Les premiers recensements de la population étretataise

Les recensements de population relèvent d’une idée ancienne dans l’histoire des civilisations. Ils constituent en effet un instrument de gestion important pour les autorités, que ce soit d’un point de vue fiscal, politique, économique ou militaire. Les sociétés centralisées sont logiquement celles qui ont mis en œuvre ces dénombrements. Ainsi, sous le règne du Roi-Soleil, Colbert lança une enquête nationale en 1664 qui visait à un état des lieux du royaume sous de multiples aspects. La Révolution  française reprit ces idées dès 1789 par un décret de dénombrement des citoyens actifs par commune. En 1801, la périodicité du recensement de la population française est fixée à 5 ans et cette rythmicité sera respectée jusqu’en 1946 (à l’exclusion des guerres) mais les modalités d’exécution et les conditions de conservation font que les archives ne sont aujourd’hui disponibles qu’à partir de 1836, de façon générale. En ce qui concerne Étretat, le premier recensement consultable en ligne est celui de 1841. C’est le premier qui soit basé sur le domicile de fait des individus à un jour donné. Il est dressé à partir d’états nominatifs établis par la commune.

Recensement du 29 juin 1841 (Archives Départementales de la Seine-Maritime)

Le recensement individuel du 29 juin 1841 a été effectué par quartier (15 au total) et par ménage. Un ménage est défini comme l’entité qui « regroupe l’ensemble des occupants d’une résidence principale, qu’ils aient ou non des liens de parenté » (c’est la définition actuelle de l’INSEE) ; le terme peut être pris comme synonyme de foyer. Dans la liste ci-dessous, le nombre moyen d’individus pat ménage est indiqué entre parenthèses :

  • Chemin n°1 dit du Centre : 135 habitants, 32 ménages (4,2)
  • Chemin n° 2 : 159 habitants, 44 ménages (3,6)
  • Chemin de la Fontaine n°8 : 42 habitants, 10 ménages (4,2)
  • Rue de la Tour n°6 : 110 habitants, 26 ménages (4,2)
  • Chemin triangulaire n°23 : 65 habitants, 11 ménages (5,9)
  • Sente du Bassin n°25 : 63 habitants, 13 ménages (4,8)
  • Chemin du Rivage n°17 : 173 habitants, 36 ménages (4,8)
  • Chemin du Presbytère à Criquetot n°5 : 230 habitants, 48 ménages (4,8)
  • Quartier de la Côte : 25 habitants, 6 ménages (4,2)
  • Chemin de Notre-Dame n°10 : 121 habitants, 30 ménages (4,0)
  • Chemin de Fécamp n°3 : 191 habitants, 51 ménages (3,7)
  • Chemin du Bec n°12 : 131 habitants, 30 ménages (4,4)
  • Ferme du Mont : 5 habitants, 1 ménage (5,0)
  • Hameau de Valaine : 36 habitants, 7 ménages (5,1)

Le recensement du 26 juillet 1846 est moins précis géographiquement (il ne distingue que le Bourg et les hameaux ruraux de Valaine et de la Ferme du Mont) mais il est effectué par maison et par ménage ; par rapport au précédent, il ajoute à la profession exercée le lien de parenté au sein de la famille ou le lien professionnel, puisque les employés hébergés par leur employeur sont pris en compte. Il mentionne également l’âge de chaque individu, avec une certaine marge d’erreur car cette donnée est déclarative. Lorsque l’on compare avec les registres d’état-civil, on constate qu’une certaine approximation s’attache également aux prénoms indiqués.

Le recensement de 1851 reprend la distinction géographique par rue ; il fournit in fine un récapitulatif de la population par âge et par sexe d’une part, par type d’activité -selon une nomenclature détaillée- d’autre part.

