Le 80ème anniversaire de la Libération d’Étretat, fêté cette année, est l’occasion de faire connaître la série de clichés pris entre 1941 et 1944 par Roger Flamant, le photographe étretatais dont le studio se trouvait au n°29 de la rue Alphonse Karr. Ces photographies ont été commercialisées à l’époque sous forme de tirages noir et blanc sur papier glacé en petit format (90 x 60 mm), regroupées dans une petite pochette cartonnée portant le titre : Etretat Libération. Certaines de ces photographies ont été reproduites par Cédric Thomas dans un ouvrage publié en 2015. Nous les présentons ici en vis-à-vis du paysage actuel, observé depuis le même point de vue lorsque c’était possible car les modifications survenues dans l’environnement urbain ou naturel s’y opposent parfois. On pourra ainsi mesurer les changements -pas spécialement heureux- intervenus en particulier sur le front de mer puisque c’est évidemment cette partie de la commune qui a été le plus affectée par les travaux du Mur de l’Atlantique à partir de 1941.
Cérémonie de commémoration du 80e anniversaire de la Libération d’Étretat le 2 septembre 1944, article du bulletin municipal « Etretat, La Feuille », n°12
décembre 2024
Le blockhaus encastré dans la falaise d’Amont, à l’extrémité septentrionale de la digue-promenade, est resté ouvert et visible longtemps après la fin de la guerre. Son ouverture a ensuite été murée avant sa destruction. On reconnaît bien, vers le haut du cliché, un piton rocheux du type qu’on appelle parfois « bonhomme de craie » et qui a été dégagé, par l’érosion, des poches argileuses qui l’entouraient. La légende du cliché n°20 indiquait « Blockhaus de l’Hôtel des Roches ». Quelques mètres plus à gauche, une tache de ciment à mi-hauteur de la paroi (non visible sur ces clichés) signale une ouverture de tir qui a été rebouchée voici quelques décennies
décembre 2024
Le cliché n°9 est titré « ce qui reste de l’Hôtel des Roches Blanches ». Le bâtiment détruit a été remplacé, après la guerre, par un immeuble de 3 étages à toit en terrasse
décembre 2024
La photo n°12 et la photo n°2 ont été prises sensiblement selon le même angle ; la première, focalisée sur l’enchevêtrement de barbelés et de chevaux de frise, est titrée « Contre le Débarquement » ; la seconde date probablement de 1944 puisqu’elle est titrée « Cuisine américaine » ; prises à contre-champ du cliché 9, à peu près au niveau du terrain de boules actuel, elles montrent à la fois les défenses littorales et les gravats de démolition des villas du bord de mer et d’une partie de l’Hôtel des Roches
décembre 2024
Le cliché 22 (« Bord de mer, démolitions de toutes les Villas ») donne un aperçu de la perte subie par le patrimoine architectural étretatais ; les immeubles parallélépipédiques édifiés après-guerre dans un pur objectif de rentabilité, à la place de l’ensemble construit en 1896 dans le style anglo-normand, ne font qu’accentuer ce sentiment de déchéance
décembre 2024
La photo 4 (« La Terrasse du Casino ») a été prise après la destruction -en août 1942- de l’ancienne Chapelle Notre-Dame de la Garde, reconstruite en 1950
Prise avec un peu plus de recul, la photo n°3 (« La Terrasse en 1941 ») montre la Chapelle inaugurée en 1856 sur le sommet de la falaise d’Amont avant sa démolition
décembre 2024
« Les défenses de la rue Alphonse Karr » ; cette rue, une des plus commerçantes d’Étretat, était barrée à son débouché côté mer par un mur plein et par des pieux disposés en quinconce. Les façades des maisons n’ont guère changé, en dehors de quelques lucarnes remplacées par des velux
décembre 2024
Vue n°6 : « Blockhaus de la Terrasse du Casino » ; la perspective est fortement modifiée par l’abaissement du niveau de l’estran à cause du dégraissement du cordon de galets
Photo n°18 : « Défense dans la Propriété Mouchet » ; le point de vue est proche de celui du magnifique tableau peint par Gustave Courbet en 1870 (La Falaise d’Etretat après l’orage). Sur le panneau fixé aux pieux on peut lire l’avertissement suivant : Achtung! Allen Personen, auch Soldaten, ist das Betreten des Stratdes und der Strandpromenade ohne Sonderausweis verboten! / Avis! L’accès à la plage et à la promenade est défendu à toute personne sans permis spécial. Der Standortkommandant.
