La Belle Époque : Étretat avant-guerre

À la fête fantasque conduite sous le Second Empire par les artistes et les intellectuels venus à Étretat depuis la capitale avec leur cortège de demi-mondaines et de désœuvrés fortunés, succéda une période où la vie mondaine, assagie et encadrée par le flux grossissant des banquiers, commerçants et industriels parisiens ou normands, évolua vers une routine bourgeoise qui allait s’installer pour de nombreuses décennies, au grand dam -déjà- de quelques nostalgiques. Ce fut une époque de croissance économique et de modernisation, pendant que les villageois abandonnaient, sans mesurer l’ampleur du changement, un mode de vie ancestral et une structure sociale qui ne reviendraient plus.
Au plan national, les journalistes ont appelé cette période, qui court de la fin du XIXe siècle à 1914 : la Belle Époque. Pour se représenter ce que fut la vie quotidienne à Étretat durant ces quelques décennies, nous allons faire appel à un titre de la presse régionale, le Journal de Rouen, ancêtre de Paris Normandie, qui présente le double intérêt d’être paru sans interruption de 1762 à 1944, de façon hebdomadaire puis rapidement quotidienne, et d’être disponible en ligne sur le site Internet des Archives Départementales de Seine-Maritime (https://www.archivesdepartementales76.net/).

Il y a des gens qui, revenant dans un pays qu’ils n’ont pas vu depuis vingt ans, se croient obligés de prendre un air désolé pour s’écrier :
– Ah ! comme c’est changé !
Hé bien, et vous ? Et pourquoi un pays ne changerait-il pas en vingt ans ? Certainement j’ai trouvé Etretat changé ; il y a un peu de pittoresque en moins et beaucoup de maisons en plus (…)
Il y a toute une pléiade de gens du monde et d’artistes qui ont connu jadis Etretat petit trou pas cher, qui y ont vécu dans un cercle familial, aujourd’hui bien éclairci et depuis, la foule, par l’odeur alléchée, a pris possession du pays. C’est bien ennuyeux pour les dix survivants du cercle familial, mais c’est bien agréable pour des centaines d’autres et il y a compensation.

Miguel Zamacoïs, Vingt ans après, article paru dans Le Gaulois du 23 août 1898 et reproduit dans le Journal de Rouen le lendemain
Le fort de Fréfossé, emblématique de la Belle Époque puisque construit -illégalement- sur la falaise d’Aval par un négociant havrais en 1890 et détruit en 1911. Le journaliste Miguel Zamacoïs s’emporta contre cette « fantaisie » qu’il qualifiait de « coûteuse verrue (…) : du gothique de chez Dufayel, du Viollet-le-Duc en carton-pâte »

Le dépouillement du Journal de Rouen a été complété, pour l’année 1914, par la consultation du quotidien Le Petit Havre, dont les exemplaires ont été numérisés par les Archives municipales du Havre pour les années 1914-1919 dans le cadre de la Mission du Centenaire (https://archives.lehavre.fr/archives_municipales/LPH_1914-1919/).

On fait généralement démarrer la Belle Époque avec l’exposition universelle de 1889, voire avec le retour de la paix et de la stabilité politique en 1871. En ce qui concerne Étretat, on aurait pu choisir 1893, la date de la mort de Guy de Maupassant, qui symbolise la fin d’un certain entre-soi intellectuel et artistique, tout comme la mort d’Alphonse Karr -le « découvreur d’Étretat »- survenue trois ans plus tôt. Nous avons plutôt retenu l’année 1895, marquée par l’arrivée à Étretat du chemin de fer, évènement qui fit gravir un échelon décisif dans la popularisation de la station balnéaire.

Un réseau de communication qui se modernise

L’engouement croissant des visiteurs a imposé l’amélioration des accès à Étretat ; en retour, la réduction des difficultés du voyage et du temps de transport a renforcé l’afflux saisonnier des personnes attirées par un paysage maritime dont la presse nationale se faisait le chantre, en même temps qu’elle colportait les potins mondains circulant dans le village durant la belle saison. Étretat était the place to be .

Le train arrive à Étretat en 1895

Les travaux de construction de la ligne de chemin de fer Les Ifs-Étretat, permettant de relier la station balnéaire au réseau régional et national, ont été mis en adjudication et ouverts vers la fin de l’été 1893, mais les premières reconnaissance du tracé remontaient au début de l’année 1892 et la déclaration d’utilité publique datait de 1885, soit dix ans plus tôt. La ligne fut construite sous la direction de Mr Colin, ingénieur de la Compagnie de l’Ouest, une des compagnies privées françaises (on est avant 1937 et la création de la SNCF). Longue de 15 kilomètres, elle se détache de la ligne Le Havre-Dieppe avant Fécamp, à l’est d’Épreville et dessert les gares de Froberville-Yport (à 5,5 km des Ifs), Les Loges-Vaucottes-sur-mer (à 9,5 km des Ifs) et la halte de Bordeaux-Bénouville (à 12 km des Ifs) avant d’arriver à la gare d’Étretat, construite sur le modèle de celle de Dinard.

Les aménagements sont conçus en vue des exigences d’une station balnéaire. Un vestibule central où les billets pourront être distribués par plusieurs guichets les jours d’affluence ; des salles d’attente spacieuses ; des cabinets-toilette, diverses autres commodités. Le quai qui borde la voie est entièrement abrité par une élégante marquise. On n’a point négligé de donner ou plutôt de préparer de l’ombrage aux accès de la gare d’Etretat ; et c’est ainsi qu’on y arrive par une avenue plantée d’arbres dont la double ligne s’écarte en face de l’édifice pour former un vaste hémicycle où les voitures pourront stationner aisément. La position de cette gare, qui a fort bon air, n’est pas centrale ; elle se trouve derrière l’antique et pittoresque église d’Etretat, qu’on aperçoit tout proche de là. Il parait que cet aboutissant aurait été choisi en vue de ménager l’avenir. Sur ce parcours de quinze kilomètres des Ifs a Etretat il n’y a pas moins de vingt-trois passages à niveau, les uns constamment ouverts, les autres gardés en raison de leur situation, et où déjà les gardiens sont installés dans leur maisonnette à toiture rouge. Suivant l’usage maintenant adopté, les barrières sont en fer ; plus aisément manœuvrables par conséquent. N’était le ballast tout flambant neuf, -le ballast est du galet provenant de l’emplacement du nouveau bassin qui doit être creusé à Fécamp,- on croirait que la voie est déjà ancienne.

Journal de Rouen, 13 juin 1895

Initialement prévue pour le samedi 22 juin 1895, la réception des travaux de la toute nouvelle ligne de chemin de fer Les Ifs-Étretat par une commission présidée par le ministre des travaux publics, en présence du député, du préfet de la Seine-Inférieure, d’ingénieurs des Ponts et Chaussées et des dirigeants de la Compagnie de chemin de fer de l’Ouest, a été avancée au 15 juin.
Partie de Paris, la commission est arrivée à Beuzeville, d’où un train spécial l’a conduite aux Ifs et à Étretat, où elle est arrivée à 11h53. Après un déjeuner à l’hôtel Blanquet offert au ministre par la municipalité, les membres de la commission sont repartis par train spécial d’Étretat à 14 heures et sont arrivés à 16h15 à Rouen, d’où ils ont regagné Paris.
L’installation du personnel d’exploitation de la ligne (chefs de gare et employés) est faite le 17 juin 1895.

L’inauguration officielle a lieu une semaine plus tard, le 22 juin. Le train ministériel pavoisé, parti de Paris à 8h10, est arrivé à la gare de Rouen à 10h45 où il a été accueilli par le préfet de la Seine-Inférieure, le sénateur et les autorités. Après une halte à Motteville puis à Bréauté-Beuzeville il arrive à 12h35 à la gare des Ifs où se déroule une brève cérémonie ; des discours sont encore prononcés par les élus locaux en gare de Froberville (à 12h45), des Loges (à 13h00) et à la halte de Bordeaux (à 13h10) avant l’arrivée en gare d’Étretat où la fille du chef de gare, Raymonde Delafosse, offre un bouquet au ministre. Le maire d’Étretat, Mr Brindejont, accueille le ministre, qui reçoit encore un bouquet d’Eugénie Cramoisan ; d’autres enfants d’Étretat : Margueritte Viéville, Lucie Baril, et quatre garçons des écoles communales : André Vallin, Maurice Tonnetot, Alred Legras et Robert Bouvier, offrent des bouquets aux élus, au préfet et aux représentants de la Compagnie de chemin de fer.
Le cortège se rend ensuite place de la Mairie, décorée pour l’occasion, en voiture à cheval ; les présentations au ministre se succèdent de 14h20 à 15h00 : maires du canton, sapeurs-pompiers d’Étretat et des environs, clergé dont l’abbé Planquois, curé d’Étretat, délégués cantonaux, instituteurs et institutrices, agents-voyers, association des Jardiniers, anciens combattants de 1870-1871, percepteurs, diverses sociétés dont les Prévoyants de l’Avenir et la fanfare représentée par son président Mr Dupoux-Hilaire, ancien directeur du Théâtre-Lafayette de Rouen. Des distinctions sont remises par le ministre à Alphonse Paillette et à Eugène Duclos, ouvriers maçons chez Joseph Victor Picard depuis 30 ans (médaille d’honneur du travail), à Alfred Bouvier, jardinier (croix du Mérite agricole), à Mr Enault, administrateur de la Société des Marins d’Étretat (médaille de bronze du ministère de l’intérieur), à Mr Palfray, administrateur de la Société des Ouvriers d’Étretat, à Arthur Vatinel et à Mr Picard (médailles du département) et à Henri Lambert, domestique dans la même maison depuis 30 ans.
Le cortège repart en voiture vers le Casino à travers les rues décorées et parsemées d’arcs de triomphe dédiés au ministre, au préfet, aux élus et aux fanfares. Un concert est donné au Casino par la fanfare des Enfants d’Étretat, pendant qu’un autre concert est donné place de la Mairie. A 18 h 30 le cortège ministériel se reforme place de la Mairie et se rend en voiture à cheval, sous escorte de gendarmes, à la salle du Cercle des Enfants d’Étretat où se déroule jusqu’à 22 heures un banquet de 170 convives, réunissant le ministre, le maire d’Étretat, le vice-président de la compagnie de chemin de fer, des députés et des sénateurs, le préfet et les fonctionnaires. De nombreux toasts sont portés par les personnalités présentes. Une fête nocturne se déroule ensuite au casino.
Les festivités du dimanche 23, organisées par le maire Prosper Brindejont et par son adjoint François Jeanne, ont attiré une foule considérable. Des concerts ont été donnés par les sociétés musicales de Fécamp, de Montivilliers, de Gonneville et d’Yport et par la fanfare les Enfants d’Étretat présidée par Mr Dupoux-Hilaire. Des courses nautiques ont eu lieu et une fête nocturne a été organisée. Le ministre, hébergé par la municipalité à la villa Orphée, est reparti d’Étretat pour Paris à 17 heures.
Ces fêtes ont entraîné de grosses dépenses et un déficit de 3.550 francs pour la municipalité, qui recourt à des souscriptions pour le couvrir. Sur proposition du préfet, une subvention de 1.500 francs est votée par le conseil général le 22 août. (Source : Journal de Rouen des 9/6/1895, 13/6/1895, 14/6/1895, 16/6/1895, 18/6/1895, 20/6/1895, 22/6/1895, 23/6/1895, 25/6/1895, 9/8/1895 et 23/8/1895).

C’est beau mais c’est loin

Dès lors et durant toute la Belle Époque, Étretat était relié à la gare des Ifs en trois quarts d’heure environ, avec trois arrêts (à peine plus vite qu’en vélo !). On pouvait prolonger aux Ifs pour atteindre Rouen, au terme d’un voyage dont la durée, au total, pouvait prendre de 2h20 à 3h20. Les départs d’Étretat, hors saison, s’effectuaient à 7h28, 11h59 et 18h20. Dans l’autre sens, il y avait 3 départs de Rouen (rive droite) : à 4h55, 10h50 et 16h52 et le trajet prenait de 2h20 à 4h20 (horaires donnés par le Journal de Rouen, 24/1/1901).

La voie de chemin de fer dans le Fond de Bénouville, entre Bordeaux-Saint-Clair et Étretat

Les horaires d’été (en vigueur à partir du 1er juillet et jusqu’au début du mois d’octobre) proposaient trois trajets supplémentaires  (Journal de Rouen du 28/6/1902 et du 2/8/1902) :

Étretat 5h52 7h28 11h59 13h52 18h15 21h32
Les Ifs 6h26 8h28 12h44 15h14 18h56 22h11
Rouen 8h50 10h37 15h22 17h31 20h38 0h25
Rouen 3h05 4h55 10h51 15h33 16h42 21h36
Les Ifs 5h05 8h34 12h45 17h04 19h02 23h18
Étretat 5h31 9h22 13h11 17h30 19h28 23h42

Des trains supplémentaires existaient en haute saison : un départ de Rouen à 7h07, arrivant à Étretat à 11h25, et deux départs d’Étretat à 9h20 et 10h32, arrivant tous deux à Rouen à 15h22 (ou 14h27 par le rapide) (Journal de Rouen du 20/8/1902).
Il fallait ajouter 2 heures de voyage (par les trains les plus rapides) pour rejoindre Paris, qu’on atteignait à 15h55 (en partant à 7h28), 18h45 (en partant à 11h59) ou 23h20 (en partant à 18h20), soit de cinq à plus de huit heures de trajet.
Pour venir à Étretat depuis Paris, on pouvait prendre le train de nuit à Saint-Lazare à 0h40 pour arriver le matin à 9h22, partir à 8h15 pour arriver à 13h09, ou encore partir à 14h37 pour arriver en bord de mer en début de soirée, à 19h28, ce qui établissait la durée totale de trajet à cinq heures. En horaire d’été, quelques trains permettaient de réduire ce temps à moins de quatre heures.
Durant l’été la compagnie de l’Ouest mettait également en place les samedis du mois d’août et le 14 août, un train partant de Paris Saint-Lazare à 16h15 et arrivant à Étretat à 20h44. Ce train (ironiquement surnommé « le train des cocus ») permettait « aux personnes dont la famille ou les amis (étaient) en villégiature au bord de mer de passer avec eux non seulement le dimanche mais même la soirée du samedi » (Journal de Rouen du 31/7/1901). De plus, pour le retour de villégiature, la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest mettait en place, le dernier week-end de septembre –la saison des vacances d’été était bien plus longue que de nos jours– un train spécial depuis les stations balnéaires de la côte. Celui d’Étretat partait à 8h48 et arrivait à Paris Saint-Lazare à 15h20 (Journal de Rouen du 25/9/1904).

Cette affiche dessinée par Argtur Gangand montre clairement la cohabitation de deux mondes qui s’ignorent : une mondaine frivole au premier-plan agace un homard de la pointe de son ombrelle, au second plan un rude pêcheur regarde au loin tandis qu’à l’arrière-plan six marins à peine visibles s’échinent au cabestan

Les horaires d’hiver changèrent peu d’une année à l’autre mais le temps de trajet s’améliora progressivement, comme le montrent les horaires valables du 15 octobre 1912 au 1er juillet 1913 (Journal de Rouen du 14/10/1912) :

Rouen 5h21 11h09 16h13
Les Ifs 8h16 12h59 19h00
Étretat 9h05 13h25 19h26
Étretat 7h15 11h30 18h13
Les Ifs 8h01 12h33 18h58
Rouen 9h12 14h26 20h33

La ligne fonctionna sans accident, hormis quelques évènements sans gravité. Le 4 juillet 1900, suite à un défaut d’aiguillage, le train n°53 venant des Ifs a déraillé à 5 heures 30 du matin en arrivant en gare d’Étretat. Il n’y eut heureusement aucun blessé et la circulation put être rétablie deux heures plus tard (Journal de Rouen du 5/7/1900). Le même problème resurgit le 4 septembre 1910, lorsque le train partant à 18h01 de la gare d’Étretat faillit dérailler lors de son départ à cause d’un défaut d’aiguillage (Journal de Rouen du 6/9/1910). Le 8 avril 1899, un accident avait été évité par Albert Lecourt, qui manœuvrait un train de marchandises en gare d’Étretat lorsqu’il s’aperçut que les plaques tournantes de deux voies avaient été sabotées ; un chariot transbordeur avait également été déplacé et présentait un risque de déraillement. L’enquête n’avait pas permis de retrouver les coupables (Journal de Rouen du 11/4/1899).

La gare d’Étretat se classait 5e des gares littorales de Seine-Inférieure pour le trafic de voyageurs en période estivale (1er juillet-15 octobre), derrière Le Havre, Dieppe, Fécamp et Saint-Valéry-en-Caux, mais devant Cany, Eu et Le Tréport (Journal de Rouen du 8/11/1902) :

  arrivées départs
1901 16.239 17.665
1902 15.810 16.676

En 1901, la compagnie de chemin de fer employait cinq personnes résidant à Étretat, dont le chef de gare, Alphonse Agasse ; en 1906, ils étaient sept au recensement, dont le chef de gare Louis Guérout.

Les voyageurs pour Le Havre et Fécamp, en voiture !

Le choix avait été fait, pour la desserte d’Étretat, d’un embranchement de la ligne Le Havre-Dieppe, plutôt que d’un détour du tracé. L’accès par le train au Havre, d’une part, et à Fécamp d’autre part, nécessitait donc un changement aux Ifs dans les deux cas, ce qui prenait de deux à trois heures, pour un trajet de respectivement 28 et 17 kilomètres !
Il était plus rapide de prendre la voiture (hippomobile) faisant le service public entre Étretat et Fécamp et conduite, en 1902, par Mr Gustave Raby. C’est l’année suivante que les chevaux commencent à être remplacés par les moteurs thermiques : le 1er juillet 1903 la compagnie des Messageries automobiles inaugure un service de voyageurs entre Le Havre et Étretat avec des véhicules de 14 et 20 places ; le prix de l’aller était fixé à 3 francs et celui de l’aller-retour à 5,50 francs (Journal de Rouen du 2/7/1903).
Cette ligne de bus eut cependant une histoire chaotique. Dès 1898 Joseph Victor Picard, entrepreneur à Étretat, avait demandé au conseil général de Seine-Inférieure l’autorisation de créer un service régulier d’automobiles entre Étretat et Le Havre et sollicita une subvention pour cela. L’administration avait ajourné en demandant des documents à l’appui (Journal de Rouen du 15/8/1898). Dix ans plus tard, en 1908 la société de transports automobiles demande au conseil général de Seine-Inférieure une subvention sous peine de ne pouvoir continuer à assurer de service. La demande est soutenue par le Dr Fidelin, conseiller général de Criquetot mais elle est rejetée (Journal de Rouen du 3/10/1908). En 1914, un journaliste du Petit Havre constate que « Les diverses sociétés de transport automobile qui se sont succédé pour assurer les communications entre Le Havre et Etretat n’ont pu fournir un service constant et régulier ; elles ont abandonné les unes après les autres pour des raisons diverses« . Le matériel de la dernière société (un autobus Berliet de 12 places, un autobus de Dion-Bouton de 16 places, une automobile Clément-Bayard, double phaëton, un autobus Berliet de 12 places, moteur démonté, un chassis de camion sans moteur et divers moteurs et pièces mécaniques) est mis en vente publique à Étretat le 26 janvier 1914 (Petit Havre du 18/1/1914 et du 12/2/1914). De nouveaux projets se succèdent toutefois mais achoppent à chaque fois sur la question des subventions demandées aux collectivités et jugées essentielles à la viabilité financière de l’entreprise. La société de messageries le Transport National rapide annonce pour le printemps ou l’été 1914 l’ouverture d’une ligne de bus entre Le Havre et Étretat, et possiblement jusqu’à Fécamp, mais les conseils municipaux des localités desservies rejettent la demande de subvention (Petit Havre du 14/2/1914 et du 21/2/1914). Le conseil municipal d’Étretat à son tour rejette une demande de subvention formulée par la Compagnie française de Transports et Camionnages pour le service de transports automobiles Étretat-Le Havre (Petit Havre du 4/3/1914). Un service automobile temporaire est toutefois assuré entre Le Havre et Étretat pour les fêtes de Pâques, de l’Ascension, de la Pentecôte et du 14 juillet, avec un à deux départs du Havre et un à deux départs d’Étretat (de l’hôtel Omont) ; le prix de l’aller-retour est de 6 francs (Petit Havre du 9/4/1914, 11/4/1914 et 10/7/1914). Le prestataire est probablement la société des automobiles et cycles Peugeot, qui à son tour, avait proposé au conseil général de mettre en place à partir du 15 août 1914, selon une concession de 10 ans, un service permanent d’automobiles depuis la gare du Havre jusqu’à Étretat par les chemins de grande communication n°79 et 147, sous condition d’une subvention départementale annuelle de 200 francs par kilomètre, soit 5.800 francs et d’une subvention annuelle de l’État de 400 francs par km (outre les subventions attendues des communes). L’exploitation aurait pris fin à la mise en activité d’une ligne ferroviaire entre Le Havre et Étretat. Le conseil général se montra favorable à une subvention annuelle de 5.000 francs maximum mais la conditionna à l’octroi d’une subvention égale par les communes intéressées. La ville du Havre accepta le versement d’une subvention de 2.500 francs mais d’autres communes, comme Bléville et Sainte-Adresse, refusèrent (Journal de Rouen du 21/5/1914, Petit Havre du 29/3/1914, 23/7/1914, 25/8/1914, 28/9/1914).

