, la Révolution puis l’Empire vont faire franchir un nouveau pas dans l’élargissement du spectre des prénoms : durant la période 1791-1820, on dénombre désormais 162 prénoms masculins et 120 prénoms féminins différents, soit respectivement deux fois plus et presque trois fois plus que pour la période 1751-1790.

Évolution du nombre annuel de naissances à Étretat durant la Révolution et le Premier Empire

On voit surgir de nombreux prénoms jusqu’alors inconnus, dont certains connaîtront un certain succès tout au long du XIXe siècle tels que Virginie, Frédéric, Lucien, Adolphe, Henri (parfois orthographié Henry), Alphonse, Adèle, Isidore, Jules, Léon, Mathurin, Monique, Sophie et Théodore (pour ne citer qu’eux). De fait, une bonne partie des prénoms en usage au cours du siècle auront déjà été testés, peu ou prou, avant 1815.

Prénom masculin Première mention
Arsène
Julien
1791
Timothée 1792
Aimable 1793
Mathurin
Stanislas
Joachim
Calixte
1794
César 1795
Anselme 1796
Juste 1797
Adam
Séraphin
Clair
1798
Frédéric
Théodore
Godard
1799
Casimir
Hyacinthe
Germer
1800
Damase
Edouard
Lucien
Fabien
Thurin
1801
Henri
Barnabé
1802
Benjamin
Isidore
Pretextat
Ursin
1803
Napoléon
Léon
1804
Zéphir
Fulgence
Flavien
1805
Protais
Servais
1806
Adolphe
Eugène
Séverin
Magloire
Généreux
Ambert
Evariste
1807
Donatien
Eliacinthe
Constantin
Eulalie
1808
Cyrille
Bénoni
1809
Gratien 1810
Athanase
Célestin
Evode
Eléonore
1811
Alphonse
Gustave
Anatole
Satyre
Sanson
1812
Antide
Hospice
Arthur
Eusèbe
1813
Mériade
Modeste
Polydore
1814
Anthime
Didier
Inde
Onésime
Victorien
1815
Polias
Gérasime
Zacharie
1816
Hippolyte
Jules
Bruno
Honorat
Arcade
1817
Alfred
Césaire
Alphèze
Emérite
Ferdinand
Firmin
Amédée
Narcisse
1818
Théodule
Ulysse
Palmyre
1819
Hémery
Alphin
Cyprien
1820

Date d’apparition des nouveaux prénoms masculins à Étretat entre 1791 et 1820

Prénom féminin Première mention
Olive 1792
Constance
Désirée
Fraternité
1793
Clotilde
Constante
1794
Gratienne
Hermante
1795
Aimée
Alexandrine
Césarine
Euphroisine
Eusèbe
1796
Armande
Henriette
1797
Artémise
Théodore
Placide
1798
Amante
Apolline
Didienne
Virginie
1799
Bibienne 1800
Adèle
Joséphine
Sophie
1801
Marine 1802
Anastasie
Vénérante
Généreuse
Euphémie
Mélanie
1803
Marcelle
Ursule
Céleste
Eugénie
Victorienne
Maxence
1804
Emilie 1805
Aglaë
Stéphanie
1807
Bérénice
Osithe
Clarisse
Léocadie
Elisabelle
Elisa
Opportune
1808
Bénigne
Phrasie
1809
Florine
Hortense
Annonciade
Clarine
1810
Anatolie
Ismérie
1811
Sariette
Clémence
Elisée
1812
Valère
Esther
Laurence
Hermérie
1813
Lyfirginie
Florifie
Séraphie
Félicie
1814
Augustine
Pulchérie
Mathilde
Hyacinthe
Agnès
1815
Adine
Célestine
Iphigénie
Olympiade
1816
Athénaïse
Elise
Laure
Théonie
1817
Lucienne
Cédéline
Léonie
Adeline
Polydore
Nazareth
1818
Aimable 1819
Céline
Delphine
Florestine
Théotiste
Ludivine
1820