décembre 2024
La photo 7 est sobrementtitrée « Contre le Débarquement » ; elle montre les chevaux de frise enfoncés dans l’estran à marée basse ; la chapelle avait déjà été détruite
décembre 2024
La photo 11 montre le « Blockhaus sous le Chantier Naval » ; situé à l’extrémité méridionale de la digue-promenade, au pied de la falaise d’Aval, c’est un des rares ouvrages conservés à peu près dans l’état, bien que son ouverture ait été obstruée. Pour les mêmes raisons que pour le cliché 6, l’identité de l’angle de prise de vue n’a pu être parfaitement respectée
décembre 2024
mars 2021
« Blockhaus sous la Falaise d’Aval » ; située près de l’ouvrage précédent, qu’on aperçoit en arrière-plan, cette construction est également à peu près intacte. Là aussi, on mesure bien l’abaissement du niveau de l’estran consécutif à la migration des galets
décembre 2024
Avec le cliché 24 (« Canon sur la Falaise d’Aval ») et le cliché 14 (« Vue Générale, Falaise d’Amont »), nous montons sur la Falaise d’Aval, qui était couverte de batteries d’artillerie échelonnées en altitude ; ces photos ont été prises sensiblement du même endroit : la côte du Camondet, aujourd’hui rue du Dr de Miramont, en contrebas de l’hôtel du Dormy House. Elles montrent la permanence de nombreux bâtiments, parmi lesquels la villa les Bardies (premier-plan à droite) et, en arrière-plan, l’immeuble des Golfs Hôtels (aujourd’hui la Résidence) dont on aperçoit les frontons triangulaires
décembre 2024
La photo 23 est légendée « Blockhaus sur la Falaise d’Aval » ; cet ouvrage, qui couvre la baie depuis le sud-ouest, surplombe les dispositifs de défense précédents ; il a été recouvert, il y a quelques années, par une terrasse en bois qui offre un panorama intermédiaire sur le village avant d’accéder au sommet de la falaise et à la grotte de la Chambre des Demoiselles
mars 2021
« 2 septembre 44, Poignée de mains aux libérateurs » : c’est l’un des trois clichés pris sur le vif à l’arrivée des troupes anglaises ; l’opérateur se trouvait ici à l’angle sud-ouest de la mairie, devant une fenêtre de l’école. La place Paul Casimir-Périer a été rebaptisée place Maurice Guillard
décembre 2024
La photo 2bis est ainsi légendée : « Arrivée des Anglais, 25 (sic) sept. 44 à 7 h. du soir » mais la photo 3bis est correctement légendée (« Place de la Mairie, arrivée des Anglais, 2 sept. 44 à 7 h. du soir »). Le balcon qui surmontait la porte d’entré de la mairie a disparu
décembre 2024
Cette photo n’est pas légendée ; elle semble remplacer la photo n°4, titrée « La Terrasse du Casino » et qui ne figure pas dans la pochette. Quoiqu’il en soit soit, l’identification de la scène ne fait aucun doute : il s’agit de la visite à Étretat du général de Gaulle, qu’on reconnait sur le bord gauche du cliché à sa haute stature, et qui chemine au côté du maire Raymond Lindon. L’évènement, qui s’est produit le 30 mars 1947, a été capturé depuis le premier étage de La Césarine, maison située à l’angle de l’avenue Georges V et de la rue Guy de Maupassant ; on aperçoit la rue Prosper Brindejont en enfilade
En vous voyant tous ici, je m’aperçois, et je le savais déjà, qu’Étretat, comme la France entière, est parfaitement consciente de ce qui lui reste à faire pour rechercher ce qu’elle veut être.
Général de Gaulle, cité par Le Havre-Éclair du 31 mars 1947
Pour en savoir plus :
David BELLAMY : De Gaulle et la Normandie. Études Normandes, t. 45, n°3, 1996, p. 4-27.
Cédric THOMAS : Etretat 1939-1945. Éditions Bertout, 1996, 126 p.
Cédric THOMAS : Étretat 1939-1945, de l’occupation allemande au camp Pall Mall. Éditions Corlet, 2015, 416 pages.