  • Chemin du Centre n°1 : 178 habitants, 39 ménages (4,6)
  • Chemin du Bon Mouchel n°2 : 83 habitants, 23 ménages (3,6)
  • Chemin de Fécamp n°3 : 121 habitants, 30 ménages  (4,0)
  • Chemin de Criquetot n°4 : 77 habitants, 13 ménages (5,9)
  • Chemin du Presbytère n°5 : 163 habitants, 40 ménages (4,1)
  • Rue de la Tour n°6 : 119 habitants, 29 ménages (4,1)
  • Chemin du Perrey n°7 : 72 habitants, 24 ménages (3,0)
  • Chemin de la Fontaine n°8 : 54 habitants, 17 ménages (3,2)
  • Rue du Canal n°9 : 48 habitants, 10 ménages (4,8)
  • Chemin Notre-Dame n°10 : 173 habitants, 46 ménages (3,8)
  • Chemin du Bec n°12 : 94 habitants, 21 ménages (4,5)
  • Chemin des Haules n°14 : 4 habitants, 2 ménages (2,0)
  • Chemin de la Valette n°16 : 177 habitants, 42 ménages (4,2)
  • Sente du Bassin n°25 : 31 habitants, 6 ménages (5,2)
  • Chemin du Mont n°22 : 35 habitants, 8 ménages (4,4)
  • Route départementale n°17 : 28 habitants, 8 ménages (3,5)
  • Chemin de Valaine à Antifer n°18 : 18 habitants, 3 ménages (6,0)
  • Chemin de Cateuil n°19 : 19 habitants, 3 ménages (6,3)
  • Ferme du Mont : 7 habitants, 1 ménage (7,0)

Par rapport aux registres d’état-civil, les recensements apportent des renseignements supplémentaires précieux aux yeux des démographes car ils donnent un état instantané d’une population et de sa structure par âge, par sexe et par état matrimonial, incluant les individus résidents non natifs. Du point de vue socio-économique, ils renseignent également sur les catégories socio-professionnelles et sur la composition des ménages.

La population étretataise entre tradition et révolution (1841-1851)

C’est sous la Monarchie de Juillet qu’Étretat voit poindre les prémices du tourisme balnéaire qui va définitivement bouleverser la société et l’économie locales. Les premiers bains de mer, inaugurés un peu plus au nord par quelques têtes couronnées dans les années 1810-1820, ne sont pratiqués à Étretat qu’à partir de 1843-1844, si l’on en croit l’abbé Cochet qui explique ce retard par un isolement dû à l’infrastructure routière déficiente : la route de Fécamp n’est commencée qu’en 1843 et achevée en 1845, la route du Havre est construite entre 1838 et 1852. Quant à la ligne de chemin de fer Les Ils-Étretat, elle n’est ouverte qu’en 1895. Avant 1830, seuls quelques rares peintres s’aventuraient brièvement dans le village, sans y laisser d’empreintes durables. Alphonse Karr, qui est considéré comme le « découvreur » d’Étretat, y fait sa première incursion en 1833, bientôt suivi (en 1837) par le premier « touriste » allemand, Jacob Venedey. La révolution s’accomplit sous le Second Empire, avec la construction du Casino et de la plupart des grandes villas bourgeoises. Sur le plan démographique, elle se traduit par un accroissement important de la population (+35 % en 25 ans).

Évolution du nombre d’habitants à Étretat selon les recensements de 1841 à 1926

Les recensements de 1841, 1846 et 1851 se situent donc à une période charnière de l’histoire étretataise.

Les femmes dominent ! (…en nombre)

En 1841, les individus de sexe féminin étaient majoritaires et représentaient  52,4 % de la population étretataise. Pourtant, comme dans la plupart des populations humaines, le rapport de masculinité à la naissance (RMN) est en faveur des mâles à Étretat : entre 1830 et 1840, il est né un peu plus de 104 garçons pour 100 filles.

Les habitants se répartissaient entre 60 % de célibataires, 33 % de marié(e)s et 7 % de veuf(ve)s ; le veuvage concernait plus les femmes (9,4  % de veuves) que les hommes (4 % de veufs).