Date d’apparition des nouveaux prénoms féminins à Étretat entre 1791 et 1820

Une grande partie des nouveaux prénoms sont des prénoms rares, voire baroques, qui traduisent une évidente recherche de singularité comme Damase, Euphémie, Godard, Bibienne, Bertinne, Didienne, Hermante, Hermérie, Bénigne, Gratienne, Eulalie, Artémise, Césarine, Appoline, Zéphir, Magloire, Ambert, Calixte, Germer, Polias, Clair, Mériade, Bénoni, Fulgence, Ursin, Thurin, Protais, Polidore, Inde, Servais, Vénérante, Opportune, Anatholie, Anonciade, Perpétue, Olympiade, Lyfirginie, Ismérie, Pélagie, Pulchérie, Adine, Sariettte, etc. La part des noms d’inspiration grecque, latine et biblique est importante. C’est peut-être la première expression d’un phénomène de mode –au sens actuel du terme- dans le choix des prénoms. Il serait intéressant de connaître la source d’inspiration des parents : peut-être faut-il chercher du côté des almanachs colportés dans les campagnes ?

Parmi les cas particuliers, on peut citer le cas d’un Vallin né en 1804 et prénommé Jean Baptiste Laumonier, vraisemblablement en hommage au chirurgien normand portant ce nom (1749-1818), qui fut chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Rouen.

On peut aussi s’attarder sur le prénom surprenant de Satyr, donné à un Ebran en 1812 ; il s’inscrit en réalité dans une tradition familiale, puisque le père, né en 1786 à Bénouville et le grand-père, né en 1763 à Bordeaux, portaient déjà ce prénom en 2e rang ; il y aura encore une 4e génération avec Louis Satyre Ebran, né à Étretat en 1838. Il s’agit bien d’un prénom chrétien puisque, d’après le site https://nominis.cef.fr, il y aurait eu un saint martyr de ce nom au IIIe s.

La nouveauté de ces prénoms entraîne une grande incertitude dans leur transcription, qu’il faut parfois interpréter : ainsi Léo Cadie doit probablement être compris comme Léocadie ; Anathasie est probablement une variante d’Anast(h)asie ; Clarisse est parfois orthographie Claris, Clarice, Clariste ; Artance et Ortance sont probablement des déformations d’Hortense ; Efémie est à rapprocher d’Euphémie ; Floride, Floritte et Floriste sont peut-être des équivalents de Florine. Elisabelle est énigmatique, tout comme Alphèze, Polias, Hémery et Alphin. Quant à Prétestard, c’est probablement une déformation de Prétextat.

Les prénoms à connotation morale ou affective, comme Désirée, Félicité, Amante, Aimée, Généreuse, Généreux, Aimable, connaissent une certaine popularité, ce qui pourrait traduire une tendance à la laïcisation de la société ; cependant les prénoms à connotation révolutionnaire (tels Fraternité ou Juste) ou napoléonienne (Napoléon, Joséphine) sont rarissimes.

Les nouveaux prénoms ne se substituent pas aux vieux prénoms traditionnels, qui gardent la cote ; ils s’ajoutent plutôt en 2e voire 3e rang.

Evolution du nombre de prénoms donnés aux garçons à Étretat durant la première moitié du XIXe s.
Evolution du nombre de prénoms donnés aux filles à Étretat durant la première moitié du XIXe s.

Les prénoms uniques ne concernent plus que 1,4 % des garçons et 0,7 % des filles ; 92 % des garçons comme des filles reçoivent deux prénoms. Les prénoms triples sont encore marginaux (6,6 % des garçons, 7,2 % des filles) en ce début de XIXe s. Une fois encore, l’ordre des prénoms tel que donné à la naissance n’est pas immuable, comme le montre la confrontation des actes de naissances avec les actes de mariage, les actes de décès et les recensements.