L’autobus Le Havre-Étretat à l’angle de la route du Havre et du chemin des Haules

La liaison ferroviaire entre Le Havre et Étretat a pourtant été envisagée à plusieurs reprises et il a même été suggéré en 1891 que la ligne Le Havre-Dieppe englobe le tronçon Étretat – Les Ifs au lieu d’en faire un embranchement en cul-de-sac mais cela impliquait d’abandonner la desserte de Goderville ; le conseil municipal d’Étretat y était évidemment favorable mais les municipalités du Havre, de Criquetot, de Goderville et de Fécamp ainsi que le conseil général s’y sont opposés ; avec le recul, on réalise l’erreur de ce choix. En 1904, les conseils municipaux des communes concernées sont amenées à se prononcer sur le tracé d’un chemin de fer d’intérêt local (ou tramway) en projet entre Saint-Romain et Étretat, en passant par Étainhus, Angerville-l’Orcher, Vergetot, Criquetot-l’Esneval et Gonneville (Journal de Rouen du 16/6/1904 et 26/6/1904).

En tiretés, le projet de voie ferré Saint-Romain-de-Colbosc-Étretat, croisant la ligne Le Havre-Fécamp à Criquetot-l’Esneval
La ligne Le Havre-Montivilliers, établie en 1878, fut étendue en 1896 jusqu’à Fécamp, en passant par Criquetot (cette photo), Goderville et les Ifs

À la session du 3 octobre 1912 du Conseil général de Seine-Inférieure, une commission propose d’adopter un programme comprenant la construction d’une ligne de chemin de fer à voie étroite entre Le Havre et Étretat ; le conseil adopte une motion recommandant l’étude d’un projet de réseau à voie normale à la place du projet de voie étroite (Journal de Rouen du 4/12/1912). L’année suivante, une résolution en faveur de la construction d’une ligne de tramway entre Le Havre et Étretat est repoussée lors de la séance du 4 octobre 1913 (Journal de Rouen du 5/10/1913). Le projet, en avance de plus d’un siècle sur les résolutions de « développement durable », « mobilité douce » et autre « éco-responsabilité », ne vit jamais le jour…

Il y avait parfois de l’animation dans les autocars de la ligne Étretat-Le Havre : en 1903 une bagarre éclate à l’intérieur même du véhicule entre un cafetier d’Étretat et un cultivateur de La Poterie … (Journal de Rouen du 18/11/1903 et du 21/11/1903).

L’autobus Étretat-Le Havre devant le Café Parisien, à côté de la Poste (avenue Georges V)

L’arrivée de l’automobile

Étretat est associé à l’automobile par le nom d’Émile Levassor, l’associé de René Panhard dans la construction des célèbres automobiles, qui se maria à Étretat ; le couple, qui possédait une villa étretataise, parcourut en voiture automobile, en juillet 1891, la distance Paris-Étretat (225 km) en 23 heures 15 minutes, avec neuf arrêts de ravitaillement ; ce trajet fut effectué dans le prototype n°2 de la première Panhard-Levassor, équipée d’un moteur V2 Daimler.
Cet exploit précurseur ne doit pas faire oublier qu’avant 1914, la voiture automobile est une nouveauté qui n’est pas encore entrée dans les habitudes ; les accidents avec des voitures à cheval, des piétons (Journal de Rouen du 16/8/1899, 9/7/1905, 4/7/1906, 7/8/1910, 5/9/1912, 16/9/1912, Petit Havre du 28/2/1914) et même d’autres automobiles (Journal de Rouen du 24/8/1913) ne sont pas rares. Les autos sont encore souvent conduites par des mécaniciens employés par les propriétaires des véhicules, qui sont des particuliers fortunés ou des hôteliers.
Ce qui ne signifie pas pour autant que les voitures à cheval étaient sans danger ; au matin du 20 juin 1895 Léon Lesueur, de Thérouldeville, conducteur de la voiture de Fécamp à Étretat, tombe sous les roues de son véhicule en descendant la côte à Étretat et succombe à ses blessures sept heures plus tard (Journal de Rouen du 21/6/1895). Le 17 novembre 1900, Édouard Aubry, mareyeur demeurant aux Loges, tombe à son tour de la voiture qu’il conduisait et qui lui roule dessus ; retrouvé évanoui, il put être soigné (Journal de Rouen du 21/11/1900). En 1903, c’est le photographe parisien Antonin Neurdein qui est renversé par une voiture à cheval alors qu’il circulait en bicyclette route de Criquetot (Journal de Rouen du 23/8/1903).

Voitures automobiles et hippomobiles se partagent la chaussée ; à l’arrière-plan, l’autobus du Havre derrière la victoria hippomobile

Le cheval reste encore indispensable pour le transport des marchandises et le déplacement des personnes : les hôtels, les entrepôts et les villas ont leurs remises et leurs écuries. En 1895, alors que le chemin de fer venait d’être inauguré, Mr Vilmending, un américain fortuné, est venu passer trois semaines à Étretat où il s’est rendu en mail-coach à 4 chevaux depuis Paris. Le trajet Étretat-Rouen a nécessité 4 relais et le trajet Rouen-Paris, 13 relais, soit deux fois plus qu’en automobile (Journal de Rouen du 1/9/1895). En 1906, l’hôtel Hauville recrute encore -outre une femme de chambre et une bonne à tout faire- un cocher pour conduire un omnibus à deux chevaux et un garçon d’écurie (Journal de Rouen du 15/6/1906 et du 16/6/1906). En 1913, les remises Alfred Deschamps, loueur de voitures et correspondant du chemin de fer, mettent en vente, suite à la fin de la saison balnéaire, chevaux, juments et poneys aptes au camionnage, service de livraisons et traction de voiture légère (Journal de Rouen du 13/9/1913). Un an plus tard, c’est le camionneur Alphonse Omont fils, dont la remise est située rue Anicet Bourgeois, qui vend ses chevaux de travail (Petit Havre du 6/9/1914).

Étretat sur mer

Durant la Belle Époque, les deux visages d’Étretat sont encore bien marqués dans le paysage : côté Aval se trouvent le port d’échouage, les barques, les cabestans et les caloges des pêcheurs étretatais, les laveuses -ces femmes d’Étretat qui font la lessive dans l’eau douce sourdant des galets- et les gamins d’Étretat qui se baignent en dehors de l’espace réservé aux estivants ; côté Amont, le regard se tourne vers le Casino, la terrasse des flâneurs élégants, les cabines de plage et les bains privés. Ces deux mondes ne se comprennent pas et ne s’apprécient guère mais ils sont liés par des transactions croissantes, en proportion de l’afflux grandissant des visiteurs. C’est précisément à cette époque qu’est créé le Syndicat d’Initiative d’Étretat, en septembre 1908, dont le rôle est de s’occuper de la publicité et des fêtes.

Au péril de la mer

Bien avant que l’on parle de réchauffement climatique et de submersion des côtes, les travaux de défense contre la mer étaient une préoccupation majeure des autorités étretataises.
En 1896, le conseil municipal décide de reconstruire et d’agrandir vers l’aval la digue-promenade protégeant Étretat. Lors de sa séance du 23 avril 1895, le conseil général de Seine-Inférieure vote une subvention de 6.000 francs pour reconstruire l’estacade de défense de la terrasse de la plage d’Étretat (Journal de Rouen du 24/4/1895). Les travaux d’agrandissement, sur un terrain dépendant de l’ancienne batterie militaire, sont réalisés par la Ville sans attendre l’autorisation de l’État, propriétaire, ce qui va occasionner le dépôt, par la propriétaire de l’hôtel des Roches, d’un recours auprès du Conseil d’État contre le déclassement et l’aliénation par voie d’adjudication -sur une mise à prix de 12.500 francs- du terrain concerné. Ayant participé au financement des travaux, cette dame craignait de voir des constructions s’élever sur ce terrain et en réclamait l’inaliénabilité. Son recours est rejeté en 1904 (Journal de Rouen du 30/4/1904).
En 1904, c’est une subvention de 15.000 francs, s’ajoutant à celle de l’État, qui est votée par le conseil général de Seine-Inférieure pour la construction de défense dont la construction a été décidée la même année par le conseil municipal d’Étretat, sur la plage ouest, entre la terrasse du Casino et le corps de garde des douanes. La dépense totale a été évaluée par les ingénieurs des ports maritimes à 60.000 francs (Journal de Rouen du 17/8/1905 et du 1/9/1905).
Le 16 septembre 1911, à la mairie, a lieu l’adjudication des travaux d’un perré de défense sur la plage côté ouest, le montant global du coût étant fixé à 60.000 francs (Journal de Rouen du 18/11/1911).
Deux ans plus tard, le conseil municipal vote une dépense de 50.000 francs pour la construction d’une digue, sous réserve de l’abandon de ces terrains à la ville par les domaines. En même temps, le conseil maintient l’interdiction de ramassage du galet sur la plage, votée à la dernière séance (Journal de Rouen du 11/6/1913). Cette interdiction semble insuffisante puisque, quelques mois plus tard, il est signalé à la commission des sites et monuments de la Seine-Inférieure que des enlèvements de galets sur la plage d’Étretat pouvaient provoquer des affouillements au pied de la Porte d’Aval et de la Porte d’Amont (Journal de Rouen du 6/10/1913). Une enquête d’utilité publique (on disait alors « de commode et d’incommode ») est ouverte à la mairie en mars 1914 sur le projet de concession à la commune d’un terrain domanial à l’aval de la plage et sur lequel une digue doit être édifiée ; le commissaire enquêteur désigné par le sous-préfet du Havre est Henry de la Blanchetais, hôtelier et propriétaire foncier (Petit Havre du 13/3/1914).

Travaux d’agrandissement de la digue, cliche Flamant, AD de Seine-Maritime FRAD076_038Fi_0598

Par un caprice du destin, le jour même de la clôture de l’enquête publique, le 16 mars 1914, une violente tempête occasionne une inondation brutale ; la rue Alphonse Karr, éventrée par de vastes tranchées d’installation des canalisations d’égouts, est submergée ; la mer déborde rapidement des tranchées et inonde les caves. « On a vu des chiens traverser la rue Alphonse Karr à la nage. Les cours des hôtels Blanquet et Hauville étaient transformées en lacs. À certains moments, l’eau atteignait la hauteur des fenêtres du rez-de-chaussée de ces hôtels, dont les appartements ont été inondés. Il y avait partout des cheminées abattues et des ardoises jonchant le sol. Rue de la Tour, place Victor Hugo, les vagues, passant par-dessus les escaliers du Casino, envahissaient la chaussée et se répandaient sur les trottoirs. Rues Adolphe Boissaye, Mathurin Lenormand et Traz-Périer, la mer rendait la circulation impossible. » Près de la plage, un trottoir a été déraciné par les flots. Dans le chemin des Haules, un arbre géant s’est abattu sur la maison de Mr Pisant, jardinier, broyant la cheminée et labourant la toiture de chaume (Petit Havre du 19/3/1914).

Pêche et pêcheurs

D’après la liste électorale de 1903, 32 % des hommes d’Étretat étaient des marins ; ils étaient encore 31 % en 1913. C’est dire que la pêche était encore une activité qui était rien moins que folklorique. À titre d’illustration, le prix de La Reinty, institué par le baron Baillardel de La Reinty pour récompenser un marin du Pays de Caux reconnu comme le plus méritant, a été attribué à Léon Duclos, patron de pêche à Étretat, né le 3 mai 1852, père de 6 enfants, comptant 40 ans de service en mer, pour avoir « résolu le problème de la pêche pendant les marées de vive-eau et pour avoir agi pour la modification de la structure des bateaux permettant qu’un équipage de 5 hommes suffise pour leur mise à l’eau » (Journal de Rouen du 18/12/1912).
La principale source de revenus était alors la pêche au hareng, que les bateaux étretatais pratiquaient sur la côte dès l’automne et en baie de Seine durant l’hiver. Début novembre 1896, les pêcheurs en rapportaient à chaque pêche de 25 à 125 mesures, la mesure comptant en moyenne 150 à 160 harengs ; la mesure se vendait jusqu’à 3 francs. Début 1902, Étretat se plaçait comme le 2e port de pêche du quartier maritime de Fécamp, avec un volume de pêche en janvier de 33.524 (l’unité n’est pas mentionnée) ; pour comparaison, Yport faisait 14.610, Saint-Valéry-en-Caux 10.050 et Fécamp 172.190 (Journal de Rouen du 4/11/1896, 10/1/1902, 24/2/1902). En revanche, la pêche fut très mauvaise durant le reste de l’année et la perte de la saison 1902 se monta à au moins 90.000 francs par rapport aux années antérieures ; une souscription, patronnée par la municipalité, avait été ouverte pour les pêcheurs et une subvention de 100 francs en faveur des marins d’Étretat fut votée par le conseil municipal de Fécamp le 7 mai 1903 (Journal de Rouen du 16/4/1903 et du 11/5/1903). Les prises étaient en effet fluctuantes. En décembre 1907 le caïque d’Étretat n°1778 rentra de la pêche au hareng avec 160 mesures (Journal de Rouen du 1/12/1907). Des chiffres de retour de pêche au hareng sont aussi donnés pour l’année 1909 ; le 5 janvier 1909 : Notre-Dame-des-Flots, d’Étretat ramène 100 mesures et Saint-Joseph, d’Étretat : 150 mesures ; le 6 janvier Saint-Sauveur, d’Étretat, ramène 100 mesures et Marie-Marthe, d’Étretat : 110 mesures ; le 18 janvier Notre-Dame de Lourdes, d’Étretat ramène 120 mesures, Étoile-de-la-Mer, d’Étretat : 100 mesures et Marie-Marthe, d’Étretat : 120 mesures ; le 25 janvier Saint-Sauveur d’Étretat, immatriculée n° 1780, ramène 40 mesures (Journal de Rouen du 6/1/1909, 7/1/1909, 19/1/1909 et 26/1/0909). Le 13 février 1910, Saint Joseph d’Étretat, de retour de pêche au hareng, ramène 130 mesures (Journal de Rouen du 14/2/1910). D’après le dictionnaire Gruss de marine, 100 mesures comptent 10.000 à 12.000 poissons ; 1 mesure équivaut à 20 litres. Autre exemple de pêche miraculeuse le 28 février 1914, celle du bateau Notre-Dame-des-Flots, dont le patron Joseph Duclos a pris dans ses filets 159 bars qui ont été vendus 1000 francs. De mémoire de vieux marin, aucune pêche semblable n’avait été rapportée à Étretat. Les autres bateaux n’avaient rapporté que 3 à 18 bars (Petit Havre du 7/3/1914).
Les chiffres donnés pour la campagne 1908-1909 de la pêche au hareng et au maquereau permettent de situer l’activité de pêche étretataise par rapport aux autres ports de la Manche orientale : 50 voyages pour le port d’Étretat sur un total de 1215 (Fécamp : 885, Yport : 158, Boulogne : 74, Le Havre : 35) (Journal de Rouen du 10/5/1909)

Pêcheur d’Étretat, cliché antérieur à 1911, auteur anonyme, coll. particulière

D’Étretat, on envoie au Petit Journal une notice intéressante sur un vieil usage que les pêcheurs d’Étretat se plaisent à continuer : le déradage. Voici ce que c’est : à la fin de la pêche du hareng on désarme le bateau et chaque matelot reprend ses filets. Puis on paie toutes les dépenses et les décomptes sont remis à chaque personne employée, au prorata des engagements. Après ces règlements de comptes, le patron du bateau réunit son équipage ainsi que les femmes et les enfants, sans oublier les vireurs et les vireuses (personnel virant au cabestan à l’arrivée du bateau). La réunion a pour but de fêter en famille et entre amis le succès des opérations commerciales, et suivant les profits on fête plus ou moins ce jour. Le menu du dîner se compose presque traditionnellement du pot-au-feu payé en commun lorsque les hommes n’ont touché pour leur part que 200 fr. ; mais à 300, il y a une épaule de mouton. À 400 fr., on y ajoute le gigot. Ces suppléments de menu sont payés par le patron y compris la boisson ; souvent même il y a un tonneau d’un bon cidre fait spécialement pour cette fête et qui devient le vrai stimulant de la gaieté parmi les convives. La soirée s’en suit, et les chansons (retour du banc de Terre-Neuve) dont les refrains ne seraient pas désapprouvés par le poète favori des marins, Yann Nibor, se succèdent sans interruption jusqu’à une heure avancée de la nuit

Journal de Rouen du 12 mars 1895
Carte postale créée et éditée par Mlle Roze Art, Sète https://melleroze.com/

À la demande des pêcheurs déplorant la concurrence exercée sur leur activité par les dauphins, ces aimables mammifères marins avaient été considérés comme nuisibles et une prime de destruction avait été accordée par l’État pour chaque animal éliminé, dont la tête devait être déposée au bureau de l’inscription maritime à Fécamp pour prétendre à l’obtention de la prime. Les pêcheurs devinrent alors également des chasseurs de prime et les captures au filet se multiplièrent malheureusement dans les parages d’Étretat entre 1905 et 1911 :

DatePatron Caïque Longueur du marsouin capturé Référence du Journal de Rouen
19 mai 1905Duclos Notre-Dame-de-la-Garde ? 21/5/1905
juin 1906 Léon Martin Vatinel Charles-Lourdel 3 mètres 15/6/1906
septembre 1906 Léon Duclos Dieu-le-Protège 1,80 m 10/9/1906
26 juillet 1908 Victor Coquerel Noël 1,10 m 28/7/1908
octobre 1908 Léon Duclos Dieu-le-Protège 1,50 m 24/10/1908
septembre 1909 Cyrille Ernest Acher Notre-Dame-de-Grâce 1,25 m 21/9/1909
7 mars 1910 ? Saint-Sauveur 1,20 m 10/3/1910
9 mars 1910 ? Saint-Sauveur 1,23 11/3/1910 et 13/3/1910
1er juin 1910 Pierre Dupont Saint-Joseph 1,05 m 3/6/1910
septembre 1910 A. Vallin Jean-Pierre 0,95 15/9/1910
22 novembre 1910 Lebaillif Trois-Frères 1,15 m 26/11/1910
16 mars 1911 Léon Duclos Dieu-le-Protège 1,50 m 21/3/1911

La protection de la faune sauvage n’était évidemment pas la préoccupation première de l’époque ; le 15 juillet 1897, Louis Delamare, propriétaire de l’hôtel des Deux-Augustins et tireur renommé, abattit d’un coup de fusil un aigle de 2,50 m d’envergure, qu’il envoya au Museum de Rouen pour le faire naturaliser (Journal de Rouen du 19/7/1897).