1841 Célibataires Mariés Veufs Total
Femmes 468 250 76 794
Hommes 440 250 30 720
Total 908 500 106 1514
1846 Célibataires Mariés Veufs Total
Femmes 445 253 69 767
Hommes 393 251 31 675
Total 838 504 100 1442
1851 Célibataires Mariés Veufs Total
Femmes 435 280 65 780
Hommes 404 284 33 721
Total 839 564 98 1501

La part de la population féminine est encore un peu plus importante en 1846 (53,2%). La proportion des marié(e)s a légèrement augmenté (passant à 35 %) au détriment des célibataires (58 %), ce qui pourrait être dû à un certain vieillissement de la population mais les âges ne sont pas indiqués dans l’enquête de 1841. Cette tendance se poursuit en 1851 (37,6 % de marié-e-s, 56 % de célibataires).

Une population jeune

Pyramide des âges de la population étretataise en 1846, d’après les chiffres du recensement
Pyramide des âges de la population étretataise en 1851, d’après les chiffres du recensement

La pyramide des âges se rapproche de celle des pays dits « en voie de développement », avec une base large en raison de la forte proportion d’enfants et d’adolescents et un profil légèrement concave qui s’effile assez rapidement vers le haut, à cause de la faible proportion de personnes âgées. La population féminine est majoritaire dans la catégorie 0 à 30 ans, minoritaire dans la tranche d’âge 30 à 45 ans (probablement en raison d’une surmortalité liée aux maternités) puis domine de nouveau dans la catégorie des plus de 45 ans, ce qui explique que les veuves sont deux fois plus nombreuses que les veufs. De petites différences sont visibles entre la pyramide des âges de 1846 et celle de 1851, comme la plus forte proportion de jeunes enfants (0 à 5 ans) en 1851, qui pourrait être attribuée à une diminution de la mortalité infantile.

Fluctuation du nombre de naissances à Etretat de 181 à 1851, d’après les registres d’état-civil

Une esquisse de bilan sanitaire est fournie par le recensement de 1851, qui dénombre les infirmes.

Aveugles 1
Borgnes 2
Sourds et muets 0
Aliénés à domicile 2
Individus atteints du goitre 1
Individus atteints d’une déviation de la colonne vertébrale 2
Manchots 1
Unijambistes 0
Pieds bots 2
Autres maladies ou infirmités 5

En 1846, quatre individus -tous de sexe masculin- étaient signalés comme « aliénés non dangereux ». Ils  vivaient au sein de leur famille. Leur âge s’échelonne de 17 à 63 ans.

La composition des ménages : solidarité intergénérationnelle

Les instructions données aux recenseurs recommandaient d’inscrire « d’abord le chef de ménage, homme ou femme, puis la femme de ce chef, puis ses enfants, s’il en a ; puis les ascendants, parents ou alliés faisant partie du ménage ; enfin, les domestiques et les employés ou ouvriers qui vivent et qui ont leur résidence en commun avec la famille ». En effet il faut distinguer la famille nucléaire de l’unité domestique, qui peut être beaucoup plus large. 349 ménages étaient dénombrés en 1841, 353 en 1846 et 365 en 1851.

On a vu qu’en 1841 les foyers étretatais rassemblaient en moyenne 4 personnes (4,3 exactement) ; ce chiffre n’évolue que peu en une décennie (4,1 en 1846 et 1851). Il parait relativement faible si l’on considère la forte natalité de cette époque mais il faut tenir compte de la forte mortalité infantile. C’est une moyenne qui recouvre aussi d’importantes disparités spatiales : les foyers de cultivateurs des hameaux comme Valaine, le Cateuil et la Ferme du Mont sont composés de 5 à 7 personnes car à la famille s’ajoutent les employés agricoles, alors que dans l’agglomération la moyenne peut descendre en-dessous de quatre individus.