  1er rang 2e rang 3e rang total
Pierre 111 17 0 128
Jean 78 15 0 93
Louis 53 15 1 69
François 19 25 0 44
Benoît 15 24 1 40
Joseph 14 20 1 35
Florentin 3 26 2 31
Nicolas 17 9 2 28
Jacques 22 4 0 26
Mathurin 7 19 0 26
Jean Baptiste 23 2 0 25
Martin 14 10 0 24
Frédéric 7 14 1 18
Auguste 8 9 0 17
Victor 3 11 3 17
Alexis 7 6 2 15
Lucien 3 12 0 15
Toussaint 8 6 0 14
Dominique 3 10 1 14
Charles 10 3 0 13
Philippe 9 4 0 13
Séraphin 1 12 0 13

Occurrence des prénoms masculins les plus fréquents entre 1791 et 1820

  • Pierre confirme sa domination
  • Jean confirme sa deuxième place
  • Louis se hisse de la 7e à la 3e place
  • François monte également dans le classement, de la 6e à la 4e place mais se place assez loin derrière le trio de tête
  • Benoît progresse également et gagne cinq places
  • Joseph se hisse à la 6e place
  • Florentin, prénom apparu en 1782, fait son entrée dans le « top ten » mais il est le plus souvent mentionné en 2e rang
  • Nicolas a chuté à la 8e place et précède de peu Jacques, un vieux prénom qui perd de sa popularité mais reste donné en premier prénom, et Mathurin, un prénom d’apparition récente (1794) mais qui progresse rapidement en deuxième prénom
  • Jean Baptiste connaît une forte chute de popularité mais est encore souvent donné en premier prénom

Soixante-dix-neuf prénoms –soit près de la moitié du nombre total de prénoms masculins de la période- ne sont attribués qu’à un ou deux garçons.

  1er rang 2e rang 3e rang total
Marie 194 23 0 217
Rose 57 59 8 124
Françoise 37 41 2 80
Catherine 25 26 1 52
Victoire 18 25 1 44
Anne 15 25 2 42
Virginie 8 28 0 36
Anastasie 11 18 1 30
Constance 10 15 0 25
Désirée 9 15 1 25
Rosalie 12 9 2 23
Joséphine 8 14 0 22
Adélaïde 9 10 0 19
Clarisse 9 9 0 18
Hortense 8 9 0 17
Marguerite 4 11 1 16
Elisabeth 6 9 1 16
Félicité 7 7 1 15
Céleste 6 8 0 14
Julie 7 5 1 13
Euphroisine 5 7 1 13

Occurrence des prénoms féminins les plus fréquents entre 1791 et 1820

  • Chez les filles, Marie est toujours le prénom le plus donné : 38 % des filles le portent, le plus souvent en premier prénom
  • Rose confirme son succès : 22 % des filles le portent en premier ou en deuxième prénom
  • Françoise progresse sensiblement et passe en 3e position, en premier ou en deuxième prénom (14 % des naissances féminines)
  • Catherine occupe encore la 4e place, avec 9 % des naissances féminines, en premier ou en deuxième prénom
  • Viennent ensuite Victoire, qui conforte sa progression (7,5 %), Anne, qui continue sa chute (7 % des naissances), Virginie (6 %), qui est le plus souvent donné en deuxième prénom et Anastasie, qui est un prénom d’apparition récente mais qui est donné à 5 % des filles
  • Les prénoms de Constance et Désirée, viennent ensuite et concernent chacun 4 % des filles
  • Rosalie vient juste derrière
  • Viennent ensuite, dans l’ordre, Joséphine (prénom impérial), Adélaïde, Clarisse, Hortense, Elisabeth et Marguerite, Félicité, Céleste, Julie et Euphroisine

Les autres prénoms sont portés par moins de dix individus chacun.

Entre deux Empires : la période 1820-1850

La diversification des prénoms se poursuit, encouragée par l’augmentation du nombre des naissances et par la part croissante des prénoms triples à partir de la fin des années 1830. On dénombre durant ces quatre décennies 171 prénoms masculins et 174 prénoms féminins différents, encore un peu plus que durant la période précédente. Cependant 102 prénoms masculins et 92 prénoms féminins ne sont donnés qu’à moins de 5 enfants chacun. Quelques prénoms qui seront en vogue durant la suite du XIXe s. apparaissent à cette époque, comme Ernestine, Émile, Edmond, Berthe, Albert, Léopold ou Ernest. D’autres sont plus inattendus, comme Eudoxe, Médéric, Madis, Numa, Hernèse, Aldry, Héli, Méry, Hermes et Ema (pour les garçons), Bonnefoi, Théostine, Choisic, Théodice, Zéline/Zélina, Zulmé, Maémi, Zuline, Herménie, Volcie, Exadernie et Euphanie (pour les filles).