La mer donne, la mer reprend

Coups de chien et naufrages rythment douloureusement la vie des marins (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2021/02/27/fortunes-de-mer/). Le samedi 27 juillet 1895, quatre marins d’Étretat partirent vers 4h30 pour pêcher en mer. Arrivés en face de Saint-Jouin, ils attendaient pour lever leur filet à 350 mètres du bord lorsque, vers 6 heures, une violente rafale renversa le bateau qui était sous voile. La première victime, Philippe Maillard, coula à pic avec l’embarcation tandis que les trois autres se maintenaient en surface en appelant à l’aide. Un douanier témoin du naufrage alerta une barque se trouvant à plusieurs centaines de mètres du naufrage et dans laquelle se trouvaient le patron, Alphonse Cauvin, et ses matelots Émile Hermel, François Bisson et Henri Vatinel. Ces marins se portèrent au secours des naufragés et purent sauver Morisse père et fils mais pas le quatrième, François Lecanu, qui s’accrochait à un aviron : une lame l’a recouvert et il fut entraîné vers le fond par ses grandes bottes de mer sous les yeux de ses camarades. Le bateau était estimé à 800 francs. Une souscription a été ouverte par la municipalité en faveur des familles ; le sénateur Paul Casimir-Périer, président d’honneur de la société de Secours mutuel des marins d’Étretat, a souscrit pour 1.000 francs. D’autres souscriptions ont été ouvertes dans les hôtels : Deck-Blanquet, Maubert-Hauville, Omont, Beaudelet, et au Casino. Trois autres embarcations étretataises auraient déjà fait naufrage à cet endroit dans les mêmes conditions  (Journal de Rouen du 29/7/1895 et du 30/7/1895). Un concert a également été organisé au profit des familles des victimes (Journal de Rouen du 31/8/1895).
Moins de deux ans plus tard, le terreneuvier Trois Frères de Fécamp disparaissait avec son équipage de 16 marins. Il aurait sombré dans les parages de l’île de Sein. Parmi les victimes figurait un autre Maillard d’Étretat, Léon Maillard (Journal de Rouen du 8/1/1897).
En 1900 deux marins du terre-neuvier Patrie ont été enlevés par un coup de mer, dont un Tonnetot, célibataire, 23 ans, habitant Étretat (Journal de Rouen du 25/3/1900).
Le 18 mars 1907, seize ans après le drame du Nouveau Coriolan, le trois-mâts Notre-Dame de Lourdes, armé pour la pêche à la morue, quitta le port de Fécamp pour se rendre sur le banc de Terre-Neuve avec 38 hommes à bord, dont trois étretatais inscrits à Fécamp : Albert François Cauvin, matelot, né le 5 décembre 1871, Henri Louis Jules Acher, matelot, né le 9 mai 1881 et Marcel Georges Léon Liberge, matelot, né le 17 avril 1882. Le navire disparut durant le trajet sans laisser de trace (Journal de Rouen du 3/11/1907). Vendredi 13 décembre 1907 deux marins de Bénouville, Paul Dallet, 30 ans et son frère Georges Dallet, 28 ans, profitent d’une accalmie matinale pour embarquer à Étretat dans un doris mais l’embarcation est renversée par une forte lame à une soixantaine de mètres du rivage ; les deux marins se noient sous les yeux de leur frère resté sur le rivage. Le corps de Paul Dallet est retrouvé échoué sur le rivage le 17 décembre (Journal de Rouen du 15/12/1907 et du 19/12/1907).
L’année suivante, une forte tempête survient au printemps. Le 25 avril, le sloop Jeune-Gui, appartenant à Mr Eudes, charpentier de navires au Havre, quitte Étretat vers 6 heures avec 70 tonneaux de galets à destination du Havre sous belle brise de sud-ouest et mer assez belle. À 11 h30, le vent saute du sud-ouest à l’ouest sous orage ; le sloop réduit la voilure mais la grand’voile est déralinguée. Une forte vague arrivant par l’avant couvre le navire à 500 m des digues du port du Havre, suivie de plusieurs autres vagues énormes qui le submergent et finissent par l’entraîner au fond. Le capitaine, d’Hermanville-sur-mer, et les deux hommes d’équipage bretons s’échappent dans leur canot et réussissent à regagner la plage du Havre. Il faut attendre le 11 juin pour que le sloop soit en partie déchargé par le service des ponts et chaussées et l’épave enlevée des abords du port (Journal de Rouen du 26/4/1908 et du 12/6/1908). À la suite de la tempête, Mr Jean Le Gay, garde maritime, trouve à Étretat 59 traverses en sapin d’1,75 m de long, qui ont séjourné dans la mer (Journal de Rouen du 1er mai 1908).

Baptème du canot Stella

Le 14 juillet 1909 au matin le canot Stella, conduit par Vatinel, Martin et Palfray et portant 4 personnes, est renversé par une lame à 300 mètres du rivage en face de la valleuse de Jambourg ; il est secouru par le canot Mamie avec à bord Ernest Vatinel et Gervais Paumelle. Martin Vatinel et Jouette, propriétaire du canot Stella, furent recueillis par le canot l’Alouette alors qu’ils regagnaient le rivage à la nage. Martin Jacques Évariste Vatinel reçoit une médaille de bronze du ministère de la marine et Ernest Cyrille Vatinel, Gervais Félix Paumelle, Léon Paul Vallin et Edmond Henri Maillard reçoivent des témoignages officiels de satisfaction pour avoir participé au sauvetage des deux naufragés du Stella (Journal de Rouen du 17/7/1909 et du 12/9/1909). Peu de temps après, Martin Jacques Évariste Vatinel (matelot inscrit à Fécamp n°2949), Léon Martin Cyrille Vatinel (matelot inscrit à Fécamp n°2818) et Louis Félix Marie Duclos (matelot inscrit à Fécamp n°2779) reçoivent des témoignages officiels de satisfaction pour avoir porté secours à une personne en danger de noyade à Étretat le 18 août 1909 (Journal de Rouen du 5/11/1909).
Dans la nuit du 28 au 29 octobre 1909, vers une heure du matin, une bourrasque a jeté à la côte la goélette néerlandaise Zuyderzee venant de Boulogne, en face du Casino d’Étretat. Sur l’équipage de 4 hommes, un a disparu, le mousse Adrian Roets âgé de 16 ans (Journal de Rouen du 30/10/1909). Son corps a été retrouvé par le marin Henri Tonnetot au lieudit la Fontaine le 1er novembre, vers 7h30 du matin, ; il a été inhumé le lendemain (Journal de Rouen du 4/11/1909).
Le 21 novembre 1912, Gaston Vallin, patron de barque à Étretat, tendait ses lignes à quelques milles au large lorsqu’il aperçut un canot de 5 m de long et 1,85 m de large qui dérivait ; il le remorqua jusqu’à Étretat ; il s’agit du Flower of the Fal, inscrit à Falmouth (Journal de Rouen du 26/11/1912).
Le 25 avril 1913, c’est le Sainte-Geneviève, bateau de pêche du Havre, monté par trois marins, qui est venu s’échouer dans la rade d’Étretat suite à une voie d’eau ; il n’y eut pas de victimes (Journal de Rouen du 28/4/1913).

Échouage du Zuyderzee sur le galet en octobre 1909 ; le fort de Fréfossé se dresse encore sur la falaise d’Aval

Pour se protéger des aléas, une Société de secours mutuel des marins existait à Étretat ; à la fin du XIXe s., son secrétaire était Mr Paumelle, qui reçoit pour cela une médaille honorable en juillet 1898 (Journal de Rouen du 17/8/1898) et son président, depuis 1889, Mr Brindejont, maire d’Étretat, qui reçoit une médaille d’or en avril 1909 (Journal de Rouen du 20/4/1909). Paul-Casimir Périer, sénateur, était président honoraire.
En 1909, la chambre de commerce de Fécamp décida de demander au ministère du commerce une subvention de 300 francs pour La Bouée de sauvetage d’Étretat, société sur laquelle la presse ne nous apprend pas grand-chose ; une subvention de 500 francs fut finalement accordée (Journal de Rouen du 23/09/1909 et du 25/10/1909). En 1913, le montant de la subvention fut de 300 francs (Journal de Rouen du 10/2/1913). La Bouée de sauvetage bénéficia également d’une subvention de 600 francs accordée en 1913 par la chambre de commerce de Fécamp (Journal de Rouen du 14/4/4913). L’année suivante la subvention accordée par l’État, sur demande du député Georges Bureau, fut de 500 francs (Petit Havre du 2/1/1914).
En dehors des sociétés mutuelles, la solidarité sociale s’exprimait au niveau institutionnel à travers le bureau de bienfaisance, géré par la municipalité. Une part importante du budget municipal est affectée au bureau de bienfaisance, dont les comptes pour 1912 sont présentés à la réunion du conseil municipal du 7 juin 1913 :

  recettes dépenses excédent
exercice 1912 27.355,76 10.220,57 17.135,19
budget supplémentaire de 1913 17.135,19 2.651,05 14.484,14
budget primitif 1914 8.766,00 10.393,00 1.627,00

Lors de la même séance de juin 1913, le bureau de bienfaisance décide d’allouer une indemnité d’un franc par jour pendant 15 jours à toute mère venant d’accoucher (Journal de Rouen du 11/6/1913). Il obéit en cela à la tendance nataliste qui s’exprime en France suite à la baisse des naissances et à la menace de conflit avec l’Allemagne, qui se précise ; les naissances étretataises, qui se chiffraient à 89 en 1888 et 58 en 1902, étaient tombées à 39 en 1912.
En mai 1914 le conseil municipal approuve la proposition de Mr Brindejoint de créer une crèche pour les enfants indigents (Petit Havre du 6/6/1914), ce qui laisse supposer un certain niveau de pauvreté, perceptible aussi à travers certains faits divers (voir plus loin).

Les épaves pouvaient être une aubaine pour les « beachcombers » ou glaneurs de grève, comme ici au pied de la falaise d’Amont

Il arrivait que les tempêtes et naufrages eussent des conséquences heureuses pour les étretatais, du genre évoqué dans le livre Whisky à gogo et dans le film qui en fut tiré… Le 17 décembre 1907, le garde maritime d’Étretat découvrit au pied des falaises de Bénouville, près de l’aiguille de Beaulieu, un fût de vin algérien provenant de l’échouage du navire Ville-de-Taragone lors d’une tempête ; le fût avait été mis de côté par des ramasseurs d’épaves (Journal de Rouen du 19/12/1907). Treize ans plus tard, des centaines de barriques de vins provenant de l’échouage du navire Psyché à Yport furent déposées par le courant sur les plages, entre Vaucottes et Étretat. Des contraventions ont été dressées par les gardes maritimes envers plusieurs personnes qui avaient prélevé du vin dans les épaves autour de Bénouville… (Journal de Rouen du 9/10/1913 et du 10/9/1913).

Baleine échouée devant l’aiguille de Belval en décembre 1909

La plage des artistes et des mondains

Plage à la mode, Étretat et ses visiteurs de la bonne société sont scrutés par la presse, y compris la presse nationale. En août 1898, une chronique sur Étretat fut envoyée au Gaulois par Miguel Zamacoïs (écrivain et journaliste parisien), qui constatait la (très relative) démocratisation de la fréquentation. Les tableaux de peintres tels que Louis Le Poittevin ou Raoul Cordier, exposés au Salon des artistes français se tenant à Paris depuis 1889, tout comme les romans populaires d’Henry Gréville et d’Hermine Lecompte du Nouÿ, étaient autant de publicités pour Étretat. C’est en 1909 que Maurice Leblanc publia son roman L’Aiguille Creuse, qui allait tant contribuer à la popularité d’Étretat, jusqu’à nos jours où la série produite par Netflix vint considérablement renforcer l’afflux des visiteurs, jusqu’à la sur-fréquentation. Le Journal de Rouen le publie en feuilleton dans ses numéros de mai et juin 1910.

Le roman le plus célèbre sur Étretat, paru en 1909

Dans nombre d’autres romans ou pièces de théâtre de l’époque, Étretat apparaissait comme le prolongement estival de la capitale, le lieu où les dames de la bonne société venaient marivauder avec de jeunes galants pendant que leurs maris vaquaient à leurs affaires parisiennes (d’où le fameux train des cocus), mais la clientèle était aussi internationale, particulièrement anglaise et à un moindre degré américaine ; ceux qui ne possédaient de villas ou n’en louaient pas à l’agence Coquin étaient logés dans un des hôtels -qui ouvraient entre avril et octobre- ou chez l’habitant.

Durant la Belle Époque, Étretat reçut plusieurs visiteurs de marque. L’ambassadeur des États-Unis, Mr Eustis, était en juillet 1895 à Étretat où le préfet de la Seine-Inférieure vint lui rendre visite (Journal de Rouen du 21/7/1895).
Le président de la république Félix Faure lui-même, qui était en villégiature au Havre, fit une visite impromptue à Étretat le 27 août 1895. Parti en voiture hippomobile du Havre à 13 heures, il a été accueilli à Étretat avec son escorte à 15 heures, sous une pluie battante, par les autorités locales : Mr Brindejoint, maire d’Étretat, Ernest Delaunay, député de la circonscription, le sous-préfet, le Dr Fidelin, conseiller général, Mr Nicolle, commissaire spécial, le maire de Criquetot, et par la société musicale les Enfants d’Étretat et la compagnie des sapeurs-pompiers. Le président se rendit à pied au Casino, où il fut accueilli par le directeur, Mr Isnardy et où un lunch fut servi pendant qu’un concert était donné par les Enfants d’Étretat. À l’invitation de Mr Beaugrand, vice-président du Cercle du Lawn-Tennis, Félix Faure se rendit à La Passée où il assistat à des parties de tennis avant de repartir en voiture pour le Havre. À l’aller, un incident s’était produit au Tilleul où deux jeunes gens pédalaient en tandem à côté de la voiture présidentielle : Paul Level, fils du maire du 17e arrondissement de Paris et Mr Boissaye, fils de l’ancien maire ; l’éclatement d’un pneu du vélo causa la chute des cyclistes, blessant Paul Level. Le président fit arrêter le convoi pour porter secours au blessé (Journal de Rouen du 28/8/1895). Comme François Hollande par la suite et avant lui Sadi Carnot, Félix Faure appartenaient à ce qu’on pourrait appeler le club des présidents mouillés : lors de sa visite en Bretagne en 1896, il subit stoïquement une pluie battante dans son landau découvert.
La Vie Parisienne évoqua dans ses colonnes la venue à Étretat de son Altesse Impériale l’archiduchesse Augusta d’Autriche, petite-fille de l’empereur François Joseph, accompagnée de sa suite de 18 personnes (dames d’honneur, aide de camp, chambellans et suivantes) ; son bain de mer fut un évènement médiatique suivi par la foule des mondains (article cité dans le Journal de Rouen du 23/8/1908).
L’Entente Cordiale battant son plein, lord Mac Kenna, premier lord de l’amirauté anglaise, vint à Étretat en août 1909. Dans la foulée, la venue du roi Édouard VII en personne, pour un séjour de 48 heures, fut annoncée ; il serait descendu dans la villa appartenant à lord Mac Kenna (Journal de Rouen du 15/8/1909 et du 19/8/909).
Lieu de plaisir, la plage pouvait cependant s’avérer mortelle pour certains : plusieurs noyades furent à déplorer durant les mois d’étés, en août 1899, août 1910, juillet 1913.

Le Casino, installé face à la mer depuis 1852 et agrandi en 1869, était l’épicentre de la vie mondaine entre le 15 juin et le 30 septembre de chaque année. C’est là où se déroulaient les évènements importants de la vie publique : vin d’honneur, concert et fête nocturne lors de l’inauguration de la voie de chemin de fer en 1895, lunch lors de la venue du président de la République la même année. Des artistes de renommée nationale venaient s’y produire, comme Blanche Touttain en 1903 ou Firmin Grémier en 1913. On pouvait y jouer, prendre un verre en terrasse ou profiter des bains privés, avec l’aide de baigneurs étretatais employés par l’établissement, comme Ernest Marais ou Léon Bisson. Le casino a été dirigé entre 1883 et la Première Guerre Mondiale par Marguerite Landon, veuve de l’ancien directeur et propriétaire, Paul Dervès-Lécolle. La mairie avait toutefois un droit de regard sur la gestion du Casino ; la loi du 15 juin 1907 confiait aux conseils municipaux des communes d’accueil le soin d’établir le cahier des charges des autorisations de jeux. C’est en vertu de ce pouvoir que la mairie d’Étretat reconduisit l’autorisation du jeu de baccara au Casino en 1913 (Journal de Rouen du 3 décembre 1912).

Les sports

Comme dans toute station balnéaire élégante, Étretat disposait des installations permettant de s’adonner, à l’imitation des Britanniques, aux sports pratiqués par les classes aisées : le tennis et le golf principalement. En 1895, le comité du Lawn-Club Tennis d’Étretat (L.T.C.) décida de fonder un championnat annuel international doté d’un prix d’une valeur de 500 francs. Le premier se disputa le 21 août sur les courts de La Passée, dans le Grand Val (Journal de Rouen du 13/8/1895). Se déroulant sur plusieurs jours autour de la mi-août, il comprenait plusieurs épreuves : simple messieurs, simple dames, double messieurs, double mixte, handicap simple messieurs, handicap double messieurs, handicap double mixte et handicap simple dames. Un champion d’Angleterre, un champion de France, un champion de Paris, Daisy Speranza -championne de France- et Mlle Brindejoint Offenbach -fille de l’ancien maire d’Étretat et petite-fille du célèbre compositeur- figurèrent parmi les inscrits du championnat d’août 1909, dont la finale opposa les champions de France et d’Angleterre ; la victoire échut à Max Decugis, champion de France et grand tennisman d’avant-guerre. En 1911, le programme du Lawn-Tennis Club proposait un tournoi doté de 1000 francs de prix les 13 et 14 juillet, tandis que le tournoi international, doté de 3500 francs de prix, se déroulait durant une bonne partie du mois d’août, comprenait de nombreuses épreuves et incluait un tournoi pour les moins de 15 ans. Suzanne Lenglen, championne du monde sur terre battue, s’engagea dans le tournoi du LTC qui se déroula le 19 juillet 1914 ; R. Lindenbaum (Raymond Lindon, futur maire d’Étretat) figurait parmi les participants (Journal de Rouen du 25/8/1904, 29/7/1905, 24/8/1905, 4/7/1906, 5/8/1909, 9/8/1909, 15/8/1909, 16/8/1909, 6/6/1911, 24/7/1914).
Le secrétaire délégué du LTC d’Étretat, en 1903, était Mr Noirault (Journal de Rouen du 14/8/1903).

Les courts de tennis de La Passée (aujourd’hui résidence Germaine Coty)
Jeu de croquet sur le terrain de la Passée, aujourd’hui parking du Grand Val

Le golf d’Étretat avait tout pour séduire la clientèle britannique, de plus en plus nombreuse à Étretat et friande de ce sport aristocratique. Idéalement situé sur la falaise d’Aval, surplombant la mer, il offre encore aujourd’hui une superbe vue panoramique sur le village. Créé en 1908 à l’initiative de golfeurs britanniques de la gentry, parmi lesquels lord Wodehouse, 2e comte de Kimberley, il eut pour premier président Bernard Forbes, 8e comte de Granard, qui fut également par la suite président de l’Arsenal Football Club. Il ne comptait à l’origine que 13 trous. Le parcours a été dessiné par l’architecte Julien Chantepie (créateur des golfs de Fontainebleau et de La Boulie à Versailles), en collaboration avec le golfeur professionnel Arnaud Massy, un des plus grands joueurs français, qui enseigna par la suite le golf à Étretat et y mourut en 1950 (https://golfetretat.com/le-golf/#historique). Le club-house, démoli par la suite, se trouvait en position dominante.

Le club House

La saison de golf débutait vers la mi-juillet et connaissait son point culminant avec la « Grande semaine du Golf d’Étretat » du dernier dimanche d’août au premier dimanche de septembre (Journal de Rouen du 28/8/1909, 31/8/1909, 4/9/1909, 29/4/1910). La saison était riche en compétitions comme le montre le programme de l’été 1911 : médaille mensuelle dames et messieurs le 18 juillet, handicap mixte par trous le 22 juillet et les jours suivants, handicap double par trous le 29 juillet et les jours suivants, handicap mixte par trous le 14 août, concours de drives, d’approche et de putting le 15 août, médaille mensuelle dames et messieurs le 17 août, challenge du Golf-Hôtel et des Roches Blanches et handicaps messieurs le 23 août et les jours suivants, challenge interclubs Dieppe, Le Havre et Étretat le 27 août, championnat d’Étretat et handicap simples dames le 28 août, grand handicap international les 29 et 30 août, concours de drives, d’approche et de puttings le 31 août, championnat de Normandie les 1er et 2 septembre, partie mixte le 3 septembre, handicap contre normale dames le 6 septembre, médaille mensuelle le 10 septembre, handicaps le 23 septembre et les jours suivants (Journal de Rouen du 6/6/1911).
Très rapidement, la saison démarra dès le printemps : les 14 et 15 mars 1913, les épreuves du Golf-Club réunirent 55 concurrents et en 1914 les links ouvrirent aux golfeurs le 10 avril, à l’occasion des fêtes de Pâques, avec des concours dotés de prix offerts par le Casino (Journal de Rouen du 30/3/1913 et du 11/4/1914).
L’association étroite entre le Casino, le golf, le tennis et -dans une certaine mesure les hôtels- constitue un socle qui structure le tourisme étretatais durant les Années Folles.