Quelques foyers du bourg, comme ceux des aubergistes ou des commerçants, incluent toutefois un petit nombre de domestiques ou d’apprentis, qui va aller croissant avec la révolution balnéaire. Ainsi le ménage de l’aubergiste Césaire Blanquet comprend 7 personnes en 1841 (le chef de famille, son épouse, ses deux enfants et trois domestiques), 10 personnes en 1846 (le chef de famille, son épouse, ses quatre enfants et quatre domestiques) puis 12 personnes en 1851 (le chef de famille, son épouse, ses quatre enfants et six domestiques).

A ces différences d’ordre socio-économique s’ajoutent les histoires personnelles qui multiplient les situations ; les veuvages précoces sont fréquents, ainsi que les remariages. Ceux-ci amènent une redistribution dans la répartition des ménages et leur élargissement, par la cohabitation d’enfants issus de lits différents ou l’accueil d’un parent isolé. Le « chef de ménage » identifié dans le recensement est de sexe masculin dans 80 % des cas. Les personnes seules sont rares : ils ne sont que 33 dans ce cas, en 1841 comme en 1846 (12 hommes, 21 femmes).

  Statut du chef de ménage 1841 1846
Homme marié 243 246
Femme mariée 5 6
Veuf 25 20
Veuve 59 55
Célibataire homme 10 14
Célibataire femme 7 12

En 1841, le ménage le plus fréquent est composé d’un père et d’une mère avec enfant(s) du couple, ce qui est la situation de 47 % des foyers. Mais les foyers composés uniquement du mari et de son épouse sont relativement nombreux (11 %). Viennent ensuite les veuves avec enfants, qui sont plus de deux fois plus nombreuses que les veufs avec enfants, à la fois parce que la longévité féminine est supérieure et parce que le remariage des veufs est plus fréquent. Les veuves seules sont également deux fois plus nombreuses que les veufs seuls. Les célibataires vivant seuls sont une exception : seuls deux hommes (un capitaine de navire et un douanier) et cinq femmes (dont une religieuse et une rentière) sont dans ce cas en 1841 ; ils sont deux fois plus nombreux en 1846. Les hommes célibataires –de même que les veufs sans enfant- cohabitent le plus souvent avec un parent (frère, sœur, neveu ou mère). L’accueil au sein des foyers de parents collatéraux (neveu ou nièce, frère ou sœur, beau-frère du chef de famille) est assez fréquent : 19 ménages sont dans ce cas. Un ascendant du chef de ménage (ou de son conjoint éventuel) est présent dans neuf foyers ; onze foyers incluent les petits-enfants du chef de ménage (ou de son conjoint). Les enfants d’un premier lit sont présents dans neuf foyers ; ils cohabitent le plus souvent avec les enfants du deuxième lit. Un autre paramètre vient s’ajouter : l’hébergement de « domestiques », qui concerne douze ménages (un peu plus de 3% du total) et recouvre des situations très différentes. Dans quatre cas, il s’agit d’employés agricoles, dans deux cas l’employeur est un aubergiste, dans un cas un épicier. Les notables employant du personnel domestique à proprement parler sont peu nombreux : il s’agit du maire (Jacques Fauvel), du curé (l’abbé Monville) et d’une rentière (Jeanne Legros, veuve Morin).

La combinaison de tous ces critères produit une grande diversité de situations :