Prénom masculin Première mention
Dieudonné
Sévère
Moïse
1821
Philbert
Wilfrid
Siméon
1822
Jérémie
Sébastien
Eudoxe
1823
Emile 1824
Blaise
Maxime
Théophile
1825
Emilien
Albin
1826
Bernardin
Grégoire
Saturnin
1827
Nestor
Fortuné
1829
Bonaventure 1830
Ema 1831
Achille
Edmond
Félicien
Léopold
1832
Médéric
Samuel
1833
Madis
Méry
1834
Albert 1836
Hernèse
Ovide
Aldry
1837
Hermès 1838
Ernest
Héli
1840
Victorin
Numa
Alcide
Aristide
Sylvestre
1841
Hildevert 1842
Hilaire 1843
Raoul 1845
Clovis 1846
Pascal 1847
Théogène
Abel
1848
Armand 1849
Irénée 1850

Date d’apparition des nouveaux prénoms masculins à Étretat entre 1821 et 1850

Prénom féminin Première mention
Ambroisine
Bonnefoi
Théostine
1821
Antoinette
Emélie
Emma
Héloïse
Euphragie
Flore
1822
Austreberthe 1823
Dorothée
Léonide
1824
Pauline 1825
Adelina
Euphrasie
Marceline
Rachel
1826
Emilienne
Léontine
Zoé
1827
Anaïse 1828
Clémentine
Flavie
Lucie
Victorine
1829
Noémie
Irma
Choisic
1830
Célina
Pascaline
Thémis
Zélie
Armandine
Laurentine
1831
Alzire
Zélina
Florentine
Théodice
Herménie
1832
Amélie
Zulmé
1833
Fortunée
Volcie
1834
Claudine
Exadernie
Euphanie
Léopoldine
1835
Dina 1836
Anatalie
Philomène
1837
Ernestine
Isilda
Orénie
1838
Maria
Polina
Clara
Foi
Aline
1839
Angèle
Amanda
Zuline
1841
Alphonsine
Luce
Maxime
Maémi
Olympe
1842
Elsa 1845
Hermance 1846
Berthe 1847
Célénie
Malvina
Séphora
1848
Denise
Julia
Alix
Béatrix
1849

Date d’apparition des nouveaux prénoms féminins à Étretat entre 1821 et 1850

  1er rang 2e rang 3e rang 4e rang total
François 66 70 13 1 150
Pierre 95 12 0 0 107
Louis 72 20 2 0 94
Jean 53 10 2 0 65
Léon 22 27 1 1 62
Alexandre 24 31 1 0 56
Alphonse 18 22 3 1 44
Jules 17 22 3 0 42
Eugène 9 27 5 1 42
Joseph 21 12 5 0 38
Benoît 19 15 1 0 35
Hippolyte 9 20 2 0 31
Henri 8 19 3 1 31
Anthime 8 19 3 1 31
Frédéric 12 13 1 0 26
Arthur 14 6 5 0 25
Victor 10 13 0 0 23
Achille 7 11 5 0 23
Théodule 3 20 0 0 23
Onésime 3 16 2 0 21
Ernest 2 14 4 0 20
Mathurin 11 7 1 0 19
Auguste 12 6 0 0 18
Charles 11 6 0 0 17
Alfred 7 10 0 0 17

Occurrence des prénoms masculins les plus fréquents entre 1821 et 1850

  • Chez les garçons, François passe en tête ; ce prénom est donné à 19 % des nouveau-nés mâles, en première ou deuxième position
  • Pierre rétrograde à la deuxième place avec 14 % des garçons mais le prénom est surtout donné en première position
  • Louis occupe toujours la 3e place et est attribué à 12 % des garçons, souvent en première position
  • Jean descend à la 4e place, même si on y ajoute le prénom Jean Baptiste, de moins en moins fréquent
  • Léon, bien qu’apparu seulement en 1804, connaît une très forte progression et occupe désormais la 5e place. II est donné à 8 % des garçons, en première ou deuxième position
  • Alexandre connaît la même progression et concerne 7 % des naissances masculines
  • Alphonse, qui est aussi un prénom récent (première mention en 1812), se classe 7e, avec 5,5 % de garçons portant ce prénom
  • Jules et Eugène arrivent à égalité juste derrière, mais Eugène est surtout donné en deuxième prénom
  • Joseph, qui était auparavant en 6e place, rétrograde en 10e position
  • Benoît, qui avait progressé dans les années précédentes, redescend à la 11e place.