Affiche d’André Galland dessinée durant l’entre-deux-guerres

Pour les amateurs de tir, un tir aux pigeons avait été installé sur la Manneporte par Mr Demay, armurier havrais ; l’inauguration, marquée par un concours entre tireurs, eut lieu le 1er août 1909. Par convention entre le golf et le tir, tout membre du tir aux pigeons avait droit à l’accès du Golf-club house voisin. Un concours de drives, doté d’un prix offert par Maurice Jouët, vice-président du Golf Club d’Étretat, clôtura l’inauguration du tir (Journal de Rouen du 30/7/1909). Un stand de tir, géré par l’association de la Jeunesse Sportive Étretataise, existait aussi route de Criquetot ; un concours de tir à 200 m s’y déroula le 20 août 1911, (Journal de Rouen du 16/8/1911).
Faute de port, la voile était peu pratiquée à Étretat. L’embarcation prisée des estivants était déjà la fameuse périssoire, canot ponté étroit à fond plat, individuel, fabriqué à Étretat à partir de 1887 par François Chambrelan. Des régates se déroulèrent à Étretat le dimanche 31 août 1903 ; huit courses furent organisées à partir de 14h30 et des feux d’artifice furent tirés sur la falaise d’amont et sur la plage à partir de 21 heures (Journal de Rouen du 27/8/1903).
Du côté du football, les joueurs éraient regroupés au sein de la Jeunesse Sportive Étretataise qui participait chaque année à des rencontres interclubs, parfois avec succès : sur son nouveau terrain situé côte du Mont, la J.S.E. battit 3 buts à 2 l’Union Sportive Fécampoise le dimanche 10 mai 1908 (Journal de Rouen du 12/5/1908).
Charles Miquignon, le fils d’un ancien instituteur d’Étretat, était le secrétaire de la Jeunesse Sportive Étretataise qui organisait aussi des journées d’athlétisme inter-clubs au stade du Grand-Val (Journal de Rouen du 26/8/1908). Le meeting annuel d’Étretat, organisé fin août ou début septembre par la J.S.E., réunissait de nombreux participants sur le stade du Grand Val : le 29 août 1909, 200 athlètes s’engagèrent, sur 10 épreuves (Journal de Rouen du 27/8/1909 et du 1/9/1909). Les maires successifs soutenaient cette rencontre entre clubs, qui comprenait le challenge Flory, créé en 1910, et le challenge Boissaye, créé en 1912 (Journal de Rouen du 8/8/1912 et du 17/8/1913). En 1914, la Jeunesse Sportive Étretataise bénéficia d’une subvention municipale de 50 francs (Journal de Rouen du 6/6/1914).
Le vélo était largement pratiqué par les estivants, mais plutôt comme moyen de locomotion, non sans risque parfois (Journal de Rouen du 28/8/1895, 12/8/1897, 3/9/1900, 23/8/1903 et 11/6/1913). Les bicyclettes pouvaient être louées place du Marché. En 1911, une course Paris-Rouen-Étretat (210 km) fut organisée par la société des courses cyclistes de France et dotée de 1000 francs de prix (Journal de Rouen du 14/7/1911).

Fêtes et commémorations

Comme de nos jours, la fête de l’Ascension remportait chaque année un grand succès populaire et attirait en masse les visiteurs (Journal de Rouen du 13/5/1896, 19/5/1897, 14/5/1901, 5/5/1902, 22/5/1911, 11/5/1912, 23/4/1913, 29/4/1913, 3/5/1913) À cette occasion, la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest mettait en place des trains spéciaux, à prix réduits : en 1896 le billet de 1ère classe en était à 12 francs A/R, le billet de 2e classe à 8 francs et le billet de 3e classe à 6 francs. La fête débutait par une grand-messe à 9h45, à l’église Notre-Dame ; à 10h45, la procession, conduite par les marins et le clergé, empruntait la rue Notre-Dame jusqu’à la plage, où la bénédiction de la mer était donnée à 11h00 par le curé, dans une barque pavoisée, en hommage aux marins disparus et en prévention des manifestations hostiles de l’océan (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2021/02/27/fortunes-de-mer/). Parfois c’était à une personnalité ecclésiastique qu’échouait ce rôle, comme ce fut le cas le 27 mai 1897, où la bénédiction fut accordée par le cardinal Sourrieu, archevêque de Rouen. Une fête foraine avec carrousel, balançoires, tirs, etc., avait lieu l’après-midi et un concert était donné en milieu d’après-midi par la fanfare La Plage d’Étretat sur la place Victor Hugo, en face de l’Hôtel de la Plage.

Retour de la procession sur la plage ; à l’arrière-plan, l’hôtel Hauville au centre et le Casino à gauche

Les fêtes n’étaient pas que religieuses. Sous la IIIe République, la plupart des actes publics étaient l’occasion de festivités, qu’il s’agisse de la conscription militaire, de la visite de personnalités politiques, de la remise de médailles ou de commémorations. C’est ainsi que banquets, vins d’honneur, concerts et feux d’artifice se succèdaient et rythmaient la vie publique.
En mai 1901 un déjeuner est offert à Étretat par Mr Fidelin, conseiller général, au conseil de révision de Criquetot-l’Esneval qui a examiné les classes 1898, 1899 et 1900 (soit 123 conscrits) (Journal de Rouen du 12/5/1901). Il faut savoir que depuis la loi Freycinet de 1889, le service militaire obligatoire était passé de 5 à 3 ans mais les conscrits étaient tirés au sort. Le dernier tirage au sort, avant sa suppression par la loi du 21 mars 1905 instaurant le service militaire dans sa forme contemporaine, eut lieu le 12 janvier 1905 : 23 jeunes conscrits d’Étretat y participèrent (Journal de Rouen du 12/1/1905). En 1903, 15 jeunes étretatais nés entre 1879 et 1881 se trouvaient « au service » lors de l’établissement de la liste électorale (sur 44 hommes de la même classe d’âge) ; en 1913, ils étaient au nombre de 37, nés entre 1890 et 1892.
Un mois après le conseil de révision, le dimanche 16 juin 1901, le 1er bataillon d’artillerie de forteresse, de passage à Étretat, est accueilli place de la Mairie par la municipalité et la fanfare La Plage. Un concert fut donné à 16 heures par la fanfare du bataillon, suivi d’une retraite aux flambeaux le soir puis d’un concert devant la demeure du maire, donné par les deux fanfares, et enfin du bal de clôture sur la place de la Mairie (Journal de Rouen du 20/6/1901).
Le dimanche 15 juin 1902, dans la salle du Cercle des Enfants d’Étretat, un bal est organisé par la 863e section des Prévoyants de l’Avenir (société mutuelle de retraite), pour fêter sa reconnaissance légale (Journal de Rouen du 21 juin 1902).
En 1912 est célébré officiellement à Étretat le centenaire du premier zélateur du site : Alphonse Karr (bien qu’il naquît en 1808 !). Le 28 janvier 1912, la Jeunesse Sportive Etretataise propose une soirée concertante à cette occasion, avec chansonnettes, récits et revue (Journal de Rouen du 28/1/1912). Le 21 juillet, le buste d’Alphonse Karr est inauguré à Étretat par Mr Morel, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur (Journal de Rouen du 7/1/1913).

Fête foraine place de la Mairie

Équivalent laïc des fêtes de l’Ascension, la fête nationale est un des moments forts de l’année. Le programme des festivités du 14 juillet 1914, quelques jours seulement avant l’entrée en guerre, suit un schéma qui restera à peu près identique jusque dans les années 1960 : il commence à 14 heures par la revue du matériel des sapeurs-pompiers par le conseil municipal, suivie à 14h30 par le vin d’honneur à la mairie puis par un concert public offert par les sociétés musicales d’Étretat ; la fanfare les Enfants d’Étretat joue la Marseillaise, l’ouverture de Magadala de Morand, la mazurka Volupté de Flamand, la valse Les Voix romaines de Kessels et l’allegro Salut amical de Sciupi. Des jeux sont organisés place Casimir Périer : mât de cocagne, course pédestre de jumeaux, marmites à surprises, jeux des ciseaux, courses aux œufs pour jeunes filles, courses en sac, combats des gladiateurs, seau volant, artilleurs de la pièce humide, courses à la nage, courses aux canards, courses de baquets. Pendant les jeux, la Fanfare de la Plage joue l’ouverture du Secret d’Olivette de Furgeot, la fantaisie Gyptis de July, cinq scènes champêtres de la Kermesse wallonne de Delchevalerie, la fantaisie Ce que l’on entend dans la forêt de Kling et la fantaisie Fête normande de Blément. À 21h00 a lieu la retraite aux flambeaux, avec les sociétés de musique et la compagnie de sapeurs-pompiers ; elle est suivie d’une illumination générale. À 22h00 débutent les bals champêtres, accompagnés par les sociétés de musique (Petit Havre du 3/7/1914 et du 9/7/1914).

La musique est en effet l’accompagnement obligatoire des fêtes. La principale fanfare est celle des Enfants d’Étretat. Dirigée par Charles Miquignon, elle remporte trois prix au concours de Saint-Denis (Journal de Rouen du 8/4/1896). Elle célèbre ordinairement la Sainte-Cécile (le 29 novembre) par une messe en musique suivie d’un concert place de la Mairie (Journal de Rouen du 27/11/1896) et en décembre elle célèbre sa propre fête annuelle (Journal de Rouen du 14/11/1911).
C’est elle qui organisa pour les fêtes de la Pentecôte, les 29 et 30 mai 1898, un concours musical auquel quatorze société participèrent, dont plusieurs fanfares de Paris et de sa banlieue. Une subvention de 300 francs fut votée par le conseil général de Seine-Inférieure pour cette manifestation. Le comité d’organisation était présidé par Mr Dupoux-Hilaire, ancien directeur du Théâtre Lafayette de Rouen. La ville fut décorée pour l’occasion de fleurs, de verdure, de pavillons et de lanternes vénitiennes. La matinée du 29 a été consacrée aux concours de lecture. Un banquet, présidé par le préfet, se tint à l’hôtel Hauville ; y participaient Mr Brindejont, maire, Fidelin, conseiller général, Ferdinand Périer, neveu de Paul Casimir-Périer et plusieurs maires des environs. L’après-midi eurent lieu les concours d’exécution, avant la réunion des autorités et du jury, présidé par Mr Weckerlin, du Conservatoire de Paris, place Paul-Casimir Périer à 17 heures. La ville a été illuminée le soir et des feux de Bengale ont été allumés sur les falaises. Les prix ont été distribués le 30 après-midi place Paul Casimir-Périer, après l’exécution du morceau d’ensemble dirigé par Mr Belloncle, chef de la fanfare Les Enfants d’Étretat (Journal de Rouen des 30/3/1898, 21/4/1898, 28/5/1898, 30/5/1898 et 1/6/1898).
C’est encore la société Les Enfants d’Étretat qui accompagne la fête de l’arbre de Noël de la classe communale des filles le 8 janvier 1899, au cercle des Enfants d’Étretat (Journal de Rouen du 11/1/1899). Mais une autre société musicale existait en parallèle : la fanfare La Plage d’Étretat, dirigée par Mr Leguy ; c’est celle-ci qui donne un concert lors de la fête de l’Ascension. À l’occasion de son 14e anniversaire, La Plage d’Étretat donna une soirée concertante le 4 février 1912, dans la salle des fêtes, avec au programme concert, vaudeville et comédie ; le prix des places, en vente chez Mr Léon Lemonnier, se montait à 1,25 fr (1ère), 1,0 fr (2e) et 0,60 fr (3e) (Journal de Rouen du 28/1/1912). Lors de sa séance du 21 juin 1907, la commission départementale de la Seine-Inférieure vota une subvention de 50 francs à chacune des deux sociétés musicales (Journal de Rouen du 9/7/1907). Les deux fanfares entrèrent en rivalité et les choses s’envenimèrent en prenant un tour politique. Lors d’une réunion du conseil municipal, une vive discussion s’éleva à la suite d’une demande, par la société musicale La Plage, de mise à disposition de la salle des Fêtes, refusée par la fanfare Les Enfants d’Etretat qui en était la gestionnaire ; le maire et l’adjoint, accusés par certains conseillers de mauvaise volonté envers la société La Plage, menacèrent de démissionner. Finalement, la fanfare La Plage obtint la possibilité d’offrir une grande soirée concertante à la salle des fêtes le 8 décembre 1912 à 20h30 pour le 15e anniversaire de sa fondation (Journal de Rouen du 3/12/1912). Le mois suivant, le 12 janvier 1913, c’est au tour de sa rivale la fanfare des Enfants d’Etretat d’offrir une soirée concertante à ses membres honoraires (Journal de Rouen du 7/1/1913). C’est ainsi que les deux fanfares se produisent en alternance au Cercle des Enfants d’Étretat : le 2 mars 1913, c’est la fanfare La Plage qui propose un concert (Journal de Rouen du 24/2/1913 et du 26/2/1913). Le programme du spectacle musical et théâtral offert le 4 janvier 1914 par La Plage à ses membres et à leurs familles présente une tonalité légère qui inspirera plus tard la revue annuelle des Vieux Galets : un drame en 4 actes et 5 tableaux, intitulé les Zoulous, était suivi d’une fantaisie en un acte titrée Tout ça c’est d’la blague et les entractes étaient meublés de monologues comiques récités par les jeunes gens de la société (Petit Havre du 1/1/1914). Le mois suivant, les Enfants d’Étretat donnent un bal masqué à l’occasion du Mardi Gras (Petit Havre du 20/2/1914) ; ils récidivent pour la Mi-Carême (Petit Havre du 13/3/1914).
Un membre de la fanfare d’Étretat, Mr Scavini, qui y jouait du piston, reçut une médaille de bronze au concours musical d’Yvetot en 1899 (Journal de Rouen du 24/5/1899).

Durant la Belle Époque, on honore encore les anciens combattants de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, sans se douter qu’un autre conflit approche, qui surpassera de loin le précédent. Un seul étretatais fut tué en 1870, le mobile Gustave Hauville, tombé le 4 décembre à la bataille de Bosc-le-Hard. Un service commémoratif en sa mémoire a été organisé en 1895 par la Société des Combattants de 1870-1871 d’Étretat ; un banquet a suivi (Journal de Rouen du 6/12/1895 et du 14/12/1895). Le dimanche 9 novembre 1908, la fête annuelle des anciens combattants de 1870-1871 a été marquée par un cortège de la mairie à l’église où une messe a été dite par l’abbé Hébert, puis par le dépôt d’une couronne au pied du monument aux combattants de 1870, accompagné de discours. Un banquet a été servi à l’hôtel Lachèvre (Journal de Rouen du 10/11/1908). Le 6 août 1909, les obsèques d’Alphonse Teurquetil, ancien loueur de voitures et membre de la société des anciens combattants de 1870-1871, ont été célébrées à l’église d’Étretat. Les honneurs ont été rendus au défunt par les membres de la société, dont Mr Maubert, président et Mr Suchetet, député, président d’honneur, qui a été compagnon d’armes de Teurquetil au siège de Paris (Journal de Rouen du 5/8/1909 et du 8/8/1909).

Vie associative

Outre les deux sociétés musicales et la Jeunesse Sportive Étretataise, d’autres associations étaient représentées à Étretat et bénéficiaient de subventions municipales : l’Amicale étretataise (qui bénéficie d’une subvention de 200 francs en 1914), l’Union des femmes de France, l’Association des secrétaires de mairie, la Société des Engagés Volontaires et les Œuvres de mer (qui reçoivent chacune 20 francs de subvention) (Journal de Rouen du 6/6/1914).

Notables et personnalités

Nécrologie

Le Journal de Rouen a annoncé dans ses colonnes la mort de différentes personnalités liées de près ou de loin à Étretat.
Thomas Lemonnier, ancien capitaine au long cours étretatais, mourut à Rouen le 27 février 1895 : une messe fut célébrée à la cathédrale de Rouen le 2 mars et l’inhumation eut lieu le lendemain à Étretat (Journal de Rouen du 1/3/1895 et du 2/3/1895). Thomas Lemonnier était le père d’un ecclésiastique qui fut évêque de Bayeux et Lisieux entre 1906 et 1927.
À Paris, en avril 1896, mourut à 84 ans le Dr Miramont, qui s’était établi à Étretat à la même époque qu’Alphonse Karr (Journal de Rouen du 8/4/1896).
Un an plus tard fut annoncée la mort à Paris le 8 juin 1897, à l’âge de 84 ans également, de Paul Casimir-Périer, armateur au Havre, sénateur républicain de la Seine-Inférieure de 1878 à 1889 et de 1891 à sa mort ; il était le fils d’un ancien président du Conseil sous Louis-Philippe et l’oncle d’un ancien président de la République. Paul Casimir-Périer a légué par testament 20.000 francs au bureau de bienfaisance d’Étretat (Journal de Rouen du 9/6/1987 et du 18/6/1897).
En juillet 1898 mourut à Étretat Henri Dumesnil, collectionneur d’art, qui fut l’ami intime de Corot et de Troyon, sur lesquels il publia des études (Journal de Rouen du 20/7/1898).
En avril 1899, le Journal de Rouen annonce le décès brutal à Paris de Mr Verdrel, ancien maire de Rouen, qui possédait une propriété à Étretat (Journal de Rouen du 24/4/1899). Il y a sans doute une confusion car le maire de Rouen, Charles Verdrel, est mort à Rouen en décembre 1868…
Charles Schiller, fondateur d’une imprimerie à Paris, chevalier de la Légion d’Honneur, est décédé subitement le 29 août 1900 à Étretat où il passait des vacances en famille. Son fils était secrétaire de la rédaction du Temps (Journal de Rouen du 30/8/1900).
Adolphe Scolan, 60 ans, natif de Tréguier, syndic des gens de mer à Étretat depuis 1901, décéda à Étretat le 20 mai 1908 (Journal de Rouen du 22/5/1908).
Henri Léopold Leprêtre, ancien capitaine de navire et pilote, né à Étretat, meurt dans sa 51e année à son domicile rouennais le 23 janvier 1911 ; il est inhumé à Étretat (Journal de Rouen du 24/1/1911 et du 25/1/1911).
En 1911, survint aussi le décès d’Auguste Flory, doyen honoraire des experts près le tribunal de la Seine, père du maire d’Étretat, vice-président du tribunal de la Seine (Journal de Rouen du 12/11/1911).
Albert Célestin Leroy, pharmacien honoraire et ancien conseiller municipal d’Étretat, mourut le 6 septembre 1912 dans sa propriété de Manneville-la-Goupil ; l’inhumation eut lieu à l’église d’Étretat (Journal de Rouen du 10/9/1912).
Georges Maillard, receveur des postes et télégraphes à Étretat depuis une quinzaine d’années, conseiller municipal, délégué cantonal et officier d’académie, mourut le 18 novembre 1912 à l’âge de 45 ans (Journal de Rouen du 20/11/1912).
Le 29 janvier 1913 eurent lieu les obsèques de Mr Deneufve, directeur de la fanfare les Enfants d’Étretat ; un hommage fut rendu par Charles Miquignon, sous-chef de fanfare (Journal de Rouen du 31/1/1913).
Gustave Bureau, conseiller municipal d’Étretat, père du député Georges Bureau, meurt le 5 février 1913 (Petit Havre du 6/1/1914).
Anaïs Stéphanie Augustine Anicet-Bourgeois, marquise de Vassoigne, veuve du général marquis, mourut le 7 août 1913 à 77 ans dans sa propriété d’Étretat. Les obsèques religieuses furent célébrées à l’église d’Étretat le 11 août et le corps fut inhumé au cimetière du Père Lachaise à Paris le 12 août (Journal de Rouen du 10/8/1913).

Blason de la famille de Vassoigne sur le caveau familial Anicet-Bourgeois au cimetière du Père Lachaise

La doyenne d’Étretat, Joséphine Fauvel, veuve Coquerel, décède à son domicile rue Dorus le 3 janvier 1914. Son époux défunt, Victor Coquerel, avait écrit une nouvelle intitulée le Trou à Romain Bisson, inspirée de l’histoire locale, qui a inspiré plusieurs auteurs, dont le feuilletonniste Xavier de Montépin (Petit Havre du 12/1/1914).
Madame Dupoux-Hilaire, la veuve de l’ancien directeur de l’Ambigü havrais, décédée à Montivilliers, a été inhumée à Étretat où elle résidait ; la fanfare Les Enfants d’Étretat, dont Mr Dupoux Hilaire fut président, a joué des marches funèbres sous la direction de Mr Miquignon (Petit Havre du 15/1/1914). Les Dupoux-Hilaire avaient célébré leurs noces d’or huit ans auparavant (Journal de Rouen du 17/9/1905).
Jean Baptiste Scavini, décédé le 25 décembre 1914 à Harfleur, est inhumé le 26 décembre 1914 à Étretat (Petit Havre du 28/12/1914). Né à Ravenne en Italie, Giovanni Battista, qui était cordonnier, s’installa à Étretat où il épousa une Vallin en 1866 ; il vit son atelier de bottier prospérer grâce à la vogue de la station balnéaire dans les années 1860-1870 ; associé à l’un de ses gendres, il fonda une succursale parisienne, rue Cambon, et une marque de chaussures de luxe (Ducerf-Scavini) qui connut une certaine vogue avant de disparaître en 1936. Scavini est actuellement une enseigne de tailleur masculin du 7e arrondissement de Paris.