  • Couple sans enfant : 39
  • Couple sans enfant et domestique : 1
  • Couple sans enfant et neveu ou nièce d’un des conjoints : 2
  • Couple sans enfant et beaux-frères  du conjoint : 1
  • Couple sans enfant et petit-enfant : 1
  • Couple avec enfant(s) : 165
  • Couple avec enfant(s) d’un premier lit : 2
  • Couple avec enfant(s) et domestique(s) : 7
  • Couple avec enfants de plusieurs lits : 7
  • Couple avec enfants et frère du conjoint : 1
  • Couple avec enfant(s) et neveu ou nièce d’un des conjoints : 2
  • Couple avec enfant et petit-enfant : 1
  • Couple avec enfant et beau-frère du conjoint : 1
  • Couple avec enfant(s) et belle-mère du conjoint : 2
  • Couple avec enfant(s) et mère du conjoint : 4
  • Couple avec enfant(s) et bru ou gendre et petit(s)-enfant(s) : 3
  • Homme marié vivant seul : 4
  • Femme mariée vivant seule : 3
  • Femme mariée seule avec enfant(s) : 2
  • Veuf vivant seul : 6
  • Veuf vivant avec sa mère : 1
  • Veuf avec neveu : 1
  • Veuf avec enfant(s) : 14
  • Veuf avec enfant et nièce : 1
  • Veuf avec enfant(s) et petit(s)-enfant(s) : 2
  • Veuve vivant seule : 13
  • Veuve et veuve sans parenté connue : 1
  • Veuve et domestique : 1
  • Veuve et sœur : 1
  • Veuve avec enfant(s) : 35
  • Veuve avec enfant et domestique : 1
  • Veuve avec enfant(s) et gendre ou bru : 2
  • Veuve avec enfants et mère : 1
  • Veuve avec enfant(s) et petit-enfant : 3
  • Veuve avec bru, mari de la bru et petits-enfants : 1
  • Homme célibataire vivant seul : 2
  • Homme célibataire et mère : 1
  • Homme célibataire et frère(s) ou sœur : 5
  • Homme célibataire et sœur et domestiques : 2
  • Femme célibataire vivant seule : 5
  • Femme célibataire et sœur : 1
  • Femme célibataire et sœur et nièce : 1

36 ménages comptent 8 individus ou plus (en 1841 comme en 1846). La dimension maximale est de 12 personnes ; trois foyers sont dans cette position en 1841, dont le couple formé par Pierre Benoît Martin et Olive Frébourg, avec leurs dix enfants vivants, le couple de Pierre Benoît Paumelle et Césarine Houlbrèque avec leurs dix enfants âgés de 5 à 24 ans et le couple de Jean Beaufils et Françoise Fréger, avec les deux enfants du couple, auxquels s’ajoutent les quatre enfants d’un premier lit de Jean et les quatre enfants d’un premier lit de Françoise. Le ménage Augustin Martin- Victoire Martel ne compte que trois enfants mais il comprend le père de Victoire avec son épouse ainsi que quatre employés agricoles. Rose Vallin et Jean Duchemin, avec leurs sept enfants de 2 à 21 ans, ne viennent qu’en 10e position pour la taille du ménage. La situation en 1846 n’est guère différente :