Ce classement s’applique à la génération née à Étretat entre 1820 et 1850. Si on veut connaître la prénomisation de l’ensemble de la population à un instant donné, il faut se tourner vers les recensements. Celui de 1841 donne une répartition évidemment différente du palmarès exposé ci-dessus, parce que seul le premier prénom est comptabilisé mais surtout parce qu’il prend aussi en compte les individus nés avant 1820 (et également ceux qui sont nés en dehors d’Étretat).

Prénoms les plus fréquents dans la population masculine d’Étretat en 1841, d’après le recensement (pas de double compte, seul le premier prénom est pris en compte)
  1er rang 2e rang 3e rang 4e rang total
Marie 205 47 7 1 260
Victoire 42 34 4 1 81
Constance 33 29 4 0 66
Françoise 35 20 7 0 62
Rose 31 28 2 0 61
Virginie 31 19 3 0 53
Anastasie 22 36 3 0 51
Mathilde 12 15 8 0 35
Hortense 14 19 1 0 34
Célina 7 18 5 0 30
Adélaïde 17 9 2 0 28
Esther 7 18 3 0 28
Augustine 3 16 7 1 27
Julie 11 14 1 0 26
Joséphine 10 9 1 1 21
Célestine 7 9 2 1 19
Adèle 8 11 0 0 19
Céleste 10 8 0 0 18
Eugénie 6 11 0 0 17
Eléonore 5 11 1 0 17
Angèle 2 8 6 0 16
Rosalie 7 8 0 0 15
Elise 6 7 1 1 15
Louise 5 8 2 0 15
Félicie 5 9 1 0 15
Euphroisine 3 12 0 0 15
  • Chez les filles, Marie domine toujours très largement puisque un tiers des filles nées durant la période portent ce prénom, surtout en première mention mais parfois en deuxième position, plus rarement en troisième rang. Il faudrait y ajouter la variante Maria, qui apparaît à cette époque mais qui est beaucoup moins fréquente
  • Rose perd sa deuxième place au profit de Victoire qui est désormais donné à plus de 10 % des filles, en premier comme en deuxième prénom
  • Constance, à la 3e place, continue à progresser avec 8,5 % des filles qui portent ce prénom en première comme en deuxième mention
  • Françoise redescend en 4e position, juste devant Rose ; chacun de ces prénoms est donné à près de 8 % des filles
  • Virginie, à la 6e place, concerne presque 7 % des filles et le prénom est désormais souvent donné en première position
  • Anastasie arrive juste derrière (6,5 %), souvent donné en deuxième prénom
  • Les autres prénoms arrivent plus loin derrière ; il s’agit, dans l’ordre, de Mathilde et Hortense (presque à égalité), Célina (qui devance largement Céline et qui est plutôt choisi en 2e prénom), Adélaïde et Esther (à égalité), immédiatement suivis par Augustine et Julie

On retrouve, peu ou prou, les prénoms les plus fréquents de la période précédente mais dans un ordre de préférence différent. Quelques prénoms plus anciens connaissent toutefois une nette désaffection, comme Catherine (qui passe au 26e rang) et surtout Anne, qui n’est plus porté que par 3 filles.

On constate aussi la poursuite de la tendance, sur le long terme, à la diminution de l’hégémonie des prénoms les plus fréquents ; entre 1791 et 1820, les trois prénoms les plus fréquemment donnés (en premier rang) totalisaient la moitié des naissances féminines, entre 1821 et 1850, la part des trois prénoms les plus fréquents n’est plus que de 36 %.

La comparaison avec l’ensemble de la population étretataise de 1841 montre sans surprise, comme pour les garçons, une répartition des prénoms intermédiaire entre celle des filles nées durant la période 1791-1820 et celle de la période 1820-1850.

Prénoms les plus fréquents dans la population féminine d’Étretat en 1841, d’après le recensement (pas de double compte, seul le premier prénom est pris en compte)

À suivre…

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