Clin d’œil de l’histoire sur le site web de la marque Scavini (avril 2023)

Les fonctionnaires

Le contingent de fonctionnaires le plus important est celui des instituteurs et institutrices, qui sont au nombre de 14 au recensement de 1901 et 13 au recensement de 1906. Cette fonction présentait un prestige et un niveau de rémunération qui se sont bien dégradés depuis ; l’instituteur(trice) était alors un personnage cittectement payé et respecté au sein de la communauté. C’était aussi un des rares moyens, pour une femme, d’accéder à un rôle égal à celui des hommes dans la société. En 1895 une mention honorable esr décernée par le ministère de l’instruction publique à Mlle Jacky, directrice de l’école de filles d’Étretat (Journal de Rouen du 25/7/1895). En 1912 Mme Hébert, institutrice à Étretat, est bénéficiaire d’une prime pour le développement des cours d’adultes  (Journal de Rouen du  26/10/1912).
Il y avait alors à Étretat un enseignement privé, avenue de la Gare, coexistant avec l’école publique de filles et de garçons (aujourdhui école Rose Duchemin http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/01/19/2019-a-etretat/). En 1913, quatorze élèves de l’école communale, deux élèves de l’école libre et quatre élèves de l’école privée sont reçu(e)s aux certificat d’études (Journal de Rouen du 18/7/1913). L’année suivante, quatre élèves de l’école publique de garçons, six filles de l’école publique de filles, deux garçons et quatre filles de l’école privée sont reçu(e)s au certificat d’études (Journal de Rouen du 22/6/1914 et Petit Havre du 19/6/1914).
Les instituteurs, comme les autres fonctionnaires, venaient de diverses régions françaises et ne restaient en poste à Étretat que quelques années.

Le deuxième contingent de fonctionnaires, par ordre d’importance, est celui des douanes. La brigade d’Étretat comptait 8 hommes en 1901 comme 1906. Il faudrait y ajouter le surveillant d’octroi, employé par la commune. Le poste de douane d’Étretat est inspecté en février 1914 par le général Capiomont, commandant supérieur de la défense du Havre (Petit Havre du 16/2/1914).
Les postes et télégraphes, dont le bureau était déjà situé route du Havre, employaient 6 personnes -ont trois facteurs et une femme- en 1901 comme en 1906. En 1901, le receveur des postes était Georges Maillard, natif de Cherbourg, qui occupa diverses fonctions représentatives à Étretat. Après son décès en 1913 il fut remplacé par Mr Delmas (Journal de Rouen du 11/3/1913).
Le percepteur était un autre personnage important de la commune. En 1900 c’est Baptiste Guénot, ancien fondé de pouvoirs du trésorier payeur général de la Seine-Inférieure, qui est nommé percepteur à Étretat en remplacement de Mr d’Anjou, nommé à Boisguillaume (Journal de Rouen du 12/3/1900). Mr Guénot, qui avait été proche de la famille Boieldieu dans ses fonctions précédentes, offrit 1.500 francs pour l’entretien à perpétuité du monument dédié au compositeur François-Adrien Boieldieu à Rouen, ce qui montre une certaine aisance financière (Journal de Rouen du 18/6/1903 et du 20/6/1903). Baptiste Guénot est remplacé par Augustin Pecquet, d’après le recensement de 1906. En 1914, Mr Delbreil, successeur dans le poste, est promu « à la meilleure 2e classe » (Petit Havre du 6/1/1914).
En 1891, la fonction municipale de garde-champêtre est exercée par Édouard Vasseur, d’après la liste du recensement. Dix ans plus tard, c’est Louis Buquet, natif de Vittefleur près de Cany, qui lui a succédé ; il reçoit la médaille d’honneur de la police en 1913 (Journal de Rouen du 11/4/1913). En plus d’un garde-champêtre, Étretat dispose depuis 1894 d’une brigade de gendarmerie, installée à l’angle de l’avenue de Verdun et de la rue Charles Mottet et qui compte 4 hommes -en 1901 comme en 1906- dont le chef de brigade qui est alors François Huot Soudain, natif du Doubs. Celui-ci est remplacé en 1909 par Mr Lefebvre, qui était précédemment brigadier de gendarmerie à pied à Bayeux (Journal de Rouen du 26/5/1909). En 1913, le conseil municipal vote un crédit supplémentaire pour les travaux de la gendarmerie, s’élevant à 8.086,72 francs (Journal de Rouen du 11/6/1913).

L’ancienne gendarmerie d’Étretat, avant son transfert place de la gare

On peut encore mentionner, parmi les personnes exerçant une fonction publique importante dans la commune, le secrétaire de mairie (qui, dans les premières années du XXe siècle, était Arthur Vatinel), le syndic des gens de mer (le cherbourgeois Eugène Pesnel en 1901, puis le breton Adolphe Scolan en 1906). Le garde maritime jouait aussi un rôle important. Jean Le Gay, qui occupait ce poste en 1910, démissionne (Journal de Rouen du 16/3/1910). En 1913 Mr Brunet, qui était auparavant garde maritime à Petit-Fort Philippe, est nommé syndic maritime à Etretat en remplacement de Mr Le Mercer, qui est nommé à Auray ; la même année Alfred Victor Patin, ex-matelot 2e classe, timonier breveté en retraite, est nommé garde maritime stagiaire à Etretat en remplacement de Mr Durel ; il sera titularisé dans son emploi et nommé garde maritime de 2e classe à compter du 15 avril 1914 (Journal de Rouen du 3/4/1913, 19/5/1913 et 10/4/1913).

La cure

De 1889 à 1896, c’est l’abbé Arthur Planquois qui est curé d’Étretat ; il est assisté d’un viciaire, l’abbé Gustave Maurice, et d’un sacristain, Arthur Dallet, ainsi que d’une bonne. L’abbé Adolphe Sampic succède à l’abbé Planquois, qui meurt le 15 avril 1896 ; son vicaire, depuis 1894, est Joseph Hébert et son sacristain se nomme Louis Fréval. En 1903 un homonyme, Paul Hébert, précédemment curé de Saint-Maclou-la-Brière, est nommé curé d’Étretat en remplacement de l’abbé Sampic (Journal de Rouen du 11/1/1903). La même année Mr Leduc, nouvellement ordonné prêtre, est nommé vicaire à Étretat (Journal de Rouen du 2/8/1903) tandis que son prédécesseur, Joseph Hébert, est nommé curé de Ricarville (Journal de Rouen du 6/12/1903). Cinq ans plus tard l’abbé Georges-Eugène Hauchecorne, nouvellement ordonné, est nommé vicaire à Étretat (Journal de Rouen du 12/7/1908). L’abbé Paul Hébert restera en fonction jusqu’en 1927.

Le presbytère et l’église vus de la rue Notre-Dame ; le calvaire se trouvait à l’emplacement de l’actuel monument aux morts

Jurés d’assises et répartiteurs

Le tirage au sort des jurés de la cour d’assises de la Seine-Inférieure désigna un certain nombre d’étretatais, pré-sélectionnés parmi les notables comme cela se pratiquait jusqu’en 1978. Mr Thurin, propriétaire, est tiré au sort comme juré pour la 4e session ordinaire de 1895 (Journal de Rouen du 15/11/1895). Le pharmacien Albert Leroy, dont l’officine se trouvait route de Fécamp, est tiré au sort comme juré de la session du 2e trimestre 1898 (Journal de Rouen du 29/4/1898). Mr Lenoir, propriétaire à Étretat, est tiré au sort comme juré de la 4e session de 1899 (Journal de Rouen du 17/11/1899). Désiré Joly, comptable retraité à Étretat, est tiré au sort comme juré de la 3e session de 1900  de la cour d’assises de Seine-Inférieure (Journal de Rouen du 29/6/1900). Mr Lemonnier, menuisier, est tiré au sort comme juré pour la 3e session ordinaire de 1902 (Journal de Rouen du 11/7/1902). Jean Baptiste Mollet, rentier, est tiré au sort comme juré pour la 4e session ordinaire de 1903 (Journal de Rouen du 13/11/1903). Mr Maubert, rentier, est tiré au sort comme juré pour la 2e session ordinaire de 1906 (Journal de Rouen du 11/5/1906).
La fonction de commissaire répartiteur a été créée sous le Directoire par la loi du 3 frimaire an VII, pour répartir entre les contribuables le contingent d’impôt foncier fixé à chaque commune. Au nombre de sept, les répartiteurs étaient nommés tous les ans par le sous-préfet et comprenaient, outre le maire et son adjoint, cinq propriétaires jugés suffisamment aptes et intègres, dont deux non domiciliés dans la commune. En 1913, on relève les noms du Dr Fidelin et de Ulrich Henry de la Blanchetais parmi les répartiteurs nommés à Étretat (Journal de Rouen du 31/1/1913). Pour 1914, les répartiteurs titulaires étaient Benoît Savalle, conseiller municipal à Étretat, Albert Letanneur, propriétaire à Étretat, Ulrich Henry de la Blanchetais, maître d’hôtel à Étretat, Léon Savalle, propriétaire à Bordeaux-Saint-Clair et Jules Leleu, propriétaire à Fécamp ; les répartiteurs suppléants étaient Lucien Goossens, propriétaire à Étretat, Ernest Maillard, propriétaire à Étretat, Alphonse Omont père, maître d’hôtel à Étretat, Louis Dupéroux, propriétaire au Tilleul et Bénoni Mondeville, cordonnier à Étretat (Petit Havre du 8/2/1914).
Ces listes révèlent les réseaux d’influence qui sous-tendent la vie sociale de la commune.

Commerçants et artisans

Quelques commerçants et artisans étretatais eurent les honneurs de la presse locale. Alexandre Pisant, jardinier chez Mr Cochin, avenue des Haules, a reçu en 1898 un prix de 90 francs de bon entretien de jardin à l’exposition d’horticulture de Rouen et, l’année suivante, un diplôme d’honneur de la société d’horticulture d’Yvetot (Journal de Rouen du 1/6/1898 et du 5/10/1899). Un de ses confrères, Achille Lahure, maraîcher et jardinier chez Mr Flory, a également reçu un prix de 90 francs de la société centrale d’horticulture de Rouen (Journal de Rouen du 17/12/1900) ; le même Lahure s’était vu décerner en 1891 une médaille d’argent par la société centrale d’horticulture de la Seine-Inférieure pour 40 variétés de poires et en 1892 une mention honorable par la Société d’encouragement à l’agriculture de l’arrondissement du Havre, dans la catégorie produits de la ferme.
Une cheffe d’entreprise d’Étretat, Mme Louise Chenin, veuve de Charlemagne Liberge, a remporté en 1913 l’adjudication de plusieurs lots des travaux de construction de la mairie de Fongueusemare : la charpente, pour une mise à prix de 1769,62 francs avec rabais de 3 % et la menuiserie et la serrurerie, pour une mise à prix de 1935,80 francs avec rabais de 4,02 %  (Journal de Rouen du 5/9/1913).

La place du Marché au début du XXe siècle : le Marché couvert n’est pas encore construit, pas plus que le manoir de la Salamandre (hôtel de la Résidence actuel) ; l’hôtel de la Plage se trouve à l’arrière-plan

Architecture et patrimoine immobilier

Un monument emblématique : l’Hostellerie

Le sujet le plus photographié d’Étretat, en dehors des falaises, est un vieux bâtiment en bois, patiné par les âges, qui se trouve judicieusement placé sur le trajet emprunté par l’immense majorité des touristes, entre la place du Marché et le bord de mer. Peu des photographes savent toutefois que cet édifice, d’aspect médiéval, n’a qu’un peu plus d’une centaine d’années, à peine plus que les Halles, autre réplique photogénique créée par le même architecte (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2022/06/14/des-annees-folles-aux-annees-30-etretat-dans-lentre-deux-guerres/).
Construit en 1912 par Frédéric Touzet, entrepreneur fécampois, sous la maîtrise d’œuvre de l’architecte Émile Mauge, l’édifice a connu plusieurs noms : l’Hostellerie, l’Hostellerie de la Plage, la Rôtisserie, l’hôtel de la Résidence, le Manoir de la Salamandre.

L’Hostellerie d’Étretat (carte postale des éditions Galf à Paris) ; la terrasse n’occupait pas encore la moitié de la chaussée

L’Hostellerie si délicieusement archaïque avec ses toîts tourmentés coiffés de tuiles moussues, ses bois vermoulus et frustes, ses marmousets grossièrement sculptés, et ses petits carreaux en cul-de-bouteilles, et ses portes massives à judas de fer, et ses serrures imposantes et grossières, et ses rampes d’escalier polies, reluisantes par l’usage, et ses marches en petits pavés jaunâtres, hexagonaux, et ses cheminées de briques superposées en dents de scie, l’Hostellerie qui avance sur la rue ses pignons et ses larmiers, qui ouvre sur elle ses petits yeux de lucarnes à paupières andrinople, qui fleurit ses crête d’iris en fleurs, et salue le touriste de toute la majesté d’une simplicité normande figée dans la plus pure des traditions, cette Hostellerie là a poussé en trois ans. Et ce miracle s’est accompli de par la fantaisie charmante d’un Vatel deux fois artiste, qui s’est offert le luxe peu rodinaire, non de pasticher le passé dans une simple et banale imitation trompe-l’œil, mais de le faire revivre vraiment en le transportant tout entier.

Le Petit Havre, 3 mai 1914
L’original : la maison Plantefor à Lisieux

Le Vatel que célèbre le journaliste, c’est Jules Solange Ulrich Henry de la Blanchetais, né à Paris, héritier d’une famille prospère d’armateurs et de négociants bretons, qui avait acheté en 1909 à Virginie Hauville, veuve Beaudelet, des hôtels et des immeubles situés boulevard Charles Lourdel -l’avenue René Coty actuelle. C’est dans la même rue qu’il eut l’idée de faire construire l’Hostellerie à partir de matériaux anciens d’origine normande assemblés sur le modèle de la maison de Plantefort, cirier, à Lisieux ; les charpentes proviennent de l’ancien hôtel des Postes de Lisieux, un escalier, d’un vieille maison démolie à Fauville, une cheminée, de Saint-Jacques près de Bolbec, certaines portes, du Bec-de-Mortagne, les tuiles, de Fécamp, le plancher, de l’ancienne Halle au Blé de Fécamp ; les sculptures sont la reproduction du manoir de la rue aux Fèves à Lisieux. Le roi des Belges lui-même est descendu incognito dans l’hostellerie (Petit Havre du 3/5/1914). Une habile campagne publicitaire -plus ou moins trompeuse- contribua à assurer à la nouvelle construction la patine de l’ancien.

En arrière-plan, l’ancien hôtel de la Plage, rhabillé en style anglo-normand par Émile Mauge en 1906, à l’initiative d’Henry de la Blanchetais

Le coût de l’immobilier

Les adjudications de biens immobiliers étretatais publiées dans la presse régionale sont nombreuses et le sujet mérite d’être développé dans un autre article. On se contentera ici de donner divers exemples de prix de vente et de revenus fonciers donnant la mesure de l’état du marché de la Belle Époque. La vente de lots à bâtir montre également que la construction de nouvelles habitations se poursuivait.

Villas et immeubles de rapport

  • En 1895 un grand pavillon avec beau jardin, écurie et remise, vue sur la mer est mis à prix 25.000 francs, tandis que 12 lots de terrain à bâtir, de 1000 à 3000 m², sont mis à prix de 3.000 à 8.000 francs (Journal de Rouen du 24/7/1895).
  • En 1896 neuf maisons avec rez-de-chaussée, 1er étage, mansardes et greniers, celliers et dépendances, situées n°29, 31, 33, 35, 37, 39, 41 et 43 rue Notre-Dame et rue de l’abbé Cochet, louées à MM Lemonnier, Levasseur, Martin, Maillard, Duclos, Barray, Fannonel et Mmes veuves Dupont et Lenormand et assurant un revenu annuel de 180 à 525 francs, sont mises à prix entre 1500 et 5000 francs le lot, soit un taux de rentabilité brute de 10 à 12 % annoncé à l’acquéreur (Journal de Rouen du 25/2/1896).
  • La maison d’habitation avec jardins et communs, sur une surface de 350 m², située rue de la Gare et occupée par le vicaire d’Étretat, est mise à prix 10.000 francs en 1896 (Journal de Rouen du 26/7/1896).
  • La villa Trebelli, située rue Notre-Dame et comprenant un grand pavillon et un jardin de 1823,68 m² est mise à prix 25.000 francs par l’agence Louis Coquin fils en 1897 (Journal de Rouen du 16/5/1897).
  • En 1898 un pavillon avec beau jardin, écurie et remise, est mis à prix 20.000 fancs et des terrains à bâtir, divisés en 12 lots de 900 à 2471 m², sont mis à prix de 1500 à 4000 francs (Journal de Rouen du 10/7/1898).
  • Un terrain à construire rues Isabey et des Haules, jusqu’alors à l’usage de tennis, d’une surface de 1498 m², est mis en vente au prix assez faramineux de 14.000 francs en 1899 (Journal de Rouen du 30/7/1899).
  • Quatre terrains sont mis en vente en 1900 route de Criquetot près de l’ancien manège Justin : le premier de 4514,56 m² sur le bord de route, mis à prix 9.000 francs, le deuxième de 3443,94 m² sur le bord de route, mis à prix 7.000 francs, le troisième de 2963,57 m², derrière les précédents, mis à prix 3.000 francs, le quatrième de 4492,98 m², derrière aussi, mis à prix 4.500 francs (Journal de Rouen du 12/8/1900).
  • En 1900 la propriété du Donjon avec toutes ses dépendances, côte Saint-Clair, offrant une vue sur mer et sur les vallées, est mise à prix 15.000 francs, et le petit pavillon dit villa Belle-Vue, chemin de Saint-Clair, au nord-est du Donjon, est mis à prix 3.000 francs (Journal de Rouen du 29/7/1900). La description du Donjon, construit en 1862, a été donnée à l’occasion de sa mise en a vente par son premier propriétaire en 1871 (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/11/09/les-villas-etretataises-et-leurs-noms-un-peu-de-geographie-sociale/).
  • La propriété du Blanc Castel, située route de Criquetot et rue du Bec-Castel, comprenant une gande villa, une maison de jardinier, des bâtiments d’utilité, un grand jardin planté d’arbres, un tennis, pour une contenance de 12.472 m², a été mise en vente 75.000 frs en 1905. Elle n’a pas trouvé acquéreur à ce prix et ce n’est que trois ans plus tard qu’elle a été vendue pour la somme de 50.000 francs par le colonel Henry Mapleson, ancien directeur de l’Opéra de New York (qui l’avait achetée 200.00 francs). L’acquéresse était Mme Sergius, alias Mrs Glacia Calla Carkins, une aventurière qui se retrouva au centre d’une obscure affaire de meurtre commise aux États-Unis par Paul Roy, un de ses conjoints successifs (Journal de Rouen du 6/8/1905, 15/7/1906 et 29/2/1908).
  • La villa la Chaufferette, située 12 rue Notre-Dame, comprenant maison à usage de villa, bâtiment, caloge, jardin anglais, sur une surface de 1247 m², libre de location a été mise à prix 4000 francs en 1913 (Journal de Rouen du 24/1/1913).
  • La villa Quand Même (aujourd’hui appelée château des Aygues) située rue Offenbach, comprenant une grande maison de maître, une habitation de jardinier et de concierge et des jardins, sur une superficie de 6943,60 m², a été mise à prix 45.000 francs en 1913 (Journal de Rouen du 13/7/1913).
  • La Villa Picciola, quartier des Haules, belle propriété avec grand jardin offrant une vue sur la mer et la vallée, d’une superficie de 4740 m², est mise à prix 30.000 francs en 1913 (Journal de Rouen du 14/7/1913).
  • En juillet 1914 c’est la propriété de Vassoigne qui est mise en vente ; le grand pavillon bâti sur 5ha 9a 62ca (50.962 m²) est mis à prix 90.000 francs et le petit pavillon bâti sur 17a 82ca (1782 m²) est mis à prix 5.000 francs, le tout libre de location. Une précédente adjudication avait été proposée pour une mise à prix respective de 120.000 et 10.000 francs (Journal de Rouen du 14/5/1914 et du 9/7/1914).