  • Couple sans enfant : 37
  • Couple sans enfant et domestique : 6
  • Couple sans enfant et neveu ou nièce d’un des conjoints : 3
  • Couple sans enfant et sœur  du conjoint : 1
  • Couple sans enfant et père du conjoint : 1
  • Couple sans enfant et petit-enfant : 1
  • Couple sans enfant et petit-enfant et sœur de l’épouse : 1
  • Couple avec enfant(s) : 154
  • Couple avec enfant(s) d’un premier lit : 1
  • Couple avec enfant(s) et domestique(s) : 3
  • Couple avec enfants de plusieurs lits : 8
  • Couple avec enfants et frère ou sœur du conjoint : 5
  • Couple avec enfants et neveu d’un des conjoints : 1
  • Couple avec enfant et enfant en nourrice : 1
  • Couple avec enfant(s) et petit(s)-enfant(s) : 7
  • Couple avec enfant et beau-père de l’épouse : 1
  • Couple avec enfants d’un premier lit et belle-mère du conjoint : 1
  • Couple avec enfants d’un premier lit et mère du conjoint : 1
  • Couple avec enfants et mère du conjoint : 1
  • Couple avec enfants et père du conjoint : 2
  • Couple avec enfants et mère de l’épouse : 3
  • Couple avec enfant et père de l’épouse : 1
  • Couple avec enfants et parents de l’épouse et domestiques : 1
  • Homme marié vivant seul : 3
  • Homme marié seul avec enfant : 1
  • Homme marié seul avec enfant et domestique : 1
  • Femme mariée vivant seule : 3
  • Femme mariée seule avec enfants : 1
  • Femme mariée seule avec enfant et petit-enfant : 1
  • Femme mariée seule avec petit-enfant : 1
  • Veuf vivant seul : 8
  • Veuf avec enfant(s) : 8
  • Veuf avec enfant et nièces : 1
  • Veuf avec enfants et petit-enfant : 1
  • Veuf avec enfant(s), gendre et petit(s)-enfant(s) : 2
  • Veuve vivant seule : 13
  • Veuve et locataires : 1
  • Veuve et enfant en nourrice : 1
  • Veuve avec enfant(s) : 31
  • Veuve avec enfants et neveux : 1
  • Veuve avec enfants et mère : 2
  • Veuve avec enfant(s) et petit(s)-enfant(s) : 5
  • Veuve avec enfant, petit-enfant et sœur : 1
  • Homme célibataire vivant seul : 7
  • Homme célibataire et apprentis ou domestiques : 2
  • Homme célibataire et frère ou sœur(s) : 3
  • Homme célibataire et sœur et domestique(s) : 2
  • Femme célibataire vivant seule : 7
  • Femme célibataire et frère ou sœur : 2
  • Femme célibataire et nièces : 1
  • Femme célibataire et enfant : 1
  • Femme célibataire et veuve sans parenté connue : 1

En 1841, les ménages composés d’individus d’une seule et même génération comptaient pour 24 %, ceux qui associaient deux générations représentaient une large majorité (71 %), tandis que 5 % des foyers voyaient cohabiter les représentants de trois générations. Ces taux passent respectivement à 27 %, 65 % et 8 % en 1846.

Des activités encore dominées par la pêche et le textile

En 1841, 59,5 % des étretatais exerçaient une profession (67 % des hommes, 52,8 % des femmes). Cette proportion est importante, compte tenu de la structure démographique, caractérisée par une population jeune. Toutefois, dans une situation économique précaire -comme celle dont a témoigné Rose Duchemin en 1844 (Karr, 1850)- le travail des femmes et des adolescents s’avère indispensable. La plupart des femmes mariées, en plus de la charge du ménage, pratiquaient donc des taches rémunérées qui pouvaient être conduites à domicile (ce qu’on appelle le travail à façon), principalement le tissage ; c’était le cas aussi des jeunes filles de plus de 13-14 ans. Quant aux jeunes garçons, passé cet âge, beaucoup étaient déjà marins.

On ne s’étonnera pas que les activités liées à la pêche occupent la moitié des travailleurs masculins : marins et pêcheurs, mais aussi charpentiers, mareyeur, poissonniers, cordiers, voiliers, tonnelier. La seconde activité est celle du textile qui occupe principalement des tisserandes (60 % des femmes actives) mais aussi des tisserands (13 % des hommes actifs) et des fileuses (23 % des femmes actives). Les cultivateurs viennent ensuite (6,8 % du total des actifs, dont un tiers à Valaine et à la Ferme du Mont) ; il faut y ajouter les bergers, les journaliers et la plupart des domestiques. Les commerçants (aubergistes, cabaretiers, bouchers, boulangers, épiciers, débitant de tabac, drapiers) sont au nombre d’une trentaine  (un peu plus de 3 % de tous les actifs). L’artisanat est représenté par un large éventail de services : sabotiers, tailleurs, cordonniers (au nombre de 16 !), teinturier, barbier, mais aussi bourrelier, chaudronnier, maçons, menuisiers, couvreur en chaume, tourneur, vitriers, maréchaux-ferrants, navettiers. Quant aux couturières, repasseuses, blanchisseuses, brodeuse et aux jardiniers, au nombre d’une trentaine en tout, ils préfigurent les services domestiques qui vont se développer dans les décennies suivantes.