Fonds de commerce

  • En 1896 une maison à usage de café-restaurant et de débit de tabac, située en face de la mairie et à l’angle de la route de Criquetot, occupée par Mr Jules Denouette et procurant un revenu annuel de 1000 francs est mise à prix 10.000 francs et une maison d’habitation contiguë avec jardin, se trouvant à l’encoignure de la route de Criquetot et de la rue Isabey, occupée par Mme Develai est mise à prix 10.000 francs (Journal de Rouen du 25/8/1895).
  • Un lot comprenant le Grand Hôtel des Bains, avec cours, pavillon à l’entrée, écurie, remise, 954 m² de surface, occupé par Mr Omont avec un bail finissant en 1904, assurant un revenu net de 4000 francs et une maison contigüe à l’entrée de la rue Alphonse Karr, louée à divers particuliers, d’une valeur locative de 1600 francs, est mis à prix 75.000 francs (Journal de Rouen du 30/7/1899).
  • La librairie-papeterie, bimbeloterie et articles de bains de mer au 41 rue Alphonse Karr est mise en vente le 21 juillet 1902, avec une mise à prix de 1.000 francs (Journal de Rouen du 18/7/1902).
  • Dans le cadre de la licitation Hauville en juin 1905, plusieurs biens immobiliers furent mis en vente, dont l’Hôtel Hauville, sis à l’angle des rue Alphonse Karr et de la Valette, occupé par Mr Balant et précédemment par Mr Maubert, loyer ventilé de Mr Balant net de toutes charges 3.700 francs, mis à prix 25.000 francs (Journal de Rouen du 28/5/1905). En 1910, le fonds de commerce de l’Hôtel Hauville, avec une entrée en jouissance le 1er octobre 1910, a été mis à prix 5.000 francs (Journal de Rouen du 28/8/1910).
  • C’est au tour de l’Hôtel Blanquet d’être vendu par licitation le 27 septembre 1910 ; située rues de la Vallette, Mathurin Lenormand et de Traz-Périer, la propriété était formée deux corps, élevé sur 3 étages ; la mise à prix de de 55.000 francs incluait 3 pièces de terre, jardinage et herbage, situées à Bordeaux-Saint-Clair, d’une superficie de 1,38 ha (Journal de Rouen du 8/9/1910).
  • Dans le cadre de la licitation Hébert, ont été mis en vente en 1911 un fonds de commerce de boulangerie, n°22 rue du Marché à Etretat, mis à prix 6.000 francs, et une grande maison d’habitation sise au même lieu, à usage de boulangerie, 198 m², louée 800 francs, mise à prix 6.000 francs (Journal de Rouen du 19/6/1911).

Terrains agricoles

  • Une pièce de terre en labour de 6764 m², sise à Etretat, sur le Bon Mouchel, exploitée par Mr Joseph Ledentu est mise à prix 1000 francs en 1897 (Journal de Rouen du 23/8/1897).
  • Un terrain maraîcher dans le Grand Val, contigu au jardin public, d’une superficie de 5437,25 m², jouissance libre en octobre est mis à prix 4500 francs et un autre terrain maraîcher longeant la promenade publique, d’une superficie de 3958,87 m², est mis à prix 6000 francs en 1899 (Journal de Rouen du 30/7/1899).

La vie politique

En 1898 l’affaire Dreyfus prend une dimension considérable en France et divise fortement l’opinion publique. Étretat n’échappe pas à cette fièvre nationale et une bagarre éclate le 1er septembre 1898 entre dreyfusards et anti-dreyfusards parmi la population parisienne en villégiature à Étretat. L’origine du pugilat est l’apposition d’affichettes du journal Le Siècle par le fils du maire d’un arrondissement parisien, en réponse au discours de Cavaignac sur l’affaire Dreyfus. Mr Daniel, journaliste parisien, aidé de deux dames, déchira une de ces affiches, placée sur une propriété proche du Casino. Mr Gustave-Adolphe Hubbard, ancien député radical socialiste, qui était dreyfusard, gifla Mr Daniel qui répliqua par un coup de poing. L’effervescence a gagné les baigneurs, divisés entre dreyfusards et antisémites (Journal de Rouen du 3/9/1898).
L’autre grand sujet de dissension des Français à cette époque, la loi de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905 et la querelle des inventaires qui s’ensuivit, semblent avoir provoqué moins de remous à Étretat. En conséquence de cette loi, les biens de la fabrique d’Étretat furent attribués au bureau de bienfaisance (Journal de Rouen du 11/9/1909) ; les actes anti-religieux constatés au mois d’août (Journal de Rouen du 30/8/1909) ne sont peut-être qu’une coïncidence. Désormais propriétaire de l’église Notre-Dame, c’est la municipalité étretataise qui doit assumer les réparations à faire à l’édifice, dont le chiffrage (9858 francs) est transmis par l’architecte en chef des Monuments Historiques au conseil municipal ; l’Église participe au paiement des travaux de restauration au moyen d’une souscription (Journal de Rouen du 3/12/1912 et du 11/6/1913, Petit Havre du 4/3/1914). Dans le contexte de la campagne électorale des législatives de 1914, le député de la circonscription, Georges Bureau, accusé d’anticléricalisme par le journal Le Havre-Éclair, se défendit dans une lettre ouverte en se plaçant sur le strict respect de la laïcité et de la neutralité républicaine (Petit Havre du 23/4/1914). Candidat de la gauche modérée, Georges Bureau tient à Étretat le 21 avril une réunion électorale qui réunit plus de 350 partisans ; lors du scrutin, le 26 avril, il recueille à Étretat 274 voix sur 551 inscrits et 430 votants, contre 140 à son principal adversaire, Mr Gaillard. Largement réélu, sa victoire est fêtée à Étretat le lendemain ; un cortège, accompagné par la Fanfare d’Étretat et la Musique de Fécamp, s’est rendu de la place de la mairie à la villa Médéric où habitait Georges Bureau ; Georges Flory, maire, François Jeanne, adjoint, le conseil municipal et plusieurs maires et adjoints des communes voisines, accompagnés de percepteurs, receveurs buralistes, employés de chemin de fer, de délégations de pompiers, d’une délégation des marins d’Étretat, etc. participaient au cortège. Mr Bureau a reçu dans le jardin de sa propriété et des gerbes de fleurs ont été remises par la société fraternelle de Fécamp ainsi que par Mr Miquignon, chef de la fanfare d’Étretat. Mr Flory a prononcé un discours de félicitation pour « le triomphe des idées républicaines dans la 3e circonscription » (Petit Havre du 24/4/1914, 26/4/1914, 27/4/1914 et 28/04/1914). L’hostilité latente entre cléricaux et laïcs se manifesta surtout à travers la rivalité entre les deux sociétés musicales dont on a déjà parlé, les « Guyeux » (du nom du chef de la fanfare de la Plage, l’horloger-bijoutier Leguy) se rangeant dans la première catégorie et les « Cabaleux » (de la fanfare des Enfants d’Étretat, dirigés par Charles Miquignon), dans la seconde.
La vague anarchiste des années 1890 et de l’avant-guerre resta à l’écart d’Étretat ; l’affichage de placards anarchistes en 1907 fut le fait de jeunes militants étrangers à la commune et lorsque le maire d’Étretat, Georges Flory, se fit tirer dessus le 13 avril 1910 par un nommé Josserand se réclamant de l’anarchie, c’est à Paris, en plein Palais de Justice, que cela se passa ; Georges Flory, qui présidait la 8e chambre au tribunal civil de la Seine, n’a pas été touché (Journal de Rouen du 14/4/1910).
En 1913, la tension croissante des rapports avec l’Allemagne et la militarisation du pays qui s’annonce trouvèrent leur écho à Étretat, où des inconnus ont lacéré une affiche de recrutement de l’armée de mer apposée sur un bâtiment communal, place de la Mairie, et ont tracé des inscriptions antimilitaristes sur le monument (Journal de Rouen du 31/1/1913).

Les élections locales

Sans surprise, le scrutin municipal de 1896 met en place à Étretat un conseil entièrement républicain (Journal de Rouen du 4/5/1896 et du 11/5/1896). En effet les étretatais avaient préféré très majoritairement le candidat républicain au candidat conservateur lors des élections législatives de 1889 et plus encore lors du scrutin de 1894 (Journal de Rouen du 23/1/1894).
Aux élections municipales du 6 mai 1900, les 382 votants (sur 512 inscrits) élurent Mrs Bureau, conseiller sortant (389 voix) (sic), Alexandre Chouet, conseiller sortant (347 voix), Georges Flory (340 voix), Duclos (317 voix), Acher (315 voix), Boissaye, conseiller sortant (313 voix), Maillard, conseiller sortant (278 voix), Prosper Brindejont, conseiller sortant (226 voix), Aubert (222 voix), Palfray (220 voix), Durin, conseiller sortant (218 vois), Savalle, conseiller sortant (218 voix), Lemonnier (208 voix), Mondeville (204 voix), Crochemore (200 voix) et Édouard Guinand (197 voix) (Journal de Rouen du 7/5/1900).
À l’issue des élections municipales du dimanche 3 mai 1908 Mrs Duvernoy, Vincent, Paumelle, candidats radicaux, et Mrs Dumont, Fannonel, Savalle, candidats républicains, furent élus. Georges Flory fut élu maire par 11 voix et François Jeanne adjoint par 3 voix (Journal de Rouen du 11/5/1908 et du 28/5/1908).
Sont élus au premier tour des élections municipales du 5 mai 1912 : Mrs Georges Flory, François Jeanne, Prosper Brindejont, Gustave Bureau, Coutant, Léon Duclos, Emile Fanonnel, Félix Level, Paul Maillard, Georges Mondeville, Bénoni Paumelle, Gervais Savalle, Benoît Vatinel, Léon Vimont, Jules Duvernoy, Edmond. Au scrutin de ballottage du 12 mai, Mr Enz, progressiste, est élu par 187 voix. Georges Flory est réélu maire et François Jeanne est réélu adjoint (Journal de Rouen du 6/5/1912, 14/5/1912 et 20/5/1912).
On retrouve les mêmes noms parmi les délégués aux élections sénatoriales : en juillet 1898 les délégués sénatoriaux d’Étretat furent Mrs Boissaye, Bureau et Brindejont, le suppléant fut François Jeanne (Journal de Rouen du 29/6/1898). Aux élections sénatoriales de 1912, les délégués sénatoriaux titulaires étaient Mr Flory, maire d’Etretat et son adjoint François Jeanne, Mr Mondeville étant le suppléant (Journal de Rouen du 30/11/1911). Les mêmes personnes, auxquelles s’ajoute Prosper Brindejont comme titulaire, sont nommées pour l’élection sénatoriale du 21 septembre 1913 (Journal de Rouen du 21/8/1913).
L’article 52 de la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l’organisation de l’enseignement primaire a institué la désignation de délégués cantonaux par les conseils départementaux de l’instruction primaire chargés de veiller au bon fonctionnement des écoles publiques et privées. Ces délégués étaient élus pour 3 ans et assuraient le contact entre le conseil départemental et les autorités locales. En 1913 les délégués du canton de Criquetot étaient les principales figures politiques d’Étretat : Mr Bureau, député, le Dr Fidelin, conseiller général, le maire Mr Flory et son adjoint Mr Jeanne, personnalités auxquelles s’ajoutait une femme, Mme Coutant (Petit Havre du 23/02/1914). Les mêmes personnes cumulaient ainsi un nombre important de fonctions.

Climat et météo

Quelques épisodes climatiques extrêmes se produisirent durant cette période. Lors de l’hiver 1896-1897, à cause de la neige accumulée sur la ligne de chemin de fer où des congères pouvaient atteindre près de deux mètres de haut, la circulation des trains entre les Ifs et Étretat fut interrompue du 23 au 25 janvier. Pour rappel, durant l’hiver 1867, Étretat et Yport furent bloqués par les neiges et un vapeur de Fécamp, le Lancaster, dut aller ravitailler les habitants (Journal de Rouen du 26/1/1897 et du 27/1/1897).
Sur la côte, le vent est évidemment bien plus à craindre que le froid. Le 28 décembre 1900, c’est une forte tempête qui frappe la côte, causant des dégâts importants à Fécamp et au Havre et entraînant plusieurs naufrages en Manche et la disparition de plusieurs marins (Journal de Rouen du 30/12/1900). Nous avons déjà évoqué dans un autre article la tempête de septembre 1903 qui a causé des dégâts aux installations balnéaires (http://www.etretat.carnetsdepolycarpe.com/2020/03/29/le-climat-etretatais/). Celle du printemps 1908 provoque l’échouage du sloop Jeune-Gui (Journal de Rouen du 26/4/1908, du 1/5/1908 et du 12/6/1908). La tempête d’octobre 1909 jette à la côte le Zuyderzee (Journal de Rouen du 30/10/1909). En novembre 1910, suite à une tempête, un mât de 19 mètres de long a été recueilli à Étretat (Journal de Rouen du 1/12/1910). En mars 1914, c’est la tempête qui provoque l’inondation que nous avons évoquée plus haut.

Comme de nos jours, la mer offrait un spectacle gratuit attirant de nombreux spectateurs les jours de gros temps

L’éphéméride des faits divers

Par chance, le Journal de Rouen ne dédaignait pas les faits divers, même les plus insignifiants, qui sont souvent relatés dans le moindre détail. Cette appétence nous permet aujourd’hui une représentation circonstanciée de la vie quotidienne étretataise. Accidents (le plus souvent sans gravité, heureusement), débuts d’incendie (il ne faut pas laisser les enfants jouer avec les allumettes), menus larcins (sévèrement punis), suicides (déjà), noyades (on est quand même en bord de mer), émaillent le cours des années. Les évènements les plus dramatiques sont les naufrages dont on a parlé précédemment.
La belle saison, durant laquelle la population augmente et se modifie, voit une relative augmentation des incidents. Durant la morte saison, les villas vides sont aussi une cible tentante pour les visiteurs indélicats. Les patronymes sont parfois retranscrits par les journalistes (ou les typographes) de façon fantaisiste ; nous avons restitué l’orthographe correcte dans la mesure du possible.

1895

  • Le 20 juin 1895, à 8 heures du matin, Léon Lesueur, de Thérouldeville, 43 ans, conducteur de la voiture de Fécamp à Étretat, tombe sous les roues de sa voiture en descendant la côte à Étretat ; soigné à l’hôtel Omont, il succombe à ses blessures vers 15 heures (Journal de Rouen du 21/6/1895)
  • Le 3 novembre, Paul Beuzebosc, 42 ans, négociant à Fécamp, se rendant à vélo du Tilleul à Fécamp, a été attaqué rue Offenbach, en face de la mairie, par un gros chien appartenant à Mr Deck, maître d’hôtel. Blessé dans la chute, Mr Beuzebosc a été soigné chez Mr Omont, hôtelier, avant d’être transporté en voiture à son domicile à Fécamp (Journal de Rouen du 5/11/1895)

1896

  • Le 5 janvier, un début d’incendie d’origine inconnu s’est déclaré vers midi dans la chambre de Charles Médrinal, libraire rue Alphonse Karr. Le feu a été maîtrisé par les occupants et les voisins mais les dégâts sont évalués à 1200 francs (Journal de Rouen du 5/1/1896).
  • Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1896, un malfaiteur a pénétré à l’aide d’une fausse clef dans le magasin de Mr Edouard Vallée, gérant d’un dépôt de bicyclettes place du Marché, et y a dérobé une bicyclette de dame d’une valeur de 275 francs (Journal de Rouen du 18/7/1896).
  • Le 11 décembre, les voisins de Célina Aubry, 70 ans, ne l’ayant pas vu vaquer à ses occupations habituelles, ont pénétré chez elle et l’ont trouvée pendue dans la cage d’escalier. Le corps était encore chaud mais la femme n’a pu être ranimée. Mme Aubry était dépressive depuis quelques temps déjà (Journal de Rouen du 14/12/1896).
  • Pour finir l’année en beauté, cette nouvelle assez surréaliste : le sémaphoriste en second d’Étretat a été attaqué le 12 décembre, vers minuit, dans les environs de l’église, par un homme travesti en femme qui lui a dérobé une bague de la main gauche (Journal de Rouen du 14/12/1896 et du 16/12/1896).

1897

  • Mme Désumont est condamnée à 5 francs d’amende au tribunal correctionnel du Havre le 13 janvier pour avoir négligé de prendre un billet de train des Ifs à Étretat pour son enfant de 3 ans et demi et avoir déclaré qu’il avait moins de 3 ans et bénéficiait donc de la gratuité ; le chef de gare d’Étretat, qui ne rigolait pas avec le règlement, l’a traînée devant les tribunaux (Journal de Rouen du 16/1/1897).
  • Des cambrioleurs ont escaladé le mur de clôture de la villa de Mr James, demeurant à Paris et ont pénétré dans la maison où ils ont fouillé les meubles et ont dérobé différents biens pour une valeur de quelques centaines de francs. C’est la deuxième fois en trois mois que la villa est visitée (Journal de Rouen du 12/2/1897).
  • Deux cyclistes en villégiature à Étretat, Mlle Magnus et Mr Piedfort Milet, négociant au Havre, sont entrés en collision. Mr Piedfort Milet a été blessé à la tête (Journal de Rouen du 12/8/1897).

1898

  • Le mousse étretatais Albert Vallin, âgé de 16 ans, a été étranglé au Havre le 28 août par un matelot breton de 28 ans nommé François-Marie Le Trocquer. Celui-ci aurait agi dans un accès de « passion honteuse ». Albert Vallin débarquait du trois-mâts Georgina Auger et avait rendu visite à son oncle Léon François Vallin, pontier au Havre. Le 30, l’oncle a reçu une lettre de Le Troncquer avouant son crime et indiquant que le cadavre se trouvait dans un champ derrière le cimetière Sainte-Marie. La mère d’Albert Vallin, habitant Étretat, avait reçu de son côté une lettre lui annonçant la mort de son fils au cours d’une rixe (Journal de Rouen du 31/8/1898).

1899

  • Le 26 mai 1899, Mr Capelle, contremaître de l’usine à gaz, revenant à bicyclette d’une mission à Criquetot que lui avait confiée Élie Viéville, directeur de l’usine, a percuté violemment le mur d’une maison de la rue de l’abbé Cochet en descendant la route du Mont. Il a été ramassé par Mr Levasseur, caviste, et soigné par le Dr Fidelin dans l’appartement qu’il occupe dans l’usine. Victime d’une fracture du crâne, il a succombé à ses blessures sans avoir repris connaissance (Journal de Rouen du 30/5/1899 et du 1/6/1899).
  • Le 16 juillet au soir, début d’incendie dû à une lampe à pétrole se déclenche chez Émile Hoisey, boulanger rue Alphonse Karr. Le feu a été éteint par des voisins, dont Mrs Jeanne et Lachèvre qui avaient aperçu la lueur ; les dégâts sont minimes (Journal de Rouen du 19/7/1899).
  • Le 13 août 1899, Mr Desfossés, fils du patron de presse parisien, circulant dans un tricycle automobile, a renversé Rosalie Leporc, 68 ans, qui traversait la rue Notre-Dame et qui a été légèrement blessée (Journal de Rouen du 16/8/1899).
  • Le 14 août, alertés par des touristes, le canotier Lucien Dalibert et le maître baigneur Recher tentèrent en vain de retrouver un baigneur qui avait été aperçu à 300 ou 400 mètres du bord. Les vêtements retrouvés dans une cabine de l’établissement de bains et la déclaration par Mr Deck de la disparition d’un de ses pensionnaires permirent d’identifier le disparu comme étant Edouard Ray Thomson, 53 avenue Montaigne à Paris . Son cadavre a été retrouvé le 20 août par le torpilleur 106, à 300 mètres des jetées de Fécamp (Journal de Rouen du 17/8/1899 et du 21/8/1899).
  • Le 22 août, la gendarmerie d’Etretat a arrêté deux repris de justice qui s’étaient présentés chez Mmes Belloncle et Lemonnier, rue de la Vallette et les avaient intimidées pour obtenir des dons (Journal de Rouen du 24/8/1899).
  • Le 9 août, Mr Cramoisan, gardien de la villa de Mme la comtesse de Bausset, demeurant à Paris, s’est aperçu que des malfaiteurs s’étaient introduits dans la ville par effraction mais sont repartis bredouilles car les meubles étaient vides (Journal de Rouen du 12/10/1899).