L’activité industrielle, en dehors du textile pratiqué à façon, est représentée par une fabrique de tissus de laine et coton renfermant 60 métiers Jacquart et qui, dans le recensement de 1841, emploie un contremaître et un commis. L’établissement est mis en vente l’année suivante, pour cause de cessation de commerce (Journal de Rouen du 27 mai 1842).

Les fonctions et charges n’occupent qu’un petit nombre de personnes : le maire (Jacques Fauvel), un prêtre desservant la paroisse (l’abbé Monville), un gardien de batterie (le père de l’abbé Cochet), un garde-pêche (Louis Martin Vallin), un garde-moulin (Victor Thomas), un syndic des gens de mer (Etienne Martin Vallin), deux instituteurs (dont une femme) et surtout des douaniers. Ceux-ci sont au nombre de neuf en 1841 et représentent, dans la société « pré-balnéaire », une des rares sources de renouvellement de la population. On notera l’absence des professions médicales.

Répartition de la population active en 1841 (en pourcentages)

Deux catégories de fonctionnaires font leur apparition en 1846 : un cantonnier et un facteur de la poste. Pour le reste les différences entre 1841 et 1846 tiennent surtout à une sensible diminution du nombre absolu des cultivateurs (61 en 1841, 26 cinq ans plus tard), des tisserands (dont le nombre passe de 315 à 221), des fileuses (26 contre 96 auparavant) et des marins (192 au lieu de 222). Il se pourrait toutefois que cette baisse soit artificielle et liée à une définition plus restrictive des activités, excluant par exemple les plus jeunes enfants ; en effet le taux d’activité n’est plus que de 45,7 % en 1846 (59,3 % pour les hommes, 33,8 % pour les femmes), en net recul par rapport aux chiffres précédents. Il faut rappeler que la première loi règlementant le travail des enfants a été promulguée en mars 1841. La répartition entre les différents secteurs d’activité, en revanche, ne change pas fondamentalement entre 1841 et 1846.

Répartition de la population active en 1846 (en pourcentages)

Les patronymes : vieux et jeunes galets…

L’étude des patronymes est un des bons moyens d’appréhender la stabilité d’une population et son degré de renouvellement. Étretat se prête particulièrement à ce style d’exercice, à cause des mouvements de population que le village a pu connaître, en relation avec son activité halieutique, avec les impératifs de défense des côtes et enfin à la suite de l’activité touristique saisonnière.

Le recensement de 1841 comporte 203 patronymes différents (un peu moins de 200 si l’on élimine les variantes orthographiques) ; celui de 1846 en compte 196, ce qui montre une certaine stabilité. Dans l’intervalle de cinq ans, 37 patronymes ont disparu et 28 ont fait leur apparition. Les Vallin, Lemonnier et Paumelle forment le trio de tête en 1841 comme en 1846. Les dix patronymes les plus fréquents représentent à eux seuls 31 % de la population totale. A l’inverse, 60 patronymes ne sont représentés que par un seul individu en 1846.