1900

  • Le 22 février, à l’Hôtel Drouot, le tableau d’Eugène Boudin : Plage d’Étretat a été vendu 2550 francs (Journal de Rouen du 22/2/1900).
  • Tentative de vol avec effraction dans le chalet appartenant à Mr Ollivier, rentier, demeurant à Rouen ; un volet a été arraché et un carreau brisé (Journal de Rouen du 10/5/1900).
  • Déraillement d’un train sans conséquence funeste le 4 juillet 1900 à la gare d’Étretat (Journal de Rouen du 5/7/1900).
  • Mme Reinhart, en villégiature à Étretat, a heurté une voiture en descendant en vélo la rue de l’abbé Cochet ; elle a eu la jambe cassée (Journal de Rouen du 3/9/1900).
  • Le 17 novembre 1900 Édouard Aubry, 34 ans, mareyeur demeurant aux Loges, tombe de la voiture chargée de harengs qu’il conduisait ; une roue de la voiture lui passe sur le corps et il perd connaissance ; trouvé au pied d’un mur sur la route du Havre, il a été transporté chez Mr Delamare, aubergiste et a été soigné par le Dr Fidelin (Journal de Rouen du 21/11/1900).
  • Le 17 décembre1900 François Fauvel, 36 ans, cordonnier, a heurté un des brancards de la voiture de Mr Debain qui stationnait devant son domicile rue Isabey pour effectuer des livraisons ; il a été blessé au bas-ventre (Journal de Rouen du 12/12/1900).
  • Mme veuve Liberge, cultivatrice à Bordeaux-Saint-Clair, a été victime d’individus qui, profitant du moment où elle livrait du lait au hameau du Petit-Val, ont vidé par terre le contenu des brocs chargés dans sa voiture à bras stationnée près d’un bec de gaz rue Notre-Dame ; le lendemain c’est un de ses brocs, contenant 8 litres de lait, qui a été volé. Une plainte a été déposée (Journal de Rouen du 21/12/1900).

1901

  • Gaston Vallin et Pierre Paumelle se font connaître à New York grâce à une bouteille à la mer jetée d’un paquebot, au milieu de l’Atlantique, par William Baumert, conseiller municipal de New York. La bouteille contenait un message promettant 25 $ de récompense à qui renverrait le billet. Les deux matelots étretatais recueillirent dans les vagues du bord de mer la bouteille intacte et écrivirent au notable new-yorkais qui tint parole (Journal de Rouen du 7/1/1901).
  • Léon Lelaume, 13 ans, se fracture la jambe droite en sautant un mur pour aller chercher une balle. (Journal de Rouen du 17/4/1901).
  • Un escroc se faisant appeler Joseph Dubourg et se présentant comme architecte à Paris, a fait deux victimes : Mme veuve Drouet (sic, probablement Blanquet), l’hôtelière chez qui il logeait, et Mr Frédéric Enz, serrurier, à qui il a dérobé un tricycle et une bicyclette (Journal de Rouen du 28/7/1901).
  • En l’absence de leur mère Félicie Coquin partie travailler, Louis Coquin et son jeune frère de 6 ans provoquèrent un début d’incendie en voulant cuisiner sur une lampe à alcool ; le feu fut maîtrisé par l’abbé Cauvin venu à la rescousse (Journal de Rouen du 14/8/1901).
  • Mme Saillard (sic), rentière en villégiature à Étretat, s’est fait dérober une bourse en or qu’elle avait oubliée sur la terrasse du Casino (Journal de Rouen du 23/8/1901).
  • Des machines automatiques placées au début de la saison sur la terrasse de l’hôtel Laffont par Mr Louis Plasse, fondé de pouvoirs de l’Automatic-Sports, ont été vandalisées (Journal de Rouen du 17/9/1901).
  • Jeudi 3 octobre, le corps mutilé de Jean Fournier, garçon de salle à  l’hôtel des Roches, a été découvert sur la plage au pied de la falaise ; le Dr Fidelin a constaté la présence de nombreuses fractures. On ignore s’il s’agit d’un suicide ou d’un accident (Journal de Rouen du 6/10/1901).

« Le Drame d’Étretat »

Pour Étretat, la plus grosse affaire de la Belle Époque éclata en septembre 1902 : un crime à Étretat, ce n’est pas tous les jours ! De plus, les protagonistes étaient des gens du monde et non de simples crapules. Les journaux en firent leur chou gras pendant plusieurs mois. Voici les faits :
Mr Lucien David, coulissier parisien, résidant en villégiature à la villa Louise 6, rue Offenbach avec sa famille, est assassiné le 21 septembre 1902 en plein rue, en face de la villa Orphée, de 6 coups de revolver tirés par Mr Marie Jean Baptiste Léon Sindou dit Syndon, un artiste peintre parisien natif de Caniac (Lot), qui entretenait une relation passionnelle avec Mme David. La scène se déroula sous les yeux de plusieurs témoins dont Mr Leprévost, jardinier à Étretat, et de sa femme, qui cheminaient dans cette rue. Les premières déclarations de Syndon sont recueillies par Mr Guesdon, gendarme à Étretat et par Ulysse Hardy, brigadier de gendarmerie à Étretat. A l’issue de son procès, à la cour d’assises de Seine-Inférieure, Syndon est reconnu coupable d’homicide volontaire sans préméditation, bénéficie de circonstances atténuantes et est condamné à 10 ans de travaux forcés le 29 novembre 1902 (Journal de Rouen du 23/9/1902, du 24/9/1902, du 25/9/1902, du 26/9/1902, du 27/9/1902, du 28/9/1902, 29/9/1902, 30/9/1902, 1/10/1902, 2/10/1902, 3/10/1902, 5/10/1902, 6/10/1902, 1/11/1902, 6/11/1902, 29/11/1902, 30/11/1902, 15/8/1904). La peine fut commuée en dix ans de réclusion. Après sa libération il prit le nom de sa grand-mère et signa ses toiles Syndon-Faurie ou simplement Faurie. Il mourut à Paris en 1937. Ses œuvres sont rares sur le marché mais bien cotées.

1902

  • Jules Lespingal, caissier à l’hôtel des Roches Blanches dirigé par Mr Paul Lafond, s’enfuit le 15 juillet 1902 avec la caisse, une somme de 1.077 francs appartenant à Mr Lafond et 1.117 francs mis en dépôt par les voyageurs.  Jules Lespingal est condamné, le 5 mai 1903, à 2 mois de prison ferme, peine confirmée par le tribunal correctionnel du Havre (Journal de Rouen du 27/1/1902 et du 26/1/1904).
  • Mme Ouf, marchande de meubles, a trouvé un soir Joseph Beaufils, mousse, âgé de 16 ans, caché dans son magasin où il avait dérobé 26 francs dans le tiroir du comptoir. Il a été remis à la gendarmerie (Journal de Rouen du 10/2/1902).
  • Louis Leleu, marin demeurant cour Bernard, s’est fait dérober deux pièces de 5 francs posées sur la table de sa cuisine au rez-de-chaussée pendant qu’il faisait sa toilette au premier étage (Journal de Rouen du 9/4/1902).
  • Marie Loisel, née à Étretat en 1878 et demeurant chez ses parents à Yport, est condamnée à deux ans de prison pour avoir tué son enfant nouveau-né le 1er août 1902, d’un coup de ciseaux dans le cou (Journal de Rouen du 21/11/1902).
  • Parution en feuilleton, dans le Journal de Rouen, en septembre-novembre 1902, du roman « Hésitation sentimentale » d’Hermine Lecomte du Nouy. Née Oudinot, l’écrivaine était l’épouse d’un architecte et la propriétaire de la villa « Le Haut Mesnil« . C’était une amie de Guy de Maupassant.

1903

  • Victor Lecacheur a été arrêté par la gendarmerie pour vol d’une somme de 8 francs dans la caisse du café d’Albert Lacombe, rue Alphonse Karr, où il était entré pour consommer (Journal de Rouen du 16/2/1903).
  • Un jeune employé de la maison Duvivier à Fécamp, Georges Vatiné (sic), âgé de 14 ans, a été recueilli en mer, à 6 milles du rivage, le 24 juin à 3 heures du matin, par un Vatinel d’Étretat qui rentrait au port. L’adolescent s’est déclaré somnambule et ignore comment il était parti de Fécamp seul en mer dans un doris (Journal de Rouen du 26/6/1903).
  • Joseph-Victor Picard, administrateur de la société les Ouvriers à Étretat, reçoit la médaille de bronze de la Mutualité (Journal de Rouen du 15/7/1903).
  • Le 13 juillet, la maison de la famille Naze, avenue de la Gare, connaît un début d’incendie, provoqué par un enfant du couple, âgé de 6 ans (Journal de Rouen du 17/7/1903).
  • Séraphin Garcia, 19 ans, employé espagnol d’Ange Diego, fabricant de plaisir demeurant rue Dorus, a dérobé à son patron une somme de 80 francs dans la nuit du 22 au 23 juillet avant de prendre la fuite (Journal de Rouen du 25/7/1903).
  • Au Casino, représentation de « la Souris » avec Blanche Toutain (actrice alors en renom) dans le rôle principal (Journal de Rouen du 27/7/1903).
  • Le photographe parisien Antonin Neurdein, qui était en villégiature à la villa des Rosiers, a été renversé par une voiture à cheval alors qu’il circulait en bicyclette route de Criquetot avec un ami photographe (Journal de Rouen du 23/8/1903). Antonin Neurdein et son frère Etienne éditaient des cartes postales d’Étretat estampillées ND.
  • Un portefeuille contenant 2.100 francs en billets de banque et chèques anglais a été dérobé à l’hôtel Blanquet dans le bureau de sa directrice, Mme Céline Deck (Journal de Rouen du 10/9/1903).
  • Le cadavre d’une femme, Mme veuve Louise Delbran, 33 ans, de Dijon, vraisemblablement suicidée, a été découvert le 9 septembre sur la plage (Journal de Rouen du 10/9/1903).
  • Marcel Dubosc, 28 ans, cafetier à Étretat, prend à partie un cultivateur de La Poterie à l’intérieur de l’autocar allant d’Étretat au Havre et lui assène des coups de poing (Journal de Rouen du 18/11/1903 et du 21/11/1903).
  • Au soir du 20 décembre Pierre Daussy, 42 ans, cocher chez Mme veuve Deck-Blanquet, a été agressé par quatre individus sur la route de Beuzeville à Étretat, alors qu’il venait de conduire l’abbé Vallin à la gare (Journal de Rouen du 23/12/1903).

1904

  • Une caïque partie d’Étretat avec cinq jeunes gens de Saint-Jouin est secourue par le Félix-Faure, de Fécamp (Journal de Rouen du 5/2/1904).
  • Le 3 mars 1904, Joseph Duchemin, 29 ans, ouvrier de l’ébénisterie de Mme Ouf, route du Havre, est sévèrement brûlé aux mains et aux jambes par une bouteille de gazoléine qui s’est cassée devant la cheminée de l’atelier. Son frère Arthur, 36 ans, est plus légèrement brûlé. Les victimes ont été soignées par le pharmacien, Auguste Roger, puis par le Dr Fidelin (Journal de Rouen du 6/3/1904).
  • Mme Alexandrine Gentil s’est fait dérober une paire de ciseaux et une montre en argent à son domicile, rue Anicet-Bourgeois, pendant qu’elle était partie cueillir de l’herbe pour ses lapins (Journal de Rouen du 16/7/1904).

1905

  • Mme François Lebourgeois, cultivatrice de 67 ans, venue acheter du poisson à Étretat avec une voiture à bras, est renversée par l’omnibus Le Havre-Étretat conduit par Mr Émile Voyer ; Mme Lebourgeois a été soignée par le Dr Fidelin (Journal de Rouen du 9/7/1905).
  • Charles Savalle, 10 ans, fils d’un cultivateur de Bordeaux Saint-Clair, a été renversé à Étretat par la moto conduite par Mr André Gassner, de Liverpool, sur la route de Fécamp en face du jardin public, lors du dépassement d’une charrette chargée de fourrage. L’accident fait deux blessés (Journal de Rouen du 18/7/1905).
  • Deux cambrioleurs sont rentrés par effraction dans la villa appartenant à Mr Perrard, demeurant rue Réaumur à Paris et située route du Havre à 800 mètres d’Étretat. Ils ont mangé dans la maison, brûlé des livres, brisé des œuvres d’art et de la vaisselle et emporté des objets de literie. Ils ont été arrêtés (Journal de Rouen du 6/9/1905).

1906

  • La médaille d’argent de la mutualité est accordée  à Félix Palfray, vice-président de la société de secours mutuels des ouvriers d’Étretat (Journal de Rouen du 20/4/1906).
  • Henri Mallet, 9 ans, a brisé la glace du magasin de Mme Albertine Miquignon, épicière rue Alphonse Karr, en lançant une pierre à des camarades (Journal de Rouen du 17/5/1906).
  • Mme Marguerite Hequet, 24 ans, domestique à l’hôtel Notre-Dame, a été renversée par une automobile conduite par Mr Atthysens, homme de lettres parisien en villégiature à Étretat ; elle a été légèrement contusionnée (Journal de Rouen du 4/7/1906).
  • Louis Charles Barbey sergent pompier à la subdivision d’Étretat, se voit remettre une médaille (Journal de Rouen du 15/7/1906).
  • La homarderie du vivier de Mme Joseph Baril, marchande de poissons, située sur la plage d’Étretat, a été ouverte durant la marée basse et 12 homards ont été dérobés pour une valeur de 60 francs (Journal de Rouen du 13/8/1906).
  • Dans la nuit du 18 au 19 août, deux bicyclettes ont été volées dans le garage de l’hôtel Balant (ex-Hauville) par Louis Warnier, 23 ans, ancien clerc d’huissier devenu 2e garçon d’écurie à l’hôtel. Il a été condamné à 6 mois de prison (Journal de Rouen du 22/8/1906 et du 7/11/1906).
  • Une fillette de 2 ans s’est fracturé les deux jambes en tombant de la galerie entourant la salle du garage de ses parents ; elle a été soignée par le Dr Fidelin (Journal de Rouen du 22/10/1906).
  • L’association cultuelle « église réformée évangélique d’Étretat », ayant pour but de développer le culte réformé évangélique dans le canton de Criquetot et d’assurer la célébration du culte à Étretat a été déclarée au J.O. le 16 novembre 1906 (Journal de Rouen du 24/11/1906)

1907

  • Mlle Bellanger, épicière et débitante à Étretat, a porté plainte contre Marcel Deneuve, 17 ans, terrassier aux Loges, pour vol commis dans sa boutique (Journal de Rouen du 25/4/1907).
  • Marie Hauville, 39 ans, domiciliée 43 rue Isabey, veuve depuis 6 ans de Mr Bisson, bourrelier, eut en avril 1904 une fille qu’elle mit en nourrice chez les époux Fréval à Bordeaux-Saint-Clair ; ne pouvant plus payer la pension, elle emmena sa fille de 3 ans au Havre où elle l’abandonna dans l’église Sainte-Marie. Confiée à l’assistance publique, la fillette fut inscrite à l’état-civil sous le nom de Marie Deléglise avant que son identité soit établie en mai 1907 (Journal de Rouen du 26/5/1907).
  • Emile Gervais, 22 ans, étudiant et Marcel Prévost, 19 ans, sans profession ont été arrêtés à Étretat pour avoir collé des affiches anarchistes (Journal de Rouen du 22/7/1907).
  • Désiré Trinquet, 33 ans, garçon d’écurie chez Mr Omont, camionneur route du Havre, a fait une chute de 3 mètres chez son employeur. Il a été pris en charge par les Drs Paillard et Fidelin (Journal de Rouen du 24/8/1907).
  • Mr Ulrich de la Blanchetais, propriétaire de l’hôtel des Roches, a porté plainte pour le vol de 12 couverts en argent pour une valeur de 100 francs (Journal de Rouen du 12/9/1907).
  • Ernest Roger Déhais, maître au cabotage, né le 29/11/1870 à Étretat et François Isidore Coquin, né le 4 janvier 1865 à Étretat, matelot, sont nommés aspirants-pilotes à la station de Fécamp le 8 octobre 1907 (Journal de Rouen du 12/10/1907).
  • Mr Lebouteiller, capitaine de l’Europe, est condamné par le tribunal commercial maritime de Fécamp à six jours de prison avec sursis pour avoir frappé le mousse Vallin, d’Étretat et le mousse Panel de Saint-Valéry-en-Caux (Journal de Rouen du 31/10/1907).

1908

  • Miss Glacia Calla Carkins, une aventurière qui avait acheté Le Blanc Castel au colonel Henry Mapleson, ancien directeur de l’Opéra de New York, se retrouve au centre d’une obscure affaire de meurtre commise aux États-Unis par Paul Roy, un de ses conjoints successifs (Journal de Rouen du 29/2/1908).
  • Trois cambriolages de pavillon consécutifs en quelques jours à Étretat, le dernier en date rue de l’abbé Cochet dans la propriété de Mme veuve Fouchet, propriétaire à Paris, où les malfaiteurs se sont introduits après avoir percé un trou dans le mur de la cave. Ils sont repartis bredouilles (Journal de Rouen du 20/3/1908)
  • Un incendie se déclare le 27 juin 1908 à 7 heures du matin dans le grenier de la maison du garde de la propriété de la marquise de Vassoigne, à partir de flammèches sortant de la cheminée de la buanderie voisine. Le feu est maîtrisé par les pompiers une heure plus tard (Journal de Rouen du 28/5/1908).
  • Le soir du 14 juillet, à l’occasion de la retraite aux flambeaux, Jeanne Coignet, 14 ans, qui était accompagnée de Marie Bataille, est violée par Paul Lécuyer, dit Leblond, âgé de 15 ans, avec la complicité de Georges Lebas, 20 ans, tous deux domestiques chez Mr Omont, hôtelier et cultivateur. Jeanne Coignet n’ose raconter son agression que le lendemain. Lebas et Lécuyer ont été arrêtés et emmenés au Havre (Journal de Rouen du 18/7/1908).
  • Pascal Arthur Joseph Hamel, jardinier, perd deux de ses enfants en 24 heures, morts des mêmes maux : le 4 juin à 5 heures du matin, Marcel François Alexandre Hamel, 18 mois, est pris de vomissements et de diarrhées et décède à 21h30, malgré les soins du Dr Fidelin ; Lucienne Marie Marguerite Hamel, 5 mois, est atteinte des mêmes symptômes et décède le 5 juin à 10 heures du matin. Les décès sont attribués à une cholérine et à une entérite infectieuse. Quinze jours tard, leur sœur Germaine Hamel, 7 ans, est atteinte à son tour mais put être guérie en quelques heures. En raison des rumeurs d’empoisonnement qui circulent dans le village, la justice a été saisie. Une autopsie a été pratiquée à la morgue d’Étretat le 17 septembre par le Dr Balard d’Herlinville, médecin légiste réputé, en présence d’un juge d’instruction du parquet du Havre, qui entend les membres de la famille et les témoins des décès. Aucune trace de substance toxique n’est relevée ; le légiste attribue la mort à une entérite cholériforme (Journal de Rouen du 13/9/1908 et du 18/9/1908).
  • Déclaration de création du Syndicat d’initiative d’Étretat et des environs le 27 septembre 1908. Le siège est fixé 10, route du Havre (Journal de Rouen du 23/10/1908).