  1841 (n) 1841 (% de la population totale) 1846 (n) 1846 (% de la population totale)
Vallin 89 5,9 % 90 6,2 %
Lemonnier 58 3,8 % 59 4,1 %
Paumelle 54 3,6 % 53 3,7 %
Maillard 54 3,6 % 45 3,1 %
Vatinel 51 3,4 % 48 3,3 %
Coquin 36 2,4 % 37 2,6%
Acher 36 2,4 % 23 1,6 %
Hauville 32 2,1 % 34 2,4 %
Lebaillif 31 2,0 % 30 2,1 %
Bisson 30 2,0 % 22 1,5 %
Aubry 28 1,8 % 29 2,0 %
Levasseur 28 1,8 % 21 1,45 %
Savalle 28 1,8 % 33 2,3 %
Leleu 24 1,6 % 25 1,7 %
Morin 24 1,6 % 19 1,3 %
Beaufils 23 1,5 % 27 1,9 %
Fauvel 23 1,5 % 27 1,9 %
Martin 23 1,5 % 22 1,5 %
Duchemin 22 1,45 % 20 1,4 %
Recher 22 1,45 % 22 1,5 %
Homont/Omont 22 1,45 % 16 1,1 %
Morisse 20 1,3 % 16 1,1 %
Enault 18 1,2 % 12 0,8 %
Poret 18 1,2 % 14 1,0 %
Cauvin 17 1,1 % 13 0,9 %
Lecanu 17 1,1 % 16 1,1 %
Maubert 16 1,05 % 11 0,8 %
Ledentu 15 1,0 % 13 0,9 %
Leroy 15 1,0 % 16 1,1 %
Simon 15 1,0 % 4 0,3 %
Horlaville 14 0,9 % 18 1,2 %
Thomas 12 0,8 % 16 1,1 %
Goument 9 0,6 % 15 1,0 %

Les mouvements de population sont donc relativement marginaux et ne concernent que des domaines d’activité particuliers. Les noms qui disparaissent entre 1841 et 1846 sont principalement ceux d’ouvriers agricoles de Valaine et de la Ferme du Mont (Bertrand, Beuzeboc, Colombel, Dumont, Letendre, Paquier, Petit), de domestiques (Coignet, Doudement, Ledout, Lefrançois, Maupaix) et d’employés de fabrique (Eliot). Plus rares sont les familles complètes qui quittent le village (comme la famille Campion, la famille Testu ou la famille Gigot) sauf lorsqu’il s’agit d’agents de l’administration : sont principalement concernés les douaniers (Hulin, famille Delaune-Vasse, famille Vasse-Legembre, couple Galmiche-Lemarchand) mais aussi les débitants de tabac (couple Delplanque-Dessaux) et les instituteurs-trices (Jouault).

En sens inverse, de nouveaux ouvriers agricoles et domestiques arrivent entre 1841 et 1846 (Goujon, Prévost, Cousin, François, Tabouret), ainsi qu’un directeur (Boissel) et un commis de fabrique (Longueville). Une famille d’aubergistes s’installe (Bobée-Rivière) ainsi que la famille d’un cantonnier (Prévost). La famille Cramoisan s’établit comme cultivateur à Valaine. La famille Liberge-Riard s’établit également comme cultivateur et le nom de Liberge s’implantera durablement à Étretat. Les douanes fournissent leur contingent de nouveaux-venus en remplacement des départs : ainsi apparaissent à Étretat les familles Corbet, Michel, Mascrier, Lebas-Lorieul, Verdière-Lecroq et Butel.

Pour en savoir plus :

  • Abbé Jean-Benoît COCHET : Etretat, son présent, son passé, son avenir. Impr. Emile Delevoye, 5e éd., 1869.
  • Alphonse KARR : Histoire de Rose et de Jean Duchemin. Ed. Calmann Lévy, 1880.
  • Raymond LINDON : Etretat, son histoire, ses légendes. Les éditions de Minuit, 1963, 186 p.
  • Thibaut de SAINT POL, Aurélie DENEY et Olivier LONSO : Ménage et chef de ménage : deux notions bien ancrées. Travail, Genre et sociétés, n°11, 2004, p.63-78. (https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2004-1-page-63.htm?contenu=resume)
  • Lucien VALLIN : Le tourisme et ses répercussions économiques et sociologiques dans un village de pêcheurs. Recueil de l’Association des Amis du Vieux Havre, 1977, n°34, p. 33-43.
  • Jacob VENEDEY : Yport et Etretat en 1837.  1860, réédité en 1980 par Gérard Monfort, Brionne.

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