1909

  • Mr Vautier, garde assermenté du terrain de golf, est condamné par la cour d’appel de Rouen le 2 février 1909 à 100 francs d’amende pour braconnage sur la falaise, où il avait été surpris par les gendarmes à poser des collets (Journal de Rouen du 4/2/1909).
  • Ernest Morin, retraité des douanes, a découvert le corps d’un journalier sans domicile fixe nommé Paul Lecompte, sur la grève au pied de la falaise en face de l’hôtel des Roches Blanches. Le Dr Fidelin a conclu à une congestion due au froid (Journal de Rouen du 28/2/1909).
  • Le 17 avril 1909, lors de la réunion de la société de secours mutuel des marins d’Étretat, une médaille d’or a été offerte à Mr Brindejont, président de la société depuis 20 ans ; celui-ci a offert un vin d’honneur (Journal de Rouen du 20/4/1909).
  • Le 19 avril, Mr Allain, ouvrier maçon, est brûlé dans une tranchée lors de la vérification des joints des tuyaux en ciment d’évacuation des eaux, sa bougie ayant provoqué l’explosion des gaz accumulés ; il a été pris en charge par la pharmacie Larcher et le Dr Fidelin avant d’être admis à l’hôpital du Havre (Journal de Rouen du 23/4/1909).
  • Le tribunal correctionnel du Havre a jugé le 8 juin 1909 les responsables de vols commis dans la gare d’Étretat en septembre 1908 ; Leroux, conducteur de train a été condamné à deux mois de prison, Léon L., mécanicien, à un mois, Levivier, chauffeur, à un mois, Alfred D., homme d’équipe, à un mois ; son épouse et sa belle-mère, la veuve L. débitante à Étretat, sont condamnées à un mois de prison avec sursis (Journal de Rouen du 9/6/1909).
  • Sur mandat de Mr Vernis, juge d’instruction au Havre, la police a arrêté Henri Vallin, 40 ans, né à Étretat, ouvrier menuisier demeurant 24 rue d’Après-Mannevillette au Havre, secrétaire du syndicat du bâtiment, pour s’être opposé à la présence d’un commissaire de police dans la salle de la Maison du Peuple au Havre où allait se tenir une réunion de la grève des terrassiers ; il est inculpé de violences à magistrat dans l’exercice de ses fonctions. Il est condamné le 6 juillet à 10 jours de prison et 5 francs d’amende (Journal de Rouen du 30/6/1909 et du 7/7/1909).
  • Mme Victoire Angélique Cauvin, ouvrière lingère à l’hôtel Balant, rue Alphonse Karr à Etretat, reçoit la médaille d’honneur du travail (Journal de Rouen du 28/7/1909).
  • Une tentative d’incendie a eu lieu dans la chapelle de la Vierge à l’intérieur de l’église d’Etretat ; le sacristain, alerté par une personne, a trouvé un papier enflammé près de l’autel ; le feu avait gagné le tapis et la nappe. D’autres actes anti-religieux ont eu lieu peu de temps auparavant : le bénitier de la chapelle Notre-Dame de la Garde sur la falaise avait été rempli d’immondices et une inscription ordurière avait été griffonnée sur le mur (Journal de Rouen du 30/8/1909).
  • Dans la nuit du 6 au 7 novembre le cadavre d’une femme de 45 à 50 ans, vêtue d’un paletot en drap noir, fichu noir en laine, corsage gris rayé en coton, jupon gris, chemise grise en toile, bas noirs et pantoufles, possédant un mouchoir brodé aux initiales A.L., a été découvert sur la plage d’Etretat, dans la zone d’échouage. Dans la soirée du 6, vers 20 heures, cette femme avait été vue au café Barthélémy (Journal de Rouen du 10/11/1909).

1910

  • Mr Dominique Pays, 62 ans, né à Tarbes, horticulteur à Etretat, est nommé chevalier du Mérite Agricole (Journal de Rouen du 23/1/1910).
  • Albertine Le Hire, domestique chez Mme Marie Coquin, directrice d’une agence de location rue Mathurin Lenormand, a été arrêtée pour vol de 5 bagues en or chez sa patronne (Journal de Rouen du 1/6/1910).
  • Parution en feuilleton de l’Aiguille Creuse de Maurice Leblanc dans le Journal de Rouen (mai-juin 1910).
  • Un enfant de 6 ans a été tué le 6 août 1910 à Bréauté par la voiture automobile de Mr T., constructeur à Paris, qui revenait des obsèques à Étretat de Mr Boissaye, ancien maire (Journal de Rouen du 7/8/1910).
  • Le 27 août 1910, vers 17h30, Georges Fouquet, 28 ans, valet de chambre chez Mme Aubé, de Rouen, en villégiature route de Fécamp, a été emporté vers le large par une lame et s’est noyé alors qu’il prenait un bain face à l’hôtel des Roches Blanches. Il a été ramené à terre par Mr Marais, marin, mais n’a pu être ranimé. Le matin même le Dr Schroeber, de Paris, avait également failli se noyer (Journal de Rouen du 1/9/1910).
  • Mi-octobre 1910, grève des cheminots. Les relations sont interrompues entre Beuzeville et Etretat (Journal de Rouen du 16/10/1910).

1911

  • Deux ressortissants allemands ont été arrêtés pour avoir volé une somme d’argent dans les bagages de Mme Paul d’Ocagne à bord du train partant à 7h15 de la gare d’Etretat (Journal de Rouen du 4/8/1911).
  • Mr Lécuyer, boucher, a porté plainte pour vol de sa bicyclette (Journal de Rouen du 13/8/1911).

1912

  • Le 21 juillet 1912, Mr Morel, sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, inaugure un buste d’Alphonse Karr à Etretat (Journal de Rouen du 7/1/1913).
  • Un duel a été évité entre Mr Paul Level, qui s’estimait offensé par les propos que Mr Maurice Schloss aurait tenu sur son compte ; une entrevue entre Mrs Georges Bureau et Jean Trèves, représentants de Mr Level d’une part et  Mrs le colonel de Pommayrac et René Hayem, représentants de Mr Schloss d’autre part, a permis d’arranger le différend (Journal de Rouen du 24/8/1912).
  • Le 31 août, un accident d’automobile s’est produit entre Saint-Jouin et Cauville : en voulant éviter un enfant qui traversait la route du Havre à Etretat, l’auto dans laquelle se trouvaient Mr et Mme Stern et leur fils, en villégiature à Etretat, heurta un talus et un poteau télégraphique ; Mme Stern fut blessée à la tête (Journal de Rouen du 5/9/1912).
  • Le 13 septembre, Mlle Rollande, artiste lyrique au Casino d’Étretat, a été blessée lors d’un accident d’automobile près de la Forge de Saint-Jouin et n’a pu paraître sur scène. Le lendemain, Mlle Marie Vialle, bonne au service de Mme Klug, a été renversée par l’automobile de Mr Poulet (Journal de Rouen du 16/9/1912).
  • Le 26 novembre, représentation d’un vaudeville militaire au Cercle des Enfants à Etretat (Journal de Rouen du 26/11/1912).

1913

  • La médaille d’honneur accordée par le ministre du commerce et de l’industrie à François Eugène Aubry, ouvrier couvreur dans la maison François Jeanne à Etretat et à Arthur François Mathieu Duchemin, ouvrier tapissier dans la maison veuve Diogène Ouf à Etretat (Journal de Rouen du 23/1/1913).
  • Une mention honorable pour services rendus à la Mutualité est décernée à Mr Isidore Frank, membre honoraire de la société des Ouvriers à Étretat (Journal de Rouen du 19/2/1913).
  • Mr André Delaunay, de Criquebeuf, roualnt en vélo vers Fécamp, a renversé Mme Vatinel, d’Étretat, enceinte, qui a été blessée (Journal de Rouen du 23/3/1913).
  • La médaille d’honneur de la police a été accordée le 3 avril 1913 à Louis Buquet, garde-champêtre à Étretat (Journal de Rouen du 11/4/1913).
  • La médaille du prix Henri Durand a été décernée à Henri Lemonnier, marin d’Etretat, pour avoir sauvé la vie d’un homme dans l’avant-port du Havre le 2 janvier 1912 (Journal de Rouen du 23/5/1913).
  • Le 29 mai 1913, le cadavre de Mr Letestu, ramasseur de cailloux habitant La Poterie, a été retrouvé au pied de la falaise sur la plage des Gros Galets entre Antifer et Bruneval et ramené par les gendarmes à l’aide d’un canot. Il a été établi que Lestestu est tombé en allant ramasser des œufs de mouette après sa journée de travail (Journal de Rouen du 1/6/1913 et du 3/6/1913).
  • La Société havraise de protection des Animaux a déccerné une mention honorable à Mr Charles Lefebvre, brigadier de gendarmerie à Etretat (Journal de Rouen du 3/6/1913).
  • Deux cyclistes ont fait une chute près le l’épicerie Delahoulière le 8 juin ; ils ont été soignés par Mr Larcher, pharmacien (Journal de Rouen du 11/6/1913).
  • Les frères Gustave et Henri Omont, marchands de pommes, d’Étretat, ont été condamnés le 11 juin 1913 par le tribunal correctionnel d’Yvetot à un an de prison chacun pour avour fraudé sur le poids des pommes et avoir ainsi causé préjudice à l’Etat ; Henri a été arrêté alors qu’il partait pour la Belgique, Gustave est en fuite (Journal de Rouen du 15/6/1913).
  • La première étape du 11e Tour de France passe à Etretat le 29 juin 1913, pour une arrivée au Havre (Journal de Rouen du 29/6/1913).
  • Le Théâtre Antoine et son directeur, Mr Firmin Gémier, jouent au Casino d’Étretat (Journal de Rouen du 26/7/1913).
  • Le 28 juillet, Pierre Brutusse, 16 ans, garçon de salle à l’hôtel Hauville, s’est noyé près de la Fontaine d’Olive, devant la falaise d’Amont, en prenant un bain avec des employés de l’hôtel Blanquet ; Ernest Marais et Léon Bisson, baigneurs du Casino, venus en canot, ne purent le récupérer. Mr Henri Duclos, patron de caïque, et son équpage, repêchèrent avec un filet le corps qui fut transporté à l’hôtel Blanquet (Journal de Rouen du 1/8/1913).
  • Le 21 août 1913, une collision s’est produite à l’angle des rues Notre-Dame et de l’abbé Cochet entre la voiture de Mr Capron, hôtelier à Étretat, qui se rendait à la gare et une autre voiture. Un passager de Mr Capron a été légèrement blessé par des éclats de verre (Journal de Rouen du 24/8/1913).
  • Par décret du 18 septembre 1913, Sénateur Aubert est nommé lieutenant dans le corps des sapeurs-pompiers d’Étretat (Journal de Rouen du 21/10/1913).
  • La médaille d’honneur des vieux serviteurs a été attribuée à Alphonsine Crochemore à Étretat, 62 ans, pour 42 ans de services chez Mr Leleu (Journal de Rouen du 1/11/1913).

1914

  • Le 6 janvier 1914 au soir, une automobile appartenant à Mr Deschamps, loueur de voitures à Étretat, a été complètement détruite par un incendie dans le hangar de la ferme où elle était remisée. Elle a pu être sortie à temps du hangar dont les greniers étaient remplis de foin et les pompiers d’Étretat ont pu protéger les bâtiments voisins (Petit Havre du 9/1/1914).
  • Le 21 janvier 1914 Alexandre Hermel est condamné à 4 mois de prison par le tribunal correctionnel du Havre pour avoir pénétré par effraction dans le chalet d’Étretat appartenant à Mr Audinet, architecte à Paris, et y avoir volé une couverture en laine et deux taies d’oreiller (Petit Havre du 22/1/1914).
  • Mr Palfray, vice-président de la société de secours mutuel des Ouvriers d’Étretat, reçoit une médaille de bronze offerte par la fédération de Normandie pour 36 ans de service mutualiste (Journal de Rouen du 10/2/1914).
  • Auguste Jules Antoine Bouteuil, 27 ans, terrassier, sans domicile fixe, condamné à 2 mois de prison par le tribunal correctionnel du Havre le 20 janvier dernier pour mendicité et vagabondage à Étretat, a vu sa peine portée à 4 mois de prison par la cour d’appel de Rouen (Petit Havre du 17/2/1914).
  • Une mention honorable est accordée à Louis Théodule Ernest Tonnetot, secrétaire de la Société des Ouvriers d’Étretat (Petit Havre du 21/2/1914).
  • Le Dr Fidelin revenant en automobile avec sa famille de la gare d’Etretat à son domicile le 25 février au soir, est entré en collision au carrefour de la route du Havre et de la rue Alphonse Karr, en face du Café Parisien, avec une carriole dont le brancard vint trouer la capote de l’automobile sans faire de blessés (Petit Havre du 28/2/1914).
  • Alfred Auguste Bénard, 26 ans, cordonnier demeurant à Cuverville, s’est fait servir un repas de 2,40 frs qu’il n’a pas pu payer au restaurant tenu par Albert Tougard. Il a été arrêté par la gendarmerie et transféré au Havre (Petit Havre du 5/3/1914).
  • La médaille du trentenaire du travail est donnée à François Rose (Petit Havre du 19/3/1914).
  • Dans la nuit du 27 au 28 mars 1914, un violent incendie se déclenche dans la Villa des Vagues appartenant au baryton parisien Jean Baptiste Faure, rue Roussel, près de la Terrasse, entre l’hôtel des Roches Blanches et le Casino (il s’agit en fait de la villa des Roches). Le feu a été signalé vers minuit par Louis Duclos, marin. Les pompiers d’Étretat, dirigés par le lieuenant Sénateur Aubert, furent rejoints par les pompiers de Fécamp et par ceux du Havre, sollicités par téléphone. L’incendie fut circonscrit vers 5 heures du matin. La villa, qui renfermait des œuvres d’art et du mobilier de collection, a été détruite et le montant des dégats aurait atteint un million de francs. La villa, qui était louée 6000 francs pour la saison à venir, était inoccupée mais des travaux de réparation y étaient effectués, ce qui a pu provoquer l’incendie. Au conseil municipal du 31 mai suivant, des félicitations ont été votées aux sapeurs-pompiers d’Étretat, sur proposition de Léon Vatinel, pour leur zèle lors du combat contre l’incendie (Journal de Rouen du 29/3/1914 et du 6/6/1914, Petit Havre du 29/3/1914 et du 30/4/1914).
  • Un éboulement s’est produit le 26 mars 1914 dans la rue Anicet-Bourgeois où deux terrassiers qui creusaient des tranchées pour canalisation d’égouts devant la villa du maire Mr Georges Flory ont été ensevelis par un éboulement ; ils ont pu être dégagés mais l’un d’eux a été blessé (Journal de Rouen du 1/4/1914).
  • Mr Marais, marin d’Étretat, a découvert dans l’embarcation d’Ulysse Vatinel un chapeau de femme en crêpe sur lequel était épinglée une feuille signée Louise annonçant son intention d’en finir avec la vie ; à côté se trouvait un parapluie usagé (Journal de Rouen du 11/5/1914).
  • Le 25 mai, Marcel Pisant, coiffeur, a reçu une décharge de plomb dans la main droite en appuyant par mégarde sur la gâchette d’une carabine qu’il manipulait (Petit Havre du 29/05/1914).
  • Arrestation par la gendarmerie d’Etretat de Mr Sandrin, raccomodeur de porcelaine ambulant, transféré au Havre pour délivrance d’un carnet anthropométrique, en vertu de la nouvelle loi sur les nomades et errants (Petit Havre du 21/6/1914).
  • Le 29 juin Mr Couturier, chef de cuisine à Etretat, s’est pendu dans sa chambre à l’aide d’une courroie de valise (Petit Havre du 2/7/1914).
  • Mr Jean, 29 ans, piqueur au service de Mr Deschamps, loueur de voitures à Étretat, passait à cheval route du Havre, en face de la villa du Bois Rosé, le 1er juillet 1914, lorsque son cheval se cabra et renversa son cavalier, le frappant d’un coup de sabot à la tête. Il fut soigné par le Dr Fidelin père, témoin de l’accident (Journal de Rouen du 4/7/1914).
  • Mr Victor Couturier, chef cuisinier à l’hôtel de la Plage, a été retrouvé pendu dans sa chambre de l’hôtel Hauville (Journal de Rouen du 4/7/1914).

Les premiers essais sur route du vélo-torpille

À la veille de la Première Guerre Mondiale, Etienne Bunau-Varilla se consacre en dilettante au sport et à l’aviation en particulier, grâce à la fortune acquise par son père, un ingénieur enrichi par le scandale du canal de Panama. Mais si son nom a acquis une certaine notoriété, ce n’est pas grâce à son activité de pionnier de l’aviation mais bien plutôt à cause du curieux vélo-torpille, un engin qu’il a mis au point en collaboration avec un ancien camarade de régiment, Marcel Riffard, un ingénieur aérodynamicien (http://www.carnetsdepolycarpe.com/un-engin-steampunk-le-velo-torpille/). Le vélo-torpille consiste en une coque fuselée, à la manière d’un aérostat, montée sur une bicyclette ordinaire. Les premiers essais réalisés sur piste au Parc des Princes en décembre 1913 sont concluants, si bien qu’un test sur route est envisagé.
Le choix se porte, pour des raisons pratiques, sur la route Le Havre-Étretat et l’essai est tenté le 21 janvier 1914, en compagnie d’un mécanicien et avec l’aide d’un cycliste expérimentateur nommé Beyer.

Les essais par le cycliste Marcel Berthet au Parc des Princes le 18 décembre 1913 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6928192g.r=v%C3%A9lo%20torpille?rk=21459;2)

L’appareil se comporte admirablement, par tous les vents. Le vent de côté, qui était le plus à craindre, ne gêne nullement la vitesse et je puis vous dire que nous avons enregistré entre Le Havre et Etretat une augmentation de la vitesse habituelle de 20 % par vent arrière ou de côté, tandis que cette augmentation va jusqu’à 40 % par vent debout. Je suis persuadé, aioute M. Banau-Varilla qui parait certain du succès de son invention, que lorsqu’un cycliste aura goûté Ie bien-être que procure  la « torpille » il lui sera difficile de s’en passer. Non seulement il verra Ia vitesse notablement augmentée sans effort, mais par temps de bise glaciale comme celle que nous éprouvons actuellement, ou même par temps de pluie, il se trouvera complètement à l’abri, tout comme dans une automobile fermée ». Ajoutons que Ie poids de l’enveloppe actuelle n’atteint pas six kilos, mais la construction définitive diminuera encore ce poids.

Le Petit Havre du 24 janvier 1914

La guerre suspendit les travaux sur le vélo aérodynamique mais ils reprirent dès 1919 et le vélo-torpille de Bunau-Varilla, qui fit des émules, connut différentes métamorphoses jusque dans les années 30 et même au-delà, comme le Vélodyne, le Vélo Fusée ou le Vélocar, au design tout aussi improbable.

La colonie des Orphelins d’Étretat

La mobilisation générale est proclamée en France le 2 août 1914. Le même jour, la colonie des Orphelins d’Étretat est créée par les dirigeants de l’Université Populaire du faubourg Saint-Antoine à Paris, pour recueillier les enfants orphelins de mère et dont le père était mobilisé. Le philanthrope Émile Vitta a été le délégué de l’Université Populaire à Étretat, endroit qu’il a choisi pour accueillir les enfants. Un premier convoi de 150 enfants parisiens y fut envoyé par train spécial affrété par le gouvernement, après le dernier train de mobilisation. Ils ont été suivis par des enfants du Nord et de l’Est de la France. La colonie atteignit 350 enfants au bout de deux mois et se monta à plus de 500 en décembre. L’hebergement se fit d’abord dans l’hôtel Hauville, d’une capacité de 200 enfants, devenue rapidement insuffisante, et dans 9 villas désertées ; les repas étaient pris dans la grande salle de l’hôtel Hauville. A la rentrée scolaire, le 1er octobre, 3 salles de l’école communale furent affectées pour les pensionnaires de la colonie et 6 institutrices, venues de Fécamp, furent déléguées par le ministère de l’instruction publique. Les enfants étaient répartis en « familles » d’une vingtaine de membres, dirigées par une « mère » et distinguées par la couleur de leur polo de laine et un nom de fleur ou d’animal (les Mouettes, les Violettes, les Coquelicots, les Mandarines,…). Le budget de fonctionnement s’élèvait à 12.000 francs par mois, justifiant le lancement d’un appel aux dons. L’association des Orphelins de la guerre fut créée pour soutenir la colonie (Journal de Rouen du 18/8/1914 et du 7/12/1914, Petit Havre du 29/10/1914, 22/11/1914, 26/11/1914 et 28/12/1914).

La colonie des Orphelins de la Guerre près de l’hôtel Hauville rue Boissaye, actuellement place du Général de Gaulle

For the times they are a-changin’

Les mutations que connaît la société de la Belle Époque ne se limitent pas à l’innovation technologique -l’automobile, le téléphone, l’avion, le cinéma, le phonographe…- et aux changements économiques ; elles touchent aussi les moeurs et la vie sociale. Le divorce, brièvement introduit par la Révolution et supprimé par la monarchie, est rétabli en 1884. Dix divorces sont retranscrits à Étretat entre 1887 et 1913 dans les registres d’état-civil de la commune. Le premier est celui d’un ancien maire d’Étretat, Pierre Ono-dit-Biot. Dans sept affaires, le divorce a été demandé par l’épouse ; le divorce a été prononcé aux torts du mari dans six cas, de l’épouse dans deux cas seulement et aux torts respectifs dans deux cas. Les adversaires profèrent les accusations usuelles, plus ou moins étayées : ivrognerie, adultère, violence, paresse, prodigalité, voire même inceste et pédophilie (rien de nouveau sous le soleil).
Le vêtement constitue aussi un indicateur du statut social de la femme ; il n’est pas surprenant que le port d’une jupe culotte par une jeune femme, constaté pour la première fois à Étretat en mai 1911, ait été jugé digne d’être signalé dans la presse (Journal de Rouen du 27 mai 1911).
La Belle Époque se termine avec la boucherie de la Première Guerre Mondiale. Jean Jaurès, dernier opposant aux nationalistes de tout poil et aux bellicistes de conviction ou d’intérêt, est assassiné le 31 juillet 1914 ; son meurtrier sera acquitté en 1919, après la fin d’un conflit qui aura fait au total plus de 18 millions de victimes -dont plus de 70 victimes directes pour la seule commune d’Étretat